Interstice, Rencontre des inclassables Ville de Caen Du 3 au 15 mai 2022 |
Le festival ]interstice[ présente la 16e rencontre des inclassables, consacrée aux arts visuels, sonores et numériques dans onze lieux caennais
Du 3 au 15 mai, le festival présente des expositions et performances qui proposent à travers des créations faites de sons, de lumières et de mouvements, une réflexion sur notre relation contemporaine aux technologies et à l’environnement, sous des formes aussi diverses qu’étonnantes. Les lieux 5, 8, 10 et 11 sont dévolus à des performances que, faute de les avoir vues, nous ne rendons pas compte ci-dessous
9 - Esam Caen/Cherbourg, 17 Cours Cafarelli
Elles font penser à des méduses, des coraux ou des algues qui peupleraient des fonds marins dont on ne sait rien. Toutes différentes, elles rappellent aux physiciens les tubes utilisés pour expérimenter le comportement de certains gaz lorsqu’ils sont traversés par des courants électriques. À ceux qui fréquentent les boutiques des musées de sciences, elles rappellent les globes luminescents qui réagissent au touché. Aux explorateurs des hautes latitudes, elles rappellent les aurores boréales.
Chacune des formes en verre contiennent différents gaz qui composent le milieu interstellaire : argon, néon, krypton, xénon, nitrogène… Elles sont tissées de la même étoffe que le soleil : le plasma (quatrième état de la matière, le plasma compose 99 % de notre univers visible).
Selon l’activité électromagnétique du soleil, les formes s’animent grâce à un champ magnétique généré par un circuit électronique. Le plateau sert d’espace d’écoute, en invitant les spectateurs à poser leurs coudes et mettre leurs mains sur leurs oreilles. Par conduction osseuse, ils peuvent entendre l’activité électromagnétique solaire.
Une Production Le Fresnoy, studio national des arts contemporains.
Soleil Noir montre Territoires Circonscrits, recherche photographique inspirée par les missions photographiques du siècle dernier telle que la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale de 1963 à 2014), qui s’inscrit dans la continuité d’une recherche sur le paysage et sa présence dans l’espace virtuel.
Le scanner utilisé est un matériel de pointe, qui enregistre l’espace et le restitue en nuage de points linéaires en association à un drone. Parce que le rendu est plus proche du dessin que de la photographie, cette technique brouille les codes de représentation. Le paysage n’est plus délimité par l’horizon ou le cadre, mais s’étend en cercle autour de l’appareil, et s’estompe à mesure qu’il s’éloigne de l’objectif, laissant un rond aveugle à son emplacement. L’univers ainsi obtenu semble émaner du cœur d’un trou noir. Si dans le réel le soleil rayonne sur le visible, ici c’est l’instrument qui filtre la réalité et donne à voir un monde que nos catégories mentales, ancrées dans le schéma perspectiviste de la Renaissance, perçoivent comme distordu ou fantastique.
Junkyard III, un film de Felix Luque et Iñigo Bilbao. Composition musicale : Felix Luque Musicien : Guillaume Cazalet. Production : Secteur arts numériques, Fédération Wallonie-Bruxelles et Le Fresnoy – Studio national des arts contemporain
Junkyard III explore des épaves de voitures accumulées comme des vestiges archéologiques du futur – un futur qui est sous-tendu par les cultures consommatrices de pétrole, de terres rares et de métaux dont la voiture est emblématique.
L’argument de Paul Virilio dans L’accident originel (Galilée, 2005) sur la relation entre technologie
et accident est éclairant dans ce sens : “Chaque fois qu’une nouvelle technologie a été inventée, une nouvelle énergie exploitée, un nouveau produit fabriqué, on invente aussi une nouvelle négativité, un nouvel accident.”. Mais que se passe-t-il lorsque nous pensons non pas à des accidents individuels, mais à l’industrie dans son ensemble en tant qu’échelle étendue d’un accident systématique qui laisse des traces d’épaves comme mémoire des périodes archéologiques passées, qu’il s’agisse de produits chimiques, de métaux ou de traces résiduelles des médias des cultures automobiles passées ? En d’autres termes, que se passe-t-il si nous pensons que l’ensemble de l’industrie, avec la production, la distribution, l’excavation et l’utilisation, et ce qu’elle a fait aux “ressources” de la Terre, à l’organisation du travail et aux rôles de genre, est un accident historique qui sape la viabilité de l’existence humaine organisée ? L’industrie automobile comme accident de la culture des combustibles fossiles.
Cosmorama de Hugo Deverchère
Embarquement immédiat pour un voyage dans le territoire irréel de Cosmorama. Hugo Deverchère capture le spectre de l’invisible à travers l’objectif de sa caméra infrarouge haute définition, la même que celle utilisée par les astronomes pour observer les planètes. Et le paysage en noir et blanc qu’il donne à voir semble bien extraterrestre. Fiction en 3D ou images scientifiques ? Les plans qui s’enchaînent sont bien plus familiers qu’on ne le croit. Cosmorama, c’est avant tout la représentation d’un territoire : celui de l’île de Tenerife, dans l’archipel des Canaries, habité d’extraordinaires paysages minéraux. Le film hypnotise, tant la caméra glisse sur des étendues surréalistes où l’horizon semble avoir déserté, car dans l’espace, il n’y a pas d’horizon. Basculement, inversion : les repères sont totalement brouillés par le mouvement constant de l’objectif. À Tenerife se trouve aussi l’un des plus grands observatoires astronomiques d’Europe, lequel apparaît, majestueux, dans le seul plan fixe du film. Hugo Deverchère connecte ainsi le terrestre et le spatial. Il tente de filmer le paysage comme les astronomes scrutent le ciel, pour offrir une balade en apesanteur dans les déserts et les forêts d’une île en bichromie. La bande-son, elle aussi, nous embarque dans ce voyage cosmique, lent et contemplatif :des bruits émis par la matière elle-même, car dans l’espace il n’y a pas d’air pour propager les ondes sonores.(Louise Vanoni, Beaux Arts Magazine, Octobre 2018).Produit par Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains. Avec le soutien de Neuflize OBC.
Une Production Le Fresnoy, studio national des arts contemporains.
T R O P I C S (Réalisation, montage et VFX : Mathilde Lavenne Production : Elsa Klughertz / Jonas Films) dessine une orbite autour d’une exploitation agricole mexicaine. Des voix éparses semblent raviver et troubler la mémoire du lieu. En traversant la matière, le film fige le temps, les hommes et dévoile le spectre d’un paradis perdu.
Au XIXème siècle, une communauté de Français traverse l’Atlantique pour s’installer à Jicaltepec, le long de la rivière Nautla dans la région de Veracruz au Mexique. Ces familles, de simples fermiers pour la plupart, réussissent à constituer de grandes exploitations agricoles au fil des générations malgré une nature et un climat tropical hostile. Depuis la conquête espagnole, le Mexique concrétise une rêverie mythologique occidentale. Prenant la forme d’une expédition archéologique en 3D, TROPICS dessine une orbite autour de ces territoires, depuis lesquels nous parviennent des voix éparses exprimant leurs histoires secrètes et leurs relations avec les fantômes d’un temps passé. Cette conception du monde confrontée à une technologie avancée fait paradoxalement émerger une matière visuelle qui prend la forme de constellations d’informations rappelant ainsi un lien au cosmos, mais aussi à une forme d’essence mathématique commune à toute chose. Au rythme d’une pulsation sonore résonnant dans un espace sans fin ni gravité, le film tente de figer le temps et les hommes et dévoile le spectre d’un paradis perdu.
7 - Abbaye aux Dames Place Reine Mathilde
Avec les poèmes de Maya Cousineau Mollen. Dans ce projet hors normes, sur le site témoin de la 4ème grande extinction du vivant, l’artiste révèle la beauté des paysages interprétés par les machines.
En 2018, Station Mir et Sporobole (centre d’art actuel à Sherbrooke, Québec) s’associent avec La Tonne (art, science et exploration) pour développer une production avec Paul Duncombe dont le projet reposera sur l’exploration du cratère d’impact météorique Manicouagan.
Surnommé l’Oeil du Québec, cet immense espace situé sur le territoire ancestral du peuple innu, est depuis 2003 une réserve mondiale de la biosphère (UNESCO) où se trouve la station scientifique Uapishka qui abrite une faune, une flore et des particularités géologiques uniques.
Après deux ans de préparation, une expédition qui réunit des chercheurs, poète, photographe, écrivain, guides, exploratrice, plongeuse et documentariste se met en place en 2021 avec Paul Duncombe.
Il présente les premières créations qui en sont issues. Des profondeurs du cratère jusqu’au sommet du ground zéro de l’impact, l’exposition se déploie autour des données collectées in situ et de l’œuvre de la poète Innue Maya Cousineau Mollen. Les forêts englouties numérisées sont alors transformées en partitions et les reliefs scannés en flux de particules numériques.
Dans ce projet hors normes, sur le site témoin de la 4ème grande extinction du vivant, l’artiste révèle la beauté des paysages interprétés par les machines.
À l’ère du numérique, dans un monde désormais cartographié, rationalisé, conscient de sa finitude, ce dispositif à la fois numérique et physique, qui croise arts et sciences, permet de réintroduire du sens et du lien entre la crise historique initiale, la renaissance biologique du site, et les crises modernes.
6 - Église du Sépulcre 5, place du Sépulcre
Trois Crinoïdes fous d’une hauteur de deux mètres sont activés par la présence du public et donnent naissance à une forme de bal improvisé
Les sons émis par les visiteurs activent les bandes magnétiques immergées dans les cuves remplies d’eau. Une relation chorégraphique s’établit entre les déplacements, les bruits et les sculptures qui perçoivent leur environnement grâce à des microphones.
Les crinoïdes sont des animaux marins qu’on appelle aussi Lys de mer pour leur ressemblance à des plantes.
4 - Église du Vieux Saint-Sauveur Place Saint-Sauveur
Impulse est une installation composée de cinq segments, chacun constitué de panneaux métalliques suspendus et reliés entre eux par des fils qui s’activent au gré d’une programmation lumineuse et sonore semi-aléatoire.
Martin Messier propose ici une analogie du fonctionnement du cerveau et du flux de la pensée alliant sensibilité et technologie, sous la forme d’une circulation d’énergie donnée à voir par des trajets lumineux se propageant d’un panneau à l’autre. Filant la métaphore cérébrale, l’influx électrique est diffusé à travers la structure suivant une cadence saccadée et intermittente. Les fils reliant les panneaux agissent comme des transmetteurs. Œuvre miroir, Impulse stimule simultanément le système sensoriel du spectateur. Par une intense sollicitation de la rétine et de l’ouïe, à travers une synchronisation sonore et visuelle aussi électrisante qu’imprévisible, Impulse donne à voir, à échelle humaine, le spectacle interne et invisible de l’influx nerveux qui nous anime constamment.
Cependant, l’impulsion lumineuse ne réapparaît pas nécessairement là où on l’attend, accentuant le caractère discontinu de l’œuvre et, par extension, nous rappelle l’aspect indéterminé – voire hasardeux ‘ du flot de la pensée. Les séquences lumineuses ne se propagent donc pas de manière fluide et régulière : elles se comportent plutôt comme des décharges discontinues et disruptives.
3 - Église Saint Nicolas 8-16 rue Saint Nicolas
Soudain Toujours, c’est l’histoire d’un Big Bang, c’est l’histoire du désordonnement de la matière. Un instant avant le Big Bang, toutes les forces et toute la matière de l’univers sont réunies en un point infiniment petit. C’est l’ordre absolu. Depuis cet instant, tout se divise et se dilue dans l’immensité. Au milieu de l’église, une machine monumentale et un dispositif sonore fréquentiel. Basée sur le principe d’une soufflerie aérodynamique, la machine crée une fine sculpture d’air. Cette installation génère un souffle d’air sans turbulence, un vide. C’est la page blanche sur laquelle s’écrit une partition révélée par la fumée et la lumière. Nous contemplons le lent passage d’un nuage, d’une ligne droite vibrante, une sorte d’ADN. Ces formes de fumée flottent, se tordent, se transforment et mutent dans leur voyage, elles perdent leur ordre initial. Tout avenir est le fruit du désordre.
2 - Artothèque de Caen, Impasse Duc Rollon
Résurgences Mnémosynes est un projet de création en arts numériques basé sur l’image d’archive. Conçue comme un espace immersif, cette machine sensible, réceptive, devient un cerveau, lieu de toutes les connexions.
Résurgences Mnémosynes est un projet de création en arts numériques basé sur l’image d’archive, prenant forme à la croisée des horizons pratiques d’un artiste plasticien inspiré par l’électronique et d’une autrice et chercheuse en philosophie expérimentale (qui associe le questionnement philosophique à une recherche empirique et systématique). L’installation prend la forme d’un objet faisant office de surface pour des projections d’images multiples. Les images convoquées interrogent l’intersection du temps qui passe, de l’oubli qui l’accompagne et de la mémoire qui se cristallise. Agissant comme un filtre, l’objet capte et enregistre les variations lumineuses des images projetées grâce à une série de composants sensibles à la lumière. Conçue comme un espace immersif, cette machine sensible, réceptive, devient une sorte d’allégorie de la mémoire en train de se constituer ou de se dissiper, devient un cerveau ou disons aussi, lieu de toutes les connexions.
Dans le cadre de l’Artothèque Noëlie Plé & Alexis Choplain résident tous les jours dans l’exposition, expérimentant constamment et recevant le public pour une exploration de leur univers.
Cette résidence-exposition croisée entre une philosophe doctorante et un plasticien est le fruit d’une collaboration avec l’Artothèque, Espaces d’art contemporain, pour une invitation commune dédiée à la jeune création. L’Espace Projet, lieu d’expérimentation artistique qui, pensé sur la base d’un espace ouvert au public, offre au visiteur un temps de rencontre avec un.e artiste et un travail en création.
1 - Centre Chorégraphique National de Caen en Normandie, Halles aux Granges, 11-13 rue du Carel
Pulse est une invitation à la contemplation d’oscillations aquatiques, qui convoquent une métaphore du sens du cycle du vivant.
Avec l’installation Bloom comme point de départ d’une réflexion artistique et d’expérimentations plastiques induites par la mise en vibration de l’eau, Tristan Ménez développe avec Pulse un nouvel environnement visuel, composé d’une série de quatre fontaines, au milieu desquelles le visiteur est appelé à déambuler.
L’ensemble de ces structures forme un ballet de perceptions visuelles, sonores et lumineuses qui rendent visible l’invisible. La vibration des basses crée et rythme les mouvements hypnotiques de ce matériau liquide insaisissable, ces gouttes d’eau en suspension, qui captent l’attention et fascinent par la variation perpétuelle de formes qu’elles génèrent.
Pulse est une invitation à la contemplation d’oscillations aquatiques, qui convoquent une métaphore du sens du cycle du vivant.
Jean-Luc Lacuve, le 15 mai 2022