C'est lors d'un voyage en Flandres avec son mari, Jean-Baptiste Le Brun, que Vigée Le Brun découvre Le chapeau de paille, portrait que Rubens fit de Suzanne Lunden qui deviendra sa belle-sœur. Son grand effet, confie-t-elle dans ses souvenirs, réside dans les différentes lumières que donne le simple jour et la lumière du soleil ; ainsi les clairs sont au soleil et ce qu’il faut bien appeler les ombres, faute d'un autre mot est au jour. Elle n'attend pas son retour à Paris pour rivaliser avec le grand maître flamand, inspirée par son traitement de la lumière. S'appropriant ce chapeau symbolique dont les courbes répondent à celle de la palette, du décolleté et du bras droit, Vigée Lebrun introduit des différences significatives par rapport à son glorieux modèle. Elle évite scrupuleusement l'objectivation sexuelle du portrait de Suzanne, l'emphase sur la poitrine sensuelle, la position soumise, le regard discret : plus qu'elle n'exalte sa beauté, elle célèbre sa capacité à créer. Sur sa palette sont disposées les seules couleurs avec lesquelles elle s'est représentée s'apprêtant à peindre.
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Elle semble incarner
l'art de la peinture. A l'occasion de cette excursion fictive
à la campagne, mais aussi pour témoigner de son pouvoir
d'observation, elle porte un vrai chapeau de paille contrairement au
modèle de Rubens dont le chapeau était en fait en castor.
A la plume d'autruche pleine de panache, elle a ajouté une couronne
de fleurs des champs, fraîchement cueillies. Elle ne porte pas
de perruque et ses cheveux n'ont pas été poudrés.