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Le triptyque du buisson ardent

1476

Le Triptyque du Buisson ardent
Nicolas Froment, 1475-1476
Huile sur toile 410 x 305
Aix-en-Provence, cathédrale Saint-Sauveur, chapelle Saint-Lazare,

Après un long et délicat processus de restauration entamé en 2003, le Triptyque du Buisson ardent est restitué dans ses dispositions d'origine. 

Le Triptyque du Buisson ardent ornait à l'origine la chapelle funéraire du roi René (1409-1480) dans l'église des Grands-Carmes à Aix-en-Provence. A la Révolution, il est transporté au dépôt des Andrettes et Bénédictines, à Aix-en-Provence, puis installé, en vertu d'une décision préfectorale, dans la grande nef de la cathédrale Saint-Sauveur le 21 septembre 1803. 

La découverte d'un prix-fait dans les Comptes des Menus Plaisirs du Roi, aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône faisant état d'une commande en 1475 à " maistre Nicolaus " a permis, à la fin du XIXe siècle, de rapprocher cette oeuvre du Triptyque des offices, signée par un certain " Nicolaus Frumenti ", jusque-là inconnu. Nicolas Froment est aujourd'hui repéré comme un des peintres majeurs de " L'école d'Avignon ". Sans doute né aux alentours de 1435 et originaire de Picardie, il est présent à Avignon, d'après les sources historiques, dès 1465. C'est dans cette ville qu'il rédige son testament en 1482 et qu'il s'éteint en 1483. Son activité semble avoir été très variée et son talent particulièrement apprécié par le roi René qui lui commanda de nombreux travaux. 

Immense triptyque à volets mobiles, il représente, en son panneau central, l'apparition de Moïse entouré de son troupeau et la Vierge à l'Enfant sur le Buisson ardent. Sur le pourtour en camaïeu d'or, se succèdent les douze rois d'Israël, ancêtres de la Vierge qui forment l'arbre de Jessé. Sur le superciel, Dieu le Père bénissant, la boule du monde dans l'autre main, est entouré de plusieurs rangées d'anges. Sur le volet gauche, le Roi René est présenté par sainte Madeleine, saint Antoine l'abbé et saint Maurice. Sur le volet droit, la seconde épouse du roi, Jeanne de Laval, est présentée par saint Jean l'Evangéliste, sainte Catherine et saint Nicolas. Refermés les volets représentent l'Ange et la Vierge de l'Annonciation, peints en grisailles. 

L'iconographie de ce retable est complexe et raffinée, mêlant maints détails picturaux à des citations de textes saints réparties à plusieurs endroits de la composition. La présence de la Vierge dans ce retable peut être rapprochée du culte particulier que les carmes vouaient à Marie. De nombreux détails iconographiques font ainsi allusion à la Virginité de la Vierge. Une lecture plus fine des différentes scènes mises en abîme permet également de comprendre l'existence d'un jeu de renvoi entre épisodes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Cette iconographie riche et singulière a peut-être été en partie alimentée par les idées personnelles du roi René. 

Le Buisson ardent, peint en plusieurs couches, selon la technique du glacis, sur une toile en lin recouverte d'une préparation à la craie - le gesso - et collée sur des planches de peuplier, a connu les restaurations inhérentes à son histoire. La première intervention documentée fut, en 1858, celle du peintre aixois Joseph Marius Gibert, directeur de l'école de dessin et conservateur du musée de la ville. La peinture sera restaurée à trois reprises par Lucien Aubert, sous la conduite des Monuments historiques, en 1938, 1946 et 1949. Objet de surveillance et d'observations régulières, et face au constat préoccupant de désordres graduels mis en évidence depuis 1980 et surtout de dommages conséquents provoqués par la sécheresse de l'été 2003, le retable a été déposé dans une chapelle de la cathédrale transformée en atelier de restauration. 

Une restauration progressive et fondamentale des bois, de la dorure et de la couche picturale, en accord avec l'expertise d'un comité scientifique compétent, et appuyée sur les analyses techniques réalisées en partenariat avec l'Université de Tokyo et le Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine de Marseille, a été effectuée dans le plus grand respect du vieillissement naturel de l'oeuvre. Après traitement curatif des bois, il a été procédé à la consolidation générale du meuble. L'équilibre a été recherché entre l'éclat de la dorure à l'eau d'origine et celui de la dorure à la mixtion du XIXe siècle. Rétablie dans son authenticité, après nettoyage, allègement des vernis et travail de retouche rendu nécessaire par les craquelures, désaccords, repeints, masticages et opacifications, la couche picturale a révélé à la fois la technique du peintre et sa dextérité dans le rendu de la lumière, du paysage atmosphérique, des matières et ornements. La retouche fut toujours minimaliste. Seules quelques lacunes trop gênantes ont été réintégrées a tratteggio et les usures trop présentes qui entravaient la lecture de l'oeuvre, aplanies par un léger glacis. Le vernis de restauration a été choisi collégialement, apte à satisfaire la double exigence de protection et de présentation de l'oeuvre. Au final, la peinture a conservé son aspect ancien, la restauration se résumant à une redéfinition de lecture.