La porte s'ouvre

1950

Genre : Film noir

(No Way Out). Avec : Sidney Poitier (Dr. Luther Brooks), Richard Widmark (Ray Biddle), Linda Darnell (Edie Johnson), Stephen McNally (Dr. Dan Wharton), Mildred Joanne Smith (Cora Brooks), Harry Bellaver (George Biddle). 1h46.

Blessés par la police au cours d'un cambriolage, Ray et Johnny Biddle sont transportés à l'hôpital. Luther Brooks, le seul médecin -noir - de l'établissement, leur donne les premiers soins. Décelant chez Johnny les signes d'une tumeur au cerveau, il lui fait une ponction lombaire. Mais son patient décède pendant l'opération et Ray, raciste invétéré, accuse le médecin d'avoir sciemment tué son frère. Pour prouver la justesse de son diagnostic, Brooks demande une autopsie, mais Ray avertit par son autre frère, George, sourd muet lisant sur les lèvres, la refuse.

Le directeur de l'hôpital, le docteur Moreland, pourrait l'exiger. Il craint cependant le scandale. Les journaux annoncent une mort suspecte après un simple tir dans la jambe. Par crainte du scandale, il renonce à l'autopsie. Seul le médecin-chef Wharton soutient Brooks. Tous deux contactent l'ex-épouse de Johnny, Edie Johnson. Celle-ci a rompu avec son milieu, divorcée depuis dix-huit mois, la jeune femme refuse d'aller voir Ray.

Ray rentre seul chez lui où il retrouve sa femme Cora, la sœur de celle-ci et son beau-frère qui prépare le concours de facteur. Tous triment dur pour y arriver et Cora se souvient des années de galère pour que Luther ait 20 sur 20 à chaque matière. Elle ne le retrouvait qu'un jour par semaine.

Edie vient secrètement voir Ray. Elle est sa maitresse, bourrelée de remords. Au lieu de le ramener à de meilleurs sentiments, c'est elle qui se laisse persuader de contacter les amis racistes des Biddle afin qu'ils organisent une expédition punitive dans le quartier noir, sous prétexte que l'on va débiter le corps de Johny comme du bois.

Toutefois, les Noirs, alertés, les prennent de vitesse. Luther tente de prévenir les autorités de la rixe qui se prépare entre Lefty Jones de Negroville et ceux de Beaver canal. La sanglante bagarre a lieu à Boot Hill. Elle fait énormément de victimes parmi les Blancs. Dégoutée Edie vient chercher refuge chez Wharton. Luther se fait cracher au visage et abandonne les blessés de l'hôpital.

Brooks est allé s'accuser du meurtre de Johnny afin que l'autopsie soit finalement ordonnée. Les résultats l'innocentent complètement. Fou furieux, Ray s'évade et attire le médecin dans un traquenard. Edie, laissée à la garde de George, réussit à s'échapper et s'interpose courageusement entre les deux hommes. Brooks en sera quitte pour une légère blessure et, fidèle malgré tout au serment d'Hippocrate, soignera son ennemi en attendant l'arrivée de la police.

À travers ce film antiraciste, longtemps interdit dans le sud des États-Unis et mis au rancart par la télévision américaine, Joseph L. Mankiewicz s'opposait avec courage au code Hays préconisant de montrer l'Amérique sous un jour positif. Mais tout autant qu'à l'intolérance frontale et assumée, c'est à la haine absurde que "La porte s'ouvre" s'attaque, avec une efficacité consommée. Pour son premier rôle au cinéma, Sidney Poitier hérite d'un rôle fort, se retrouvant dans l'œil du cyclone entre les attentes d'une élite blanche progressiste et le rejet d'une bonne partie de la population, conservatrice.

Moreland privilégie l'intérêt de l'hôpital avant tout. Ne troquez pas votre blouse blanche contre mon veston de docteurs en médecine, docteur en boniments pour obtenir subventions et unités opérationnelles... ou 300 abreuvoirs à oiseaux avec son nom gravé dessus.

Edie a quitté le quartier de Beaver canal, "ses égouts, ses taudis, ses déchets humains qui empestaient la ville. On ne s'en sort jamais. C'est comme une croix que l'on porte sur soi. La puanteur nous colle à la peau et nous trahit à des kilomètres. Croire aux bonnes paroles des riches est un leurre."

Dr. Luther Brooks : "Un médecin n'est pas censé vivre comme tout le monde";" sa haine ne me suffit pas pour le tuer". "Ne pleure pas petit Blanc. Tu vas vivre."