A travers différentes saynètes se dresse une peinture de la société pour le moins original. Un psychiatre n'en peut plus d'attendre ses patients se plaindre. Une femme aimerait avoir une moto pour quitter le monde dans lequel elle vit....
Le film de Roy Andersson se divise en plusieurs saynètes où l'on retrouve, sauf à une reprise, le même style de mise en scène. Le réalisateur opte toujours pour une caméra fixe avec des corps statiques. Non pas qu'ils restent inertes durant toute la durée du plan mais ils n'arrivent pas à évoluer au sein de cet univers qui les entoure. Ils vivent sur leurs rêves sans pour autant réussir à les réaliser. Roy Andersson s'adresse directement à la société contemporaine, balayant toutes les catégories sociales (une jeune groupie, un homme d'affaires ou des ouvriers ...) en décrivant des êtres humains qui vivent dans leur bulle sans réellement vouloir en sortir hormis par l'imagination.
Tous les personnages sont filmés avec une peau blanchâtre ce qui atténue leurs différences comme si, de nos jours, chaque individu se ressemblait perdant individualité et différence.
Le pessimisme latent du film se dévoile plus complètement lors de la séquence finale. Tous les personnages regardent vers le ciel sans prêter attention à l'univers qui les entoure. Il ne s'agit pourtant ni d'une métaphore radieuse de l'avenir laissant espérer une instance divine qui pourrait venir en aide ou la vision d'un avenir plus prospère. Roy Andersson n'offre aux spectateurs un plan de ciel bleu que pour lui révéler qu'il s'agit d'un plan pris d'un avion. Progressivement, d'autres avions (des bombardiers) remplissent le ciel. La boucle est bouclée puisque au début du film un personnage nous avait avoué avoir fait un cauchemar où il était attaqué par des bombardiers.
Cette dernière séquence symbolise ainsi le mal enraciné dans chaque être humain et qui se matérialise par une sorte de fin du monde qui pourrait arriver un jour. Le mal enfoui au plus profond de l'être humain finira par se matérialiser et le conduire à sa fin.
Le spectateur et son double spéculaire
Durant toute la durée du film, la position qu'adopte le spectateur est celui de témoin qui regarde de manière attentive la société que nous lui offrons à observer. Nous pourrions rapprocher notre analyse avec les pensées de Kant qui comparer l'écran de cinéma à un miroir.
Cela s'applique parfaitement au film puisque le spectateur qui observe ce microcosme s'observe par la même occasion puisque, comme nous l'avons dit, Roy Andersson, peint un portrait général de la société. Le corps du spectateur ne pénètre cependant pas la toile mais ce dernier arrive à retrouver des similitudes de sa propre vie à travers les différents évènements, les différents actes créent par les personnages.
A certains moments du film, le spectateur est directement apostrophé par les personnages qui, via l'usage du regard caméra s'adresse directement à lui. A travers ces séquences, le regard caméra de l'acteur serait comme une partie du corps du spectateur qui se refuse à mettre au goût du jour. Le spectateur ferait ainsi face à une partie de lui-même qui trouverais corps, enveloppe corporelle, à travers les personnages du film.
Que restera-t-il de nous ?
Car, si comme nous avons pu le remarquer, le pessimisme englobe toute la diégèse, nous serions donc à même de nous poser la question suivante : Que restera-t-il de nous ? Ou dans cet univers, à travers quelles actions, pourrions nous trouver le salut et ainsi exister en tant qu'être. Car la seule note positive du film se résume avec la séquence ou la groupie se marie avec Micke le chanteur d'un groupe de rock. Nous observons les deux personnages dans leurs maisons pour ensuite remarquer qu'ils sont en réalité sur les rails d'un train et qu'ils voyagent sans doute à travers le pays. Ces plans ne symbolisent point le fait que nous pourrions trouver le salut à travers l'exil mais plutôt que l'existence humaine est à l'image du plan ou le train quitte la gare. L'individualité humaine n'est pas quelque chose que l'on possède à un moment " x " de notre existence. Nous existons en temps qu'être dès notre naissance et non à partir de tel moment de notre vie. Ce plan ou le train quitte la gare est à l'image de cela. Les usagers ne peuvent rentrer dans le train car ils existent déjà en temps qu'être. Cependant, une partie d'eux-mêmes nie cette dernière ce qui ne leur permet pas de s'émanciper de manière concrète.
Roy Andersson peint ici le tableau d'individus qui nie une partie d'eux-mêmes ce qui a pour conséquence de ne point les faire exister en tant qu'être. De plus le pessimisme régnant sur le film ne laisse aucune place à l'optimisme comme si pour lui, la solution ne se trouverait que dans nos rêves, dans un monde ou l'humain ne peut exister qu'en temps qu'esprit et non en temps qu'être.
Anthony Boscher, le 25/11/2007