Editeur : Wild Side Video, février 2012. Collection Classics confidential. Master restauré. Son : Anglais Mono avec sous-titres français. DVD+Livre : 30 €.

suppléments :

  • LE CIEL OU LA BOUE, un livre inédit de 80 pages qui se penche en profondeur à la fois sur le film lui-même et sur sa réalisation, écrit spécialement par Michael Henry Wilson, journaliste et historien du cinéma, et illustré par des photos rares.
  • The Battle of San Pietro (38'), le documentaire de John Huston tourné sur le front lors de la campagne de la 5e Armée US en Italie (automne 1943-hiver 1944) dont Wellman reprend des images de combats pour ceux de Monte Cassino et s'inspire pour le retour des habitants du village de San Vittorio.

Ernie Pyle est correspondant de guerre. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il va suivre un petit groupe de fantassins américains impliqués dans deux moments clés de la guerre : la campagne d'Afrique du Nord et celle d'Italie. Il va centrer ses articles sur le métier de soldat certes, mais aussi et surtout sur la vie quotidienne de ces hommes de l'infanterie américaine, tiraillés entre leur devoir, leurs relations amicales et sentimentales. À la tête du bataillon, le lieutenant Walker, qui conduit ses hommes à la bataille de San Vittorio…

À l'origine de Story of G.I. Joe, il y a les carnets d'Ernie Pyle, qui rédigeait scrupuleusement l'actualité des combats au quotidien. Le film de William A. Wellman rend grâce, à travers une mise en scène sobre, à la simplicité du style du journaliste, ainsi qu'à son souci de réalisme et d'humanité. Ernie Pyle fut couronné du Prix Pulitzer en 1944 pour ses chroniques, publiées par près de 300 journaux. La ressemblance d'Ernie Pyle avec l'acteur Burgess Meredith, tant au niveau physique que gestuel, a marqué les critiques lors de la sortie du film, tout autant que Robert Mitchum, qui accède instantanément à la notoriété avec le rôle du Lieutenant Walker, qui lui vaut d'être nominé à l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.

Le style du vers de terre

Quand Wellman entreprend Story of G.I. Joe, Ernie Pyle est le correspondant de guerre le plus populaire aux Etats-Unis. Au début du conflit, il a été envoyé à Londres pour couvrir le Blitz, puis a accompagné les troupes américaines de l'Afrique du Nord à la Sicile, de l'Italie à la Normandie, jusqu'à la libération de Paris. Il obtient le prix Pulitzer en mai 1944. A sa mort, ses dépêches sont publiés par 400 quotidiens et 300 hebdomadaires. Il a beau être devenu une célébrité, il ne se soucie nullement de gloire, de propagande ou de message : "La guerre n'est pas romantique quand on est en plein dedans." Et il entend nous la faire partager telle qu'elle est vécue par ceux qui sont "en plein dedans". Pas les gradés, pas les vedettes de briefings, mais les simples soldats qui en pataugeant dans la boue combattent la peur, l'ennui, l'épuisement, la mort omniprésente. Des G.I.'s de la campagne d'Italie, il dit : "Ils vivent et meurent dans de telles souffrances et le font avec une telle détermination que l'admiration que l'on ressent pour eux peut vous aveugler sur le reste de la guerre." Les grandes figures (Bradley, Patton, Eisenhower), les notions abstraites (la liberté, la démocratie) ne le concernent pas : "Je n'y connais rien. Je ne connais que ce que nous voyons de notre point de vue, celui du ver de terre, et notre portion du tableau consiste seulement en soldats sales et fatigués qui sont encore vivants et ne veulent pas mourir."

Wellman refuse tout point de vue d'ensemble. Il adopte ce que Pyle appelait "le point de vue du vers de terre. Une vision fragmentaire, aléatoire, marginale. Il nous présente un territoire mais sans les cartes ! Les enjeux stratégiques de la longue marche ne sont jamais examinés. On ne sait quelles sont les forces en présence, quels sont leurs objectifs. Quand un notable est pris à partie et écharpé par les habitants de San Vittorio, le contexte politique est absent. Au spectateur de déduire qu'il s'agit d'un maire mussonnilien qui a tenté de retourner sa veste un peu tard. Ernie Pyle n'est jamais au cœur de l'action. Quand les sections montent à l'assaut, il reste à l'arrière à attendre leur retour. Il ne voit pas le déroulement des combats, seulement les décombres des villages dévastés.

L'intensité est toute intérieure et la marche sans fin des soldats est le symbole de leurs combats sans fin et sans victoire.

Tournage en studio avec des vrais G.I.'s et de vrais combats

Le tournage (cinquante jours) commence le 15 novembre 44 et se termine le 15 janvier 45. Mitchum, pressenti par Aldrich, l'assistant de Wellman, est prêté par la RKO. Son salaire est peu élévé mais il obtient une nomination à l'oscar du meilleur second rôle et devient ainsi une vedette. Le film est entièrement tourné en studio avec des stock-shots provenant de La victoire de Tunisie (Frank Capra, 1944) et surtout de La Bataille de San Pietro (Jonh Huston, 1944).

Le village dévasté de San Vittorio est bâti sur les décombres d'un ancien décor. La production a tout simplement démoli la cathédrale de Cecil B. De Mille avait fait construire pour Les damnés du cœur (1928). Pour les séquences de Monte Cassino, Wellman demande au directeur artistique de lui créer un no man's land de boue glacée, d'arbres déchiquetés et de bunkers souterrains qui pourraient aussi bien évoquer Verdun. Lors de l'assaut final, les quelques plans qui proviennent de La Bataille de San Pietro tranchent tout simplement parce que le te terrain parait plus simple et plus rocailleux : la boue en est absente.

Il y a sur le plateau un minimum d'acteurs professionnels car Wellman a préferé utiliser de vrais G.I.'s. Le War Depatment lui a assigné 150 vétérans de la campagne d'Italie qui doivent être expédiés sous peu sur le front du pacifique. Cantonnés à Camp Baldwin, tout près du studio, ces soldats en transit se voient accorder une "permission" de six semaines, mais n'en continuent pas moins de participer à des exercices et manouvres durant tout le tournage. Wellman exige que ses acteurs professionnels subissent le même entrainement, le même régime.

Le régiment qui attaqua San Pietro, le 143e d'infanterie, était celui du capitaine Henry Wasko, un Texan qui commandait une compagnie de la 36e division. Dans The story of Th GI Joe, il revit sous les traits du lieutenant Bill Walker (promu capitaine en Italie) sous les traits de Robert Mitchum. Wasko fut tué au cours de l'assaut. Trois jours plus tard, le correspondant de guerre Ernie Pyle assista au retour du corps sur le dos d'une mule. Ernie Pyle, le personnage principal, sera lui-même tué dans le pacifique lors de la bataille d'Okinawa le 18 avril 1945.

Source : LE CIEL OU LA BOUE, livre de Michael Henry Wilson écrit spécialement pour l'édition DVD de Wilde Side Video.

 

La bataille de San Pietro (38'), le documentaire de John Huston

Fin 1943, après le débarquement en Italie, John Huston fut chargé de réaliser un documentaire sur l'avancée triomphale des troupes américaines sur Rome. Filmant des combats d'une rare violence, il réalisa l'un des plus bouleversants témoignages sur les horreurs de la guerre et le prix de la liberte reconquise.

Arrivé sur place à la mi décembre 1943 vers la fin des engagements, Huston du reconstituer certains combats dans la région entre fin décembre et fin février. Le retour des civils à San Pietro aurait été tourné plus d'un mois après après la libération du village. La pellicule, que Huston ne pouvait visionner sur place, fut entièrement sonorisée et montée à Hollywood au cours de l'été 44

Huston ne manque pas de souligner le coût exorbitant d'une opération mal préparée. Quand il nous explique en détail, à l'aide de cartes et de graphismes, le déroulement de la bataille, la stratégie de l'état major est remise en cause par l'image elle même : le 143e régiment d'infanterie a été envoyé à une mort certaine au cours d'attaques frontales totalement inadéquates sur un terrain miné et contre des positions en surplomb. Le prix de la victoire sur les collines les mieux fortifiée "Un homme à chaque mètre glisse en passant le narrateur (les pertes américains, 1 100 tués, furent le double des pertes allemandes). Huston répondit a un général qui lui reprochait d'avoir fait un film antimilitariste "Si jamais je fais un film militariste, j'espère qu'il y aura quelqu'un pour m'arrêter et me fusiller".

In fine, le message fut jugé si peu orthodoxe que le war Deparment rajouta un prologue. Le général Mark Clark -pourtant responsable de graves erreurs au cours de la campagne- y justifie les pertes humaines que l'image présente comme absurdes. Le pentagone opposa son veto à une autre idée séditieuse : le réalisateur, qui avait interviewé une trentaine de G.I.'s avant leur décès, songeait à monter ces témoignages en voix off au moment de la mise ne bière de chaque dépouille. Le métrage fut amputé de prés de vingt minutes. Paradoxalement c'est ce réalisme, jugé excessif par les gradés, qui valut à Huston le soutien du général Marshall. Celui-ci décréta que le film contribuerait à l'entrainement des conscrits. Sans cette intervention, le film n'aurait pas été distribué.

Source : LE CIEL OU LA BOUE, livre de Michael Henry Wilson écrit spécialement pour l'édition DVD de Wilde Side Video.

Note : La version présentée par Wild Side l'est sans le préambule du général Mark Clark rajouté au film de Huston. Elle est cependant plus longue de sept minutes que celle, officielle, éditée par Montparnasse en octobre 2011. Cette version Wild Side, anglaise sous-titrée en français, est aussi meilleure que celle de Montparnasse, couverte par un commentaire en français. La version présentée en anglais inclut le passage sur la destruction par les bombardements avant l'attaque qui ont fait au moins une femme pour victime et plus de plans consacrés au retour des villageois :

plan censuré : ce sont les Américains qui ont bombardé le village
plan retranché sur la reprise de l'activité des villageois

Huston, sans doute bien conscient que la plan de la femme morte allait poser problème, l'avait accompagné d'un commentaire plutôt neutre : "Saint Pierre a été bâtie par les paroissiens eux-mêmes tout comme les maisons ont été construites par leurs habitants. Cette pratique se perpétue à travers les siècles. Le paysan italien est un maçon né. Il taille pose et cimente la pierre avec talent et patience non pas pour lui tout seul mais pour les générations futures". La contradiction entre ce commentaire lenifiant et l'image n'a pas échappé à la censure.

 

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The story of G.I. Joe de William Wellman