Mignonnes

2020

Avec : Fathia Youssouf (Amy), Medina El Aidi (Angelica), Esther Gohourou (Coumba), Ilanah (Jess), Myriam Hamma (Yasmine), Demba Diaw (Ismael), Maïmouna Gueye (Mariam), Therese M'Bissine Diop (La tante). 1h35.

Amy, 11 ans, rencontre un groupe de danseuses appelé : « Les Mignonnes ». Fascinée, elle s’initie à une danse sensuelle, Le twerk, faite de déhanchés dans l’espoir d’intégrer leur bande et de fuir un bouleversement familial...

C'est à la hauteur d'une petite fille de onze ans que le film pose la question : "Comment devenir une femme aujourd'hui ?". Amy est dure, presque indifférente à l'évanouissement de sa mère et poussant sa camarade dans l'eau, au risque de la noyer. Il semble ne pas exister pour elle de moyen-terme entre l'inaction de sa mère qui ne lui propose rien et une quête obsessionnelle de sortir de son milieu à tout prix. Saura-t-elle trouver le bon costume, qui marque sa féminité sans provocation ?

La revanche de l’inconscient

Les femmes sont censées tout supporter, tout encaisser, se montrer contente du second mariage tout en pleurant en cachette. Elles doivent préparer jusqu'à l’écœurement (les pleurs des oignons) le repas de mariage et avoir pour seule perspective, selon la tante gardienne de la tradition, un mariage pas trop malheureux.

Face à cette résignation, Amy va poursuivre une quête d’autant plus obsessionnelle qu'elle fait feu de tout bois. Elle va s’avérer dangereuse avec internet et sa pornographie à portée de clic. Amy va s’en inspirer pour un jerk bien au-dessus de son âge et inadapté au public familial qui fréquente le parc de la Villette. Amy s'expose sans conscience aux réseaux sociaux non modérés. La quête des likes va jusqu'à exposer son sexe sur Instagram et faire perdre toute lucidité, envoyant son amie dans l’eau.

Le danger, Amy le perçoit dans son inconscient qui lui fait voir sa robe traditionnelle gonflée par le vent ou saignant brusquement ; elle partage avec son petit frère la crainte des fantômes et les voit se matérialiser avec sa vision terrifiée de la seconde femme en fantôme blanc.

Trouver le bon costume

La réalisatrice n’impose pas un discours aux travers de personnages adultes qui viendraient dire ce qu'il faut penser. Le discours religieux est off : Amy cherche des yeux les anges dont parle celle qui tient aux femmes un discours religieux de soumission. Ne les trouvant pas, Amy plonge dans les vidéos de boites de nuit pour adultes. Les hommes n’ont pas besoin d’être désignés comme coupables tant la terrible tradition patriarcale s’impose, même en leur absence. Les femmes résignées ont intégré un discours de servitude qu’elles imposent aux plus jeunes.

Face à ce monde étroit, gris et terne, les fillettes sont jolies, joyeuses avec leurs costumes éclatants de couleurs ; c’est la découverte d’un monde plus beau. La transformation est maladroite avec la culotte de l'enfance brutalement exposée. Pourtant Amy finit par trouver le costume qui lui convient, qui marque sa féminité sans provocation. Le plan final qui voit son visage rayonnant, saisi dans la dynamique d’un saut à la corde, l'envoie grimper et grandir dans les airs, même si elle doit s'y reprendre à plusieurs fois.

Jean-Luc Lacuve, le 28 août 2020