C'est une estampe de Tardieu, associée à la version postérieure aujourd'hui conservée à Berlin, qui désigna le tableau sous le nom d'Embarcation pour l'île de Cythère. Ce titre s'efface depuis au profit du Pèlerinage à l'île de Cythère, son titre original, grâce aux brillantes analyses de Rodin (1911) et Levey (1961).
Ce tableau servit à Watteau de morceau de réception à l'académie le 28 août 1717, laquelle lui en avait réclamé un, depuis 1712, le laissant libre du sujet. Dans le procès verbal de réception, l'uvre est enregistrée comme "Pèlerinage à l'isle de Cythère", note corrigée par la même main en "Une fête galante".
Selon Levey (1961), le sujet réel du tableau est l'inexorabilité du temps. Il ne s'agit pas d'un embarquement pour l'île de Cythère. De nombreux éléments indiquent que le lieu représenté serait l'île elle-même. Tout, en effet, de la statue de Vénus enguirlandée de roses aux attitudes des amants, semble confirmer cette hypothèse. En outre, nulle île n'est en vue à l'horizon. Le pèlerinage étant désormais achevé, les amants, les participants, s'apprêtent à en partir. D'où l'aspect mélancolique de la scène quoique la nacelle, en forme de lit, garantisse que l'île une fois quittée, la passion ne s'éteindra pas.
Cette hypothèse confirmerait l'idée de Rodin (1911) comme quoi les divers couples ne constitueraient que les épisodes successifs d'un unique trajet psychologique exprimé selon les principes de la simultanéité médiévale. Celle-ci étant toutefois tempérée par les normes de l'unité classique de temps grâce à l'aspect hétérogène du paysage où se mêlent éléments nobles (statues, bancs de marbre de caractères rustiques, le petit village sur le rocher, la mer et les montagnes reléguées à l'arrière plan).
Le tableau pourrait alors se lire ainsi : sous les arbres séculaires, à droite, près du temple de Vénus, une jeune femme très élégante, assise sur un banc de marbre, prête attention aux paroles chuchotées par son admirateur agenouillé, pèlerin de Cythère comme l'indique ses vêtements et le bourdon, la gourde et le bréviaire d'amour posé par terre. Elle hésite tandis qu'un amour assis sur son carquois la tire par la jupe pour l'encourager. A gauche de ce groupe, la femme accepte la main que lui tend son cavalier pour l'aider à se lever. Plus loin, le pèlerin prend sa maîtresse par la taille pour l'entraîner. A présent, les amants descendent sur la grève tout à fait d'accord (le liseron indiquerait qu'un rite a été célébré pour rendre propice le voyage).