Gervex, peintre très en vogue dès les années 1880, reçoit des commandes officielles, ainsi le décor de la salle des mariages de la mairie du XIXe arrondissement, auquel s’intègre cette étude du Coltineur.
Dans Les déchargeurs de charbon (1875) Monet peignait aussi un port de la capitale sur la Seine en aval de Paris, à Argenteuil. pour Gervex, c’est le quai du bassin de la Villette entre le canal Saint-Martin et celui de l’Ourcq. Dans les deux cas, l’arrière-plan multiplie les péniches et les cheminées d’usines, signes d’activité industrielle en corrélation avec les ports. Monet y ajoute une travée du pont d’Argenteuil, qui cadre la scène.
on perçoit les conditions matérielles du travail. La force physique est la première qualité requise : comment le panier évasé et rempli de charbon est chargé sur une épaule du déchargeur, bloqué par sa nuque et retenu par sa main opposée. Mais il faut aussi faire preuve d’un certain sens de l’équilibre : les planches reliant par-dessus le quai les bateaux au dépôt sont étroites et peuvent s’avérer instables ; on doit les pratiquer avec précaution et lenteur, même quand on rejoint la péniche, la corbeille vide renversée sur la tête.
Cependant, la différence de cadrage entre les deux toiles ne donne pas la même vision du travail des déchargeurs. Chez Monet, le contre-jour et le cadre large permettent de saisir essentiellement les va-et-vient des hommes. Pour Gervex, la concentration du peintre sur un seul déchargeur laisse voir la tenue de celui-ci (pantalon, torse nu et chapeau) et fait sentir la lourdeur du panier de charbon et la saleté qu’il provoque.
Tout cela est confirmé par les dimensions de chaque œuvre. Le petit format et les déchargeurs de Monet réduits à de minces et courtes silhouettes s’opposent à la stature monumentale du coltineur de Gervex, destiné à rejoindre un grand décor républicain.