La Ligue de l’enseignement
et le cinéma

Pascal Laborderie

La Ligue de l'enseignement et le cinéma : Une histoire de l’éducation à l’image (1945-1989). Coordination : Pascal Laborderie, et Léo Souillés-Débats, en collaboration avec Frédéric Gimello-Mesplomb. Éditeur : Association française de recherche sur l'histoire du cinéma Collection / Série : Histoire culturelle 398 pages ; 24 x 16 cm. Prix de vente au public : 19 €

La Ligue de l’enseignement et le cinéma –  Une histoire de l’éducation à l’image (1945-1989)


De 1945 à 1989, la Ligue de l’enseignement a orchestré un vaste mouvement d’éducation populaire par et au cinéma au sein de l’Union française des œuvres laïques d’éducation par l’image et le son (UFOLEIS). Cet ouvrage interroge sa politique d’éducation artistique et culturelle, notamment les films programmés dans son réseau de ciné-clubs, sa production éditoriale (édition d’Image et son – la Revue du cinéma et de nombreux livres sur le cinéma et les autres médias) et ses dispositifs d’éducation et de formation (organisation de stages et de festivals). Il est enrichi d’une centaine d’illustrations ainsi que de la réédition d’articles qui ont marqué l’histoire de l’éducation cinématographique.

Coordination : Pascal Laborderie, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’université de Reims, et Léo Souillés-Débats, maître de conférences en Études cinématographiques à l’université de Lorraine, en collaboration avec Frédéric Gimello-Mesplomb, professeur de Sciences de l’information et de la communication à l’université d’Avignon.

SOMMAIRE

Avant-propos par Frédéric GIMELLO-MESPLOMB

Introduction : Pascal LABORDERIE et Léo SOUILLÉS-DEBATS : L’UFOLEIS, le cinéma éducateur et les ciné-clubs : une rencontre par et pour le cinéma.

Partie 1. PAR LE FILM

Partie 2. PAR LE LIVRE

Partie 3. ÉDUQUER LES ÉLÈVES, FORMER LES ENSEIGNANTS

Partie 4. DU SPECTATEUR AU CITOYEN

Postface : Philippe CLÉMENT : L’éducation au cinéma et aux images et la refondation de l’éducation populaire : pour une transformation sociale

ANNEXES

Sources Bibliographie Index

 

Notes de lecture :

La ligue de l'enseignement a vocation à éduquer les enfants et le peuple à la citoyenneté. Dans les années 80, l'opération École au cinéma, qu'elle initie et coordonne, sera son chantier phare. Cette initiation au cinéma développe dans toutes les salles du réseau. Le réseau bas-normand compte ainsi vingt sites mobiles générant 32 000 entrées et quinze salles fixes avec 200 000 entrées. Reste aujourd'hui la question : comment éduquer alors que la consommation des films passe par Youtube pour la majorité des jeunes ?

Éduquer le citoyen, éduquer pour le suffrage universel, c'est, pour la ligue de l'enseignement, parler au plus grand nombre et avoir foi dans le progrès. Le cinéma, outil d’aujourd’hui, répond à cette attente.

Éduquer le citoyen

L'investissement de la ligue dans l'enseignement par l'image commence même avant le cinéma. En 1889, la ligue produit ainsi des images fixes pour les lanternes magiques dans le but de commémorer la révolution de 1789.

Dès 1898, Eugène Doyen est l'auteur avec Clément Maurice d'une soixantaine de séquences cinématographiques d'enregistrement de ses interventions chirurgicales. Il invente un nouvel obturateur et met au point une caméra stéréoscopique avec son mécanicien Auguste Hulin. Il fait du cinématographe naissant un instrument pour enseigner la chirurgie. On lui doit en particulier un film sur la séparation des sœurs xiphopages Radica et Doodica Neik en 1902. Cependant, à l'initiative vraisemblable de son caméraman Ambroise-François Parnaland, une copie de ce film sera projetée dans des fêtes foraines sans son accord, ce qui contribue encore à son discrédit parmi ses confrères.

1917. Le dépistage d’un nombre considérable de cas de tuberculose par les conseils de révision, le Comité national de défense contre la tuberculose (CNDT), dirigé par Léon Bourgeois choisit d’employer, en raison de leur vertu didactique, des images fixes ou animées dans ses campagnes de prévention. Le CNDT, bénéficiant d’une aide matérielle et logistique non négligeable, applique ainsi les méthodes d’une mission venue des États-Unis à l’instigation de la fondation Rockefeller. En 1922, la mission, en prévision de son retour vers les États-Unis, a désigné le CNDT comme son successeur moral et lui a légué un ensemble de dispositifs visuels comprenant, entre autres, un catalogue de films.

Gustave Cauvin (1886-1951) tint au début du XXe siècle un rôle pionnier et méconnu dans la projection de films dans des lieux de sociabilités spécifiques au mouvement ouvrier : les Bourses du travail et les Maisons du peuple principalement. À la veille de la Première Guerre mondiale, ce militant antimilitariste, alors proche des anarchistes et des groupes ouvriers néo-malthusiens, parcourut la France pour diffuser sa bonne parole révolutionnaire et des bobines destinées à faire réagir et agir le public.

Le cinéma à l’école

Une leçon assistée d'une projection cinématographique à lieu pour la première fois dans le préau de l'école de la rue de Vitruve dans le 20e arrondissement de Paris en 1907 avant que Brucker, professeur d'histoire géographie au lycée Hoche de Versailles ne prenne une initiative analogue dans le secondaire en 1911, rapidement relayé par des lycées parisiens en 1913, 1914. Au même moment, Adrien Colette directeur de l'école primaire de la rue Etienne Marcel acquiert un projecteur pour son établissement en fondant une coopérative pour son achat et son entretien; Il lance aussi des séances de formation pour les instituteurs.

La Mission Rockefeller de 1916/17 est connue pour avoir fourni des fonds pour la propagande. Mais, dès 1915 la commission Bessou avait fait sienne l'idée républicaine de propager, d'utiliser les réseaux au service de l’idée.

En 1920 sous le gouvernement radical socialiste, la ligue est ancrée au centre-gauche dans la ligne d'Édouard Herriot. Nait l'Office du cinéma éducateur avec Strasbourg, Nancy, Metz et, l’est de la France ainsi que Clermont-Ferrand comme centres très actifs de diffusion. Cette carte est complémentaire de l'influence des catholiques à l'Ouest et recouvre la carte électorale du front populaire.

L'enseignant récréatif est promu mais la morale prime sur le beau. La qualité artistique des films n'est pas recherchée. Se côtoie des films du tout venant (des productions d’enseignants sur les paysages du Jura ou des Vosges) mais aussi des films de Chaplin.

Un statut pour le cinéma non commercial

En 1949 paraît un premier décret définissant le statut du cinéma non commercial qui sera renforcé par la loi en 1951. Les plus gros succès sont des films antituberculeux avec vente de tickets contre la maladie. Après la seconde guerre mondiale, 5 500 ciné-clubs constituent autant de points de projection pour la ligue contre 3 000 salles commerciales. L'UFOLEIS opte pour le 16 mm qui remplace le 35 mm muet alors que La fédération française des cinéclubs (FFC), dirigée par les communistes, préfère le 35mm. Jusqu'à la fin des années 50, il n'existe pas de registre permettant via le CNC de savoir quels films sont diffusés. Les fiches d'emprunts n'ont à ce jour pas été dépouillées. Ne restent que les catalogues de films proposés où dominent les productions françaises (50%) et des courts métrages, souvent plus artistiques, dans les premières parties de programme. La FFC est plus élitiste avec la défense du cinéma d'avant-garde mais compte moins de 800 ciné-clubs contre environ 10 000 pour l'UFOLEIS.

En 1949, Joseph Soleil de l'UFOLEIS prépare ce qui deviendra le décret CNC sur le statut du cinéma non commercial. Juste avant guerre, le rapport Ducormois avait préconisé de programmer des films au moins cinq ans après leur sortie, délais parfois réduit à trois ans. Jean Painlevé (FFC) prépare la loi Henri Queuille de 1951 qui fixe le statut du cinéma non commercial. Parallèlement, les accords Blum Byrne défendent l'exception culturelle. Il était temps : en 1934, Pathé et Gaumont avaient été déclarés en faillite suite à la crise de 29.

Après les années 70, les distributeurs des films étrangers, du patrimoine, avec l'aide du CNC, de Raymond Borde à Toulouse, enrichiront le catalogue.

Sources complémentaires : Cinéma pédagogique et scientifique : à la redécouverte des archives. Textes réunis par Béatrice de Pastre-Robert, Monique Dubost, Michelle Aubert, Françoise Massit-Folléa. ENS édition. 2004