Ce tableau est un hommage à son maître Gustave Moreau qui l'approuva car “les carafes sont bien d’aplomb et l'on peut poser son chapeau sur les bouchons. C’est l’essentiel” déclara-t-il. La serveuse qui se penche sur la table porte la petite coiffe avec des tortillons en arrière. Matisse emprunta des verres, de la vaisselle et des sièges à l’épouse d’un de ses cousins. La vaisselle coûteuse de la classe moyenne aisée s’allie avec la simple tenue de travail d’une fille de la campagne et les plinthes grossières de la pièce. Pour acheter des fruits et des fleurs, Matisse, dans l’hiver parisien, dépensa au-delà des ses moyens pour se procurer des produits de serre. Pour conserver la fraîcheur des fruits, il travailla en manteau, gants aux mains.
Matisse avait entamé son travail avec sa palette traditionnelle de bruns de terre. Il fut surpris devant le résultat final qui donnait un grand rôle à la couleur. La tonalité générale de la toile est lumineuse. Cette clarté est exaltée par les tons chauds du vin rouge des carafes, du corsage marron de la servante et du fond vert bleuté
Son père, Hippolyte Matisse, se mit en faction au Salon devant la toile et toute la journée entendit les gens en dire tout le mal possible. La réponse de Matisse fut “C’est moi qui ai raison”. Matisse céda pour 200 francs la toile à Vollard qui la revendit aussitôt 1 500 francs à un amateur berlinois.