Editeur : France Télévision, avril 2008. 20 euros.

Supplément : un entretien avec le réalisateur, Nicolas Philibert

 

Eloge de l'obstination pour faire exister la beauté et la violence du quotidien, Retour en Normandie marque le renouvellement d'un pacte spirituel tacite entre Philibert et ces hommes et ces femmes qu'il n'a pas revu depuis trente ans. Il capte tout à la fois leur gentillesse et leurs efforts pour rester droits et souriants malgré les difficultés de la vie quotidienne, les accidents et les drames qu'ils ont dû affronter. Il montre comment un film a pu changer la vie ou plutôt ne l'a pas changé mais a fortifié ces acteurs d'une saison dans leur sens des responsabilités pour un monde plus juste et plus lumineux

Le point de départ de Retour en Normandie est de faire redécouvrir le film de René Allio Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… sur lequel Philibert fut assistant en revenant interroger les acteurs d'il y a trente ans. Mais, sur le fil conducteur du plaisir et des difficultés à faire ce premier film, s'élabore bientôt un sujet plus ample, celui de la flamme spirituelle que tous les personnages gardent face à l'adversité de la vie pour lui garder sa force et sa beauté.

L'engagement associatif, les travaux et les jours, les accidents de la vie rejoignent la vocation d'artiste de Philibert attaché à mettre en forme la beauté avec obstination et simplicité.

C'est ce que cherchait Allio dans Pierre Rivière et dans son œuvre en général ce dont témoignent ses carnets. Philibert rappelle aussi qu'il eut d'abord une vocation peintre marqué par Cézanne (résumé en deux plans : celui, théorique, d'une fenêtre géométrisé par son cadre filmé dans une contreplongée en diagonale et celui, plus humoristique, de trois pommes superposées devant cette même fenêtre). Cette proximité avec un artiste maintenu en marge de la gloire le soutient et l'inspire. Les plans de nature sont ainsi filmés pour leur beauté (petite chèvre obstinée, nuages derrière les arbres, oiseaux traversant le soleil) mais aussi comme une figuration de l'espoir et de beauté que les paysans normands filmés par Philibert gardent dans les circonstances les plus anodines (plan d'équilibre en vélo) ou les plus difficiles (confrontation à la folie ou à la maladie).

Témoignage sur les multiples violences du monde (la prison de Caen enferme aujourd'hui encore ceux que l'on considère comme les pires criminels : les parricides ont été remplacés par les agresseurs d'enfants qui rejoignent dans l'opprobre les auteurs de crimes contre l'humanité) que l'on ne peut affronter qu'avec courage lorsqu'on en perçoit en même temps la flamme spirituelle, Retour en Normandie est un des films sans doute les plus subtilement mis en scène et l'un des plus bouleversants du cinéma.

J.-L. L.

 

France Télévision
 
présente
 
Retour en Normandie de Nicolas Philibert