J'ai longtemps lu très régulièrement les Cahiers du cinéma avant d'être un peu découragé par la valse des rédacteurs et des lignes éditoriales et le laisser-aller dans la tenue du site internet. Comme tout bon cinéphile j'en suis donc venu à picorer ici où là, dans Les Cahiers, Les Inrock, Le Monde ou Télérama ou les blogs et sites internet : Critikat.com , il était une fois le cinéma.com , Projection publique, Journal du docteur Orlof, Inisfree...

Restait le bastion de Positif, tenu, droit dans la tourmente, par Michel Ciment et une équipe cohérente autour de lui. A priori le sommaire présenté sur internet avait de quoi me décourager : un éditorial sur la défense du scénario et, en couverture, la défense d'Another year, que, personnellement je n'avais pas aimé. Seul le dossier de la RKO dont j'avais chroniqué le beau coffret sorti par Les éditions Montparnasse pouvait m'inciter à ouvrir le numéro. .. Bien m'en a pris

 

Sommaire

L’ACTUALITÉ : Mike Leigh, Another Year (De temps à autre par Alain Masson) et Entretien avec Mike Leigh (Une question ouverte sur le sens de la vie). Koji Wakamatsu, Le Soldat dieu (Monstrueuse parade par Vincent Thabourey) Entretien avec Koji Wakamatsu (Comme un paysan cultive ses pommes de terre). Oliver Schmitz, Le Secret de Chanda ( Du silence et des ombres par Jean-Dominique Nuttens), Entretien avec Oliver Schmitz (C’est la réaction émotionnelle qui est importante pour moi).

Les films : Inside Job de Charles Ferguson, Everyone Else de Maren Ade,Le Nom des gens de Michel Leclerc, The American d’Anton Corbijn, Mardi, après Noël de Radu Muntean

Notes sur les films de A à Z: Alamar, Benvenuti al Sud, Commissariat, De vrais mensonges, Dernier Étage, gauche, gauche, Elle s’appelait Sarah, Les Émotifs anonymes, L’Empire du Milieu du Sud, Encore un baiser, La Famille Jones, Home for Christmas, Machete, Memory Lane, Mon pote, Monsters, No et moi, Outrage, Pieds nus sur les limaces, Roses à crédit, Le Sentiment de la chair, Sous toi, la ville, Tolstoï, le dernier automne, Toscan, Tribulations d’une amoureuse sous Staline, Unstoppable, Very Bad Cops, Le Village des ombres, Le Voyage du directeur des ressources humaine


PRÉSENCES DU CINÉMA: Voix off Correspondance 1941-1949 Kracauer / Schüfftan, Bloc-notes de Éric Derobert, Chantier de réflexion : Ricoré, l’ami du cinéma français De Becker à Depardon par Adrien Gombeaud. Hommage à Arthur Penn 1922-2010 par Christian Viviani, à Tony Curtis 1925-2010 par Jean-Pierre Berthomé,à Pierre Guffroy 1926-2010 par Jean-Pierre Berthomé. Comptes-rendus des exposition, Brune / Blonde par Jean-Loup Bourget, Aux sources des Statues meurent aussi par François Thomas. Notes festivalières : Annecy 2010, cinéma italien, Dinard, cinéma britannique et irlandais, Lussas ; Donostia-San Sebastián 2010. Notes de lecture, sélection DVD ( Dario Argento, La Chevaucée des bannis d’André De Toth, 5 films américains restaurés, Les Nuits blanches de Luchino Visconti, Mauro Bolognini


CINÉMA RETROUVÉ : Alexander Kluge.

DOSSIER Anatomie d’un studio : la RKO Une histoire brève Alain Masson Le blanc et le noir La direction photo à la RKO Christian Viviani Vingt ans d’excellence Les décors de la RKO Jean-Pierre Berthomé Fred et Ginger, pourquoi eux ? Yann Tobin Dore Schary Itinéraire d’un producteur surdoué Michel Ciment La tentation d’une nuit sans fin Mark Robson chez Val Lewton Serge Chauvin Nicholas Ray « Les yeux trouvent les yeux » Michael Henry L’aube du chasseur Robert Mitchum à la RKO Franck Kausch.

 

Quelques notes de lectures

Article sur Another Year : De temps à autre par Alain Masson.

Un exemple de l'intérêt de la critique : quand il permet de dépasser une réaction épidermique au film. J'étais sorti profondément irrité de la vision de Another year. Je trouvais insupportable de donner aussi peu de chance à Mary et Ken de sortir d'une situation d'accablement définie dès le départ alors que, parallèlement la situation du couple ne présente la moinde évolution. Quelle prise de risque, au-delà de la seule volonté d'être vraisemblable, prend donc un metteur en scène à rester sur ses positions de départ?

Pour Alain Masson c'est justement là l'enjeu du film, Another Year c'est encore une année ; le film gère le retour dans l'écoulement, la circularité, l'écoulement sans remède. Le film se termine comme il commence sur l'image prolongée et indépassable d'une femme accablée, l'insomniaque puis Mary. Pour le couple, la quiétude teint lieu de bonheur à regarder sans impatience la pluie tomber, à marquer leur humble attachement aux choses naturelles et nécessaires, à renoncer aux grandes espérances, à se prêter au rituel sans se demander si on y croit ou non.


Article sur Arthur Penn par Christian Viviani.

Le gaucher passe inaperçu aux Etats-Unis malgré la présence de Paul Newman, star ascendante de l'époque. Le film fait l'objet en France d'un célèbre article d'André Bazin, très élogieux dans Les cahiers du cinéma. Le cinéaste sera dès lors cité comme représentant d'une manière de Nouvelle vague américaine.

Penn connait presque en même temps (1959) la consécration comme metteur en scène de théâtre avec The miracle worker de William Gibson (qu'il avait déjà réalisé pour la télévision en 1957). Il mènera une double carrière théâtrale et cinématographique. En 1961, il porte à l'écran, cette même pièce qui sortira en France sous le titre Miracle en Alabama. (...)

Penn n'a pas bousculé la tradition : il s'est référé aux structures de genres existants, les utilisant pour livrer un commentaire pertinent sur l'actualité. Bonnie and Clyde, 1967), au-delà de la romance suicidaire de deux célèbre voleurs de banques de l'Amérique de la grande dépression, évoquait dès 1967, la guérilla urbaine qui allait déferler quelques mois plus tard. De même l'affabulation voltairienne de Little big man déboulonne la figure patriotique du tueur d'indiens George Armstrong Custer (qui verra son image de héros à jamais ternie) mais parle autant du conflit en Asie du sud -Est ; le massacre du village d'Indien utilise à dessein le souvenir des images du massacre de civils vietnamiens par l'armée américaines à My Lai en mars 1968. (...)

Alice's Restaurant émergeait en pleine explosion libertaire, travaillant à chaud l'effervescence du moment. (...) On n'oubliera pas l'envoutant mouvement caméra final qui tantôt nous approche tantôt nous éloigne de la figure maternelle d'Alice, incarnation généreuse de l'utopie. Jusqu'à l'admirable Georgia, nouvel adieu à une autre jeunesse, ses films forment un ensemble cohérent et inégal à al fois. Cohérent de propos : Penn n'arrête pas de manifester sa conscience de l'obscur et son besoin de lumière et de calme. Inégale de facture, peu de film respirent d'un souffle régulier.. Ce qui n'est pas étonnant pour une œuvre dont le déséquilibre est l'un des fils conducteurs et l'éclaboussure une des figures de style (...) Car s'est bien à lui qu'on doit ces effusions de sang en gerbes et au ralenti qu'on attribue parfois injustement qu'à Sam Peckinpah. Le procédé était tenté dès Le gaucher et allait trouver sa forme fondatrice dans le finale de Bonnie and Clyde. La différence entre Penn et Peckinpah est que le premier fut un lyrique et le second un nihiliste. Rien en vient soulager l'éprouvant spectacle de cette horde sauvage qui n'en finit pas de mourir. Mais au cœur de la fusillade, Penn, lui, sait saisir le dernier regard d'amour échangé par ses personnages. Il fut un authentique cinéaste moderne.

RKO une histoire brève par Alain Masson.

RKO na pas su investir durablement dans aucun genre.Le studio connu des coups d'éclats mais ne bénéficia jamais d'un règne durable, tyrannique et compétent.

William Le Baron dirige d'abord la production puis Charles Rogers lui succède pour dix mois en 1931. David Selznick incite aux films de prestige et à l'emploi de talents reconnus. En conflit avec le président de la firme, il cède la place en février 1933 à son assistant Merian C. Cooper. Malade celui-ci est remplacé en septembre par Pandro S. Berman, puis revient à son poste brièvement en décembre. Berman assure encore l'intérim mais à peine nommé pour de bon en mai 1934 se heurte au nouveau président de la compagnie J. R. McDonough dont l'insupporte l'ingérence jusque dans le choix des scenarios. C'est B.B. Kahane qui devient directeur mais son mandat prend fin en 1935 quand un nouveau clan d'actionnaires s'empare de la firme. Samuel Briskin devient alors le chef du studio. Il chute à l'automne 1937, à cause d'un autre coup de force du conseil d'administration. Intérim contraint de Berman. En 1938, des manœuvres financières auxquels participent les Rockefeller installent au sommet George Schaefer ; ce patron interventionniste provoque le renoncement de Berman, d'ailleurs opposé aux productions externes dont la part va croissant. Harry Edington le remplace en décembre 1939. Puis vient, en 1940, Joseph Breen ancien administrateur de l'autocensure. La déconfiture de la compagnie force enfin Schaefer à partir en juin 1942. Dès Mars, Charles Koerner a succédé à Breen: homme d'expérience il rendra à la RKO une certaine prospérité jusqu'à sa mort en février 1946. Son poste demeure vacant, N Peter Rathvon, président de la compagnie exerce la fonction jusqu'en 1947. Dore Shary inspire ensuite au studio des choix novateurs. Son administration ne dure que deux ans. Le fameux Howard Hughes achète la RKO en mai 1948 et entend tout régenter. Dès juillet Shary démissionne. Rathvon dirige la production pendant moins de deux semaines. C'est ensuite la troïka Lockhart, Tevelin et surtout Rogell, puis, de 1950 à novembre 1951, Samuel Bischoff et enfin personne. Hughes vend en 1952, rachète en 1953 et revend en 1955 à des gens soucieux de tirer parti de l'usage télévisuel du fonds. Sous la direction de William Dozier, RKO, produit encore quelques bons films jusqu'en 1957.

 

Jean-Luc Lacuve le 15/01/2011

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Positif N°598, décembre 2010

Format : 21 x 30 cm, 111 pages
Décembre 2010
7 €

Rédaction de Positif