Propriété de la famille Farnèse, la Villa Madama faisait partie de ces demeures romaines dont les jardins facilement accessibles procuraient aux artistes des lieux d’inspirations. Claude Lorrain fut sans doute de ceux-ci, comme semble l’indiquer sur ce tableau le grand arbre qui paraît être le même que celui décrit dans un célèbre dessin du British Museum (inv. RD 295) et qui porte au dos l’inscription “vigna Madama”.
Exécuté par l’artiste pour lui-même, ce Paysage avec un berger fut convoité très tôt par Giulio Rospigliosi, le futur pape Clément IX. D’après son biographe, le peintre se penchait quotidiennement sur ce petit tableau pour en étudier les arbres et les feuillages, et c’est pourquoi il refusait de le céder. L’existence dans la collection Pallavicini-Rospigliosi d’un paysage presque identique, où une figure féminine remplace le berger, permet de penser que Claude Lorrain exécuta à l’intention du prélat une réplique qui semble correspondre à la moitié gauche de la feuille n° 15 du Liber Veritatis, qui porte au dos l’inscription “faict pour mons.re Roespiose” [Fait pour le seigneur rospigliosi].
Probablement inspiré par l’exemple de Titien, Claude Lorrain utilise une touche plus vive et plus dense qu’à l’accoutumée. Le thème, tiré des Bucoliques de Virgile et des Idylles de Théocrite, dépeint une nature perçue comme un locus amoenus, un “lieu amène”, un refuge. Mais Claude se laisse peu aller à la mélancolie, privilégiant un paysage dominé par le calme et la sérénité.
Texte : Guillaume Kientz pour l'exposition Nature et idéal, le paysage à Rome 1600-1650