Vision fantastique ou Asmodée est l'une des peintures à l'huile sur plâtre de la série des Peintures noires avec lesquelles Francisco de Goya avait décoré les murs de sa maison Quinta del Sordo. La série a été peinte entre 1819 et 1823. C’est la toile la plus énigmatique
À gauche du tableau, figurent deux personnages volants énigmatiques. L’un a été associé avec le démon Asmodée du Livre de Tobit. Le personnage aux vêtements sombres pointe une montagne au sommet duquel se trouve un édifice rond interprété comme un château ou des arènes. À ses côtés se trouvent d’autres bâtisses dont certaines avec des tours qui dépassent. Au pied de la montagne s’étend une plaine sombre avec des scènes de combats. Deux soldats en uniformes français au premier plan visent un groupe de résistants au fond.
Asmodée est une figure mythique qui inspira El diablo Cojuelo (1641), de Luis Vélez de Guevara, une œuvre satirique où le Diable emporte dans les airs don Cléophas. Depuis le ciel, ils sont capables de s’introduire dans l’intimité des personnes et de contempler leurs vices. D’après cette clef, Goya représente une vision féminine du Diable Cojuelo qui transporterait don Cléophas. Cependant, cette interprétation n’explique pas la scène de guerre que l’on voit dans la plaine. Il se peut aussi qu'’Asmodée symbolise les destructions associées à la guerre d’indépendance espagnole, la restauration de Ferdinand VII et les soulèvements liés à la fin du triennat libéral. Le génie de la destruction indiquerait, sur le promontoire rocheux, un village typique espagnol avec son église et ses arènes, menacé par le chaos.
La peinture était située à droite de la porte de l’étage, face au mur où était peint Les Moires. En 1873, Émile Baron d'Erlanger (1832-1911) était propriétaire de la maison de Goya la Quinta del Sordo où était peinte la scène avec le reste des peintures noires. Elle fut transformée, à l’instar des autres peintures noires, en huile sur toile en 1874 par Salvador Martínez Cubells, sur commande du baron Émile d'Erlanger un banquier français, d'origine allemande, qui avait l'intention de la vendre à l'Exposition universelle de Paris en 1878. Cependant, ce travail n'attira pas les acheteurs et il en fit don en 1881 au musée du Prado, où il est exposé3. Cubells Salvador Martínez (1842-1914), était restaurateur du musée du Prado et membre de l'Académie royale des Beaux-Arts de San Fernando. Il passa la peinture sur plâtre sur une toile d'après le goût de l'époque.