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Le christ sauveur du monde

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Le christ sauveur du monde
Atelier de Léonard de Vinci, début XVIe
Huile sur panneau, 65,7 x 45,7 cm.
Collection privée

Dans la nuit du mercredi 15 novembre 2017, ce tableau attribué à Léonard de Vinci a été vendu pour la somme historique de 450.312.500 dollars par la société américaine de ventes aux enchères Christie', devenant ainsi le tableau le plus cher du monde.

"Ce prix stupéfiant reflète l'extrême rareté des peintures de Léonard de Vinci explique Christie's sur son site. Nous n'en connaissons aujourd'hui qu'une vingtaine". Et tous sont dans des musées. Ce "dernier De Vinci" comme l'a alors appelé Christie's dans une campagne promotionnelle, était l'unique tableau du maître demeurant encore dans une collection privée.

Sa vente, retransmise en direct sur Internet, n'a duré qu'une vingtaine de minutes. L'identité de l'acheteur (qui a effectué la transaction finale par téléphone) n'a pas été communiquée. Mais, avant cette vente, annoncée dès le 10 octobre 2017, 30 000 personnes l'ont vu dans la salle des ventes de Christie's.

Doutes sur l’attribution

Selon Christie's, le tableau aurait autrefois appartenu à Charles Ier d'Angleterre. À la demande de sa veuve, née Henriette Marie de France, Wenceslas Hollar en réalise une copie gravée, qui est enregistrée dans la collection royale en 1649. Il est admis que la reine Henriette a apporté l'œuvre en Angleterre par son mariage. Ensuite, on perd sa trace durant un siècle. Le tableau est vendu aux enchères par le fils du duc de Buckingham et Normanby en 1763, puis, sa trace se perd de nouveau. Il réapparaît en 1900, quand il est acheté par un collectionneur britannique, Francis Cook, vicomte de Monserrate, le tableau est attribué à Bernardino Luini, un élève de Léonard de Vinci, lors de la vente. Il est décrit comme une copie libre d'après un autre élève de Vinci, Giovanni Antonio Boltraffio, lors de l'inventaire de la collection. Les descendants de Cook vendent le tableau aux enchères en 1958 pour seulement 45 £20. Il est alors acheté par Basil Clovis Hendry Sr, un petit industriel de Bâton-Rouge en Louisiane, le tableau reste dans la famille jusqu'en 2005.

En 2005, mise en vente à la Nouvelle-Orléans, la version Cook est acquise par deux marchands d'art new-yorkais (Robert Simon, spécialiste des maîtres anciens, et Alexander Parish) pour 1 175 dollars. Le tableau a été gravement endommagé par des tentatives de restauration précédentes, fortement repeint et reverni, de sorte qu'il ressemble à une copie. Une barbe et des moustaches ont été ajoutées, probablement après la Contre-Réforme, pour adapter l'image du Christ à la physionomie officielle. Il est alors décrit comme « une épave, sombre et lugubre ». La version Cook est restaurée par Dianne Dwyer Modestini, ancienne collaboratrice du Metropolitan Museum of Art. Les ajouts manifestes comme la barbe et les moustaches, absents de la peinture sous-jacente, sont retirés. Lors de son travail, la restauratrice découvre une reprise de la peinture au niveau du pouce de la main droite (2 pouces sont visibles), indiquant un possible repentir de l'artiste original.

Puis cette version Cook est authentifiée comme une œuvre de Léonard de Vinci par Martin Kemp. Elle est présentée au public, à la National Gallery de Londres, lors de l'exposition Leonardo da Vinci: Painter at the Court of Milano du 9 novembre 2011 au 5 février 2012. En 2013, le tableau est vendu au collectionneur russe Dmitri Rybolovlev, l'actuel président du club de football AS Monaco, pour 127,5 millions de dollars, via l'intermédiaire de la maisons de vente aux enchères Sotheby's et du courtier/marchand d'art suisse Yves Bouvier, qui se retrouve au cœur d'une polémique. Dmitri Rybolovlev a lu dans le New York Times que le tableau a été vendu pour 83 millions de dollars en 2013 alors qu’il avait transféré 127,5 millions de dollars à Yves Bouvier pour l'achat du tableau. Celui-ci aurait empoché une plus-value de 44 millions de dollars en plus de sa commission habituelle de 2% sans en informer Dmitri Rybolovlev. En janvier 2015, l’oligarque attaque Bouvier pour escroquerie, arguant de marges démentes réalisées à ses dépens. Le tableau, qui se trouvait jusque-là au port franc de Singapour, est convoyé vers Chypre, où il reste deux ans, jusqu’à ce que Rybolovlev se décide cette année à le vendre.

Le 15 novembre 2017, le Salvator Mundi passe à nouveau sous le marteau des commissaires priseurs, cette fois chez Christie's New York. Adjugé pour une somme finale de 450,3 millions de dollars, il est officiellement reconnu comme l'œuvre la plus chère ayant jamais été vendue aux enchères ou par transactions privées. Les enchères sont remportées par un enchérisseur dont l'identité reste inconnue à la fin de la vente. Le 7 décembre 2017, la presse américaine revèle qu'il s'agit du prince Badr ben Abdallah, ministre de la culture de l'Arabie saoudite agissant pour le compte du prince héritier Mohammed ben Salmane. L'information émanerait des services de renseignements américains qui surveillent attentivement les activités du prince héritier.

Le 6 décembre 2017, il est annoncé que le tableau sera exposé au musée du Louvre Abou Dabi, inauguré le 8 novembre précédent en présence du président Emmanuel Macron. En septembre 2018, cette présentation au public est reportée sine die sans explication. En réalité, son propriétaire, Mohammed Ben Salmane, aurait eu peur d'un débat sur l'authenticité discutable de ce tableau, et qu'il lui soit reproché d'avoir dépensé autant d'argent pour quelque chose qui n'est pas un Vinci. Le Musée du Louvre lors de l'exposition Leonard de Vinci en 2019 à Paris ne défend plus son attribution favorable, faute de preuves et en raison de réticences grandissantes dans le catalogue de l'exposition.

Aujourd’hui, quelques voix expriment des doutes quant à l’attribution. Cité par le New York Times, le spécialiste Jacques Franck déclare que « la composition ne vient pas de Léonard » et considère l’œuvre comme un « bon travail d’atelier avec une petite patte de Léonard au mieux ». L’état du tableau fait tiquer les spécialistes. « En dehors de la main droite du Christ, tout le reste est usé. A ce prix-là, on préférerait avoir quand même deux mains ! », indique un expert parisien.

Source : Antoine Vitkine : Salvator Mundi, la stupéfiante affaire du dernier Vinci, 2021

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