Née en 1943
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Abstraction lyrique |
L'âge d'or | 1996 | Collection de l'artiste |
Polyptyque Sassetta | 2013 | Collection de l'artiste |
Née en 1943 dans le Tarn, d'un père ukrainien et d'une mère lituanienne, Monique Frydman effectue des études à l'École supérieure des beaux-arts de Toulouse, puis s'installe à Paris à partir de 1964. Elle y fréquente l'atelier de peinture de l'ENSBA et rencontre François Rouan et Pierre Buraglio, dans cette période qui précède de peu mai 68. Elle passe à l'époque d'une peinture abstraite à de tableaux de grand format sur des sujets d'actualité, tels que Piquet de grève chez Renault. En 1967, comme de nombreux artistes engagés en Europe, Monique Frydman arrête la peinture, pour se consacrer au militantisme d'extrême-gauche et notamment au féminisme au sein du Mouvement de libération des femmes (MLF) et au Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception avec son mari René Frydman, obstétricien, gynécologue des hôpitaux de Paris qui permettra la naissance d'Amandine, premier "bébé éprouvette". Elle enseigne par ailleurs le dessin dans les lycées et collèges.
Elle reprend son activité de peinture, dans les années 1970, par de grands dessins de corps3. Peu à peu, un glissement s'opère vers une peinture de nouveau plus abstraite. Dans une période où les artistes ont abandonné la toile, le papier et le dessin, Monique Frydman persiste dans la peinture. C’est aussi pendant cette période qu’elle commence à se servir du papier de soie ou « papier Japon » : d’abord contrecollé sur la toile, pour séparer le dessin de la couleur, le papier Japon devient ensuite le matériau principal de son travail entre 1979 et 1983 avant de devenir une récurrence forte dans son travail.
1984 marque l’arrêt du travail sur papier de soie et le début de la peinture de grands formats sur toile de lin : dans un premier temps l’association de traits au fusain et de formes colorées, dans un second temps une immersion dans la couleur, qui passe du sépia / brun à des tons clairs, et bientôt des couleurs vives, liées à ses voyages (Inde, Australie).
En 1989, la mise en place d’une autre méthode de travail plus « tactile » où la toile, posée au sol et humidifiée par la colle, reçoit le pigment par imprégnation et le pastel par frottage. Les séries de cette période (L’Ombre du Rouge, Violet, Les Dames de Nages, Senantes) indiquent un virage progressif vers plus de monochromie. En 1994-1995 un autre protocole s’y ajoute, qui libère le geste de l’habitude prise : des cordes traînant au sol lui offrent par hasard la solution d’une empreinte à l’aveugle — sous la toile — par frottage, d’éléments disposés préalablement de manière aléatoire.
Une cinquième famille d’œuvres se met en place en 2005 à l’occasion d'une exposition au musée Matisse et de la collaboration de l’artiste avec l’atelier de sérigraphie Seydoux d’une part, sa visite des usines de dentelles d’autre part. Ce n’est plus la toile posée au sol qui reçoit la couleur et le geste mais les feuilles de papier peint et les tissus qui sont encrés à l’aide du procédé sérigraphique. Cette période marque le passage à un format architectural : le détour par des matériaux industriels est assumé, ainsi que la réflexion sur le décoratif et une grande diversification technique.
Son attrait pour le monumental et l’architectural, se retrouve dans plusieurs réalisations à partir de 2007 : la station de métro Saouzelong à Toulouse10 avec l’atelier Duchemin, maitres verriers (2007), le Mur des lisses (2007), le paravent Fenêtre sur Cour (2012) pour la manufacture des Gobelins et le Kaléidoscope (2012), couloir de verre réalisé pour son exposition au musée de Kanazawa au Japon11. C’est là, toute une réflexion sur la couleur et la transparence déjà abordée dans les œuvres de tarlatanes (les Damiers, Le Grand Mural Jaune, Red Room ) et de papier japon (Whisper, Murmure).
Elle réalise en 2013 pour le Salon Carré du Louvre une œuvre monumentale double face, le "Polyptyque Sassetta", qui s'inspire d'une des plus grandes commandes du Quattrocento, le Polyptyque du Borgo Sansepolcro, du peintre siennois Sassetta.
Le travail de Monique Frydman montre un grand attachement à la peinture et à des techniques et matières auxquelles elle est fidèle depuis le début : une dose de hasard (qu’elle distribue selon les périodes, l’utilisation de différentes techniques d’imprégnation progressive de la couleur sur de multiples supports (toile de lin, de coton, papier Japon, tarlatanes, pigments et pastels) l’équilibre entre le travail pictural et le travail graphique avec l’utilisation du papier. Ses œuvres montrent un désir d’immersion physique dans la couleur, qui lui fait privilégier des formats monumentaux.
Monique Frydman puise ses références personnelles au fil de siècles de peinture. Elle présente comme des « liens d’amitié » les affinités qu’elle entretient avec l’œuvre de nombreux artistes. Son intérêt pour la peinture des primitifs italiens des 14e et 15e siècles est pleinement démontré par la création du Polyptique Sassetta, hommage au retable de Borgo San Sepolcro (Cf. focus p11). Amatrice de peinture espagnole, elle cite particulièrement Le Greco (1541-1614), Diego Velázquez (1599-1660) et Francisco de Goya (1746-1828), qu’elle voit comme des artistes ayant honoré un travail de commande sans pour autant y sacrifier leur radicalité esthétique.
Par-dessus tout, Monique Frydman affectionne les artistes post-impressionnistes de la fin du 19e et du début du 20e siècles dont Paul Gauguin, Vincent Van Gogh et Pierre Bonnard. Elle retient de leurs palettes une infinité de nuances de jaune, comme dans la série des Tournesols de Van Gogh, ainsi que dans l’Atelier au mimosa de Bonnard, toile réalisée durant la Seconde Guerre Mondiale, dans laquelle le peintre fait le choix de maintenir l’éclat de la beauté du quotidien face à la barbarie. À cela s’ajoute Henri Matisse, dont le travail de papiers découpés inspire à Monique Frydman ses expérimentations sur tarlatane et la composition de ses toiles en plusieurs panneaux, comme autant d’éléments fragmentaires assemblés pour former un tout monumental.
Enfin, marquée par l’art abstrait américain, elle cite volontiers comme référence les peintres proches du mouvement du Color Field painting, comme Barnett Newmann et Mark Rothko. Elle retient d’eux la recherche d’un sentiment d’immersion totale dans la couleur et la charge méditative et spirituelle qui y est associée, ainsi que l’engagement physique dans la création et le traitement de la toile en all-over. Ses références s’étendent volontiers à Joan Mitchell et Agnès Martin, deux grandes artistes de l’abstraction américaine.