Editeurs : Potemkine et Agnès B, Février 2013. Version originale Italienne- Sous-titres : Français – anglais – allemand. Double DVD : 20€ ; Blu-ray: 23 €

Suppléments :

  • Making-of : 9 minutes et 45 secondes. Le plan séquence (18’)
  • Animation préparatoire du plan séquence (8’)
  • La Pita, documentaire sur la fête de l’arbre (18’)
  • Entretien avec Michelangelo Frammartino (20’)
  • Entretien avec le dresseur Gianluca Villa (7’)
  • Entretien avec les ingénieurs du son Paolo Benvenuti et Simone Olivero (16’)
  • Scènes commentées (20’)
  • Planches de story-board commentées (7’)
  • Film annonce (2’)

En Calabre la nature ne connait pas de hiérarchie. Tout être possède une âme. Pour s’en convaincre, il suffit de croiser le regard d’une bête, d’entendre le son de la charbonnière, qui est comme une voix, ou bien d’observer le flottement du sapin battu par le vent, qui appelle tout le monde à se grouper. Un vieux berger prend soin de son troupeau de chèvre aidé par son chien, Vuck, un border collie...

Film documentaire sur un village de Calabre, presque muet, millimétré, précis et drôle dans sa mise en scène comme un film de Jacques Tati, lyrique et beau comme un film des Straub, envoutant comme un film d'Apichatpong Weerasethakul, Le quatto volte a nécessité cinq ans d'effort à son metteur en scène qui porte ici très haut les couleurs du cinéma italien.

Un plan séquence d'anthologie

Le vieil homme est allé trois fois en haut du champ. La veille, il y a perdu la poussière d'église qui lui sert de seul remède contre une toux persistante. C'est le matin et, à près d'une demi-heure du film, le village s'apprête à jouer le Mystère de la crucifixion de Jésus-Christ.

Une petite camionnette rouge monte et se gare à l'entrée de la ville, en face de l'enclos dans lequel les chèvres attendent d'être conduites aux champs. En descendent trois "centurions" dont l'un place une pierre sous la roue de la camionnette garée en pente. Un scooter descend avec deux jeunes gens et dépose une spectatrice avant de remonter vers la ville. La procession sort de la ville avec Jésus-Christ en tête surveillé par les romains. La caméra les suit (3') avec un panoramique à 180° pour voir le chien qui ayant dérangé le défilé est chassé par un "romain" vers le bas de la route. Le chien s'enfuit dans les fourrés et la route s'emplit de la procession avec, au loin sur la colline, les croix du calvaire. (4'30). Le chien surgit derrière la procession et remonte la route. La camera le suit dans un panoramique à 180° symétrique du premier jusqu'à la porte de la ville dont surgit un enfant de chœur en retard (5') celui-ci essaie de se débarrasser du chien en envoyant plusieurs pierres. La troisième, en direction de la camionnette est la bonne, mais le chien retire celle qui calait la camionnette et celle-ci glisse en direction de la palissade fermant l'enclos des chèvres. Le chien poursuit dans un troisième panoramique à 180° le garçon qui dévale la route pour lui ramener la pierre. Le chien est chassé par la famille qui attend l'enfant et remonte la rue (7') suivi par la caméra pour son quatrième panoramique à 180°. Le chien fait entrer les chèvres sorties de leur enclos dans la ville désertée de ses habitants (7'50).

Mais la séquence continue. Les chèvres libérées de l'enclos par le camion envahissent les maisons environnantes désertées par leurs habitants. Dans la cuisine de la maison du vieil homme, l'une des chèvres fait tomber la marmite aux escargots. Dans la chambre, c'est tout un troupeau qui s'est réuni. Le vieil homme respire difficilement. Il meurt. Ensuite le village l'enterre et le met au caveau.

La virtuosité du plan séquence filmé en légère plongée, selon un angle déjà vu auparavant, époustoufle. On imagine bien le temps de préparation qu'il a fallu pour régler les mouvements de la procession, le minutage des entrées et sorties de champs (les romains au début, l'enfant vers la fin), la fluidité des panoramiques qui vont et viennent le long de la route, le dressage du chien. Mais plus encore que la virtuosité à laquelle on sera surtout sensible à une seconde vision du film, c'est la constante surprise de sens et, corollairement, d'intensité d'émotion à laquelle on ne peut que rendre hommage. Comment mieux rendre hommage à la mort du vieil homme que de la situer avant une telle séquence ? Comment dire son calvaire aussi discrètement que par cet ultime cadrage sur les croix du calvaire.

La mort trois fois pour quatre états de l'homme.

Les quatre fois du film sont celle qui constituent la nature entière de l'homme : homme, animal, végétal et minéral ou vieillard, chèvre, arbre et houille. Si le film est beau, c'est qu'il est aussi cruel. Toutes les renaissances sont permises au prix d'une mort qui les précède, toutes marquées par une fermeture au noir : celle du vieil homme, celle de la petite chèvre, celle du grand arbre.

Pour Michelangelo Frammartino, le plan séquence est le moment où l'on abandonne l'élément humain, où ce qui n'est pas humain et qui constitue le fondement de notre culture devient le cœur de cette histoire, tandis que l'élément humain passe à l'arrière-plan.

La vie se poursuit, la mort du vieil homme n'empêche pas la naissance de la petite chèvre, la mort de celle-ci n'empêche par l'arbre de pousser, la transformation de celui-ci en charbon de bois permet au village d'exister et la mort possible de celui-ci n'empêche pas le cinéma puisqu'il en a tiré ce film. Il ne s'agit pas là d'un animisme à bon compte, juste de savoir capter les traces de la vie auxquelles il est donné sens par le montage et la justesse de la répétition des plans. S'y joue là un constant effet de sens à retardement qui constitue poésie du film.

Un film où les plans riment entre eux

Beaucoup de plans du film intriguent par leur léger effet, ou étrange ou esthétisant, qui sert surtout à préparer un plan plus lointain qui viendra leur donner sens. Le plan de la poussière éclairée par le soleil dans l'église semble ainsi convenu avant que l'on comprenne que cette poussière est recueillie par la bonne du curé pour être délivrée comme une potion aux malades. La demi-page de magazine avec laquelle elle l'enferme prépare aussi le plan ou cette potion sera perdue et que l'on verra alors portée par les fourmis. Lorsque le vieil homme ramasse quelque chose dans le caniveau, on ne comprend que par la suite qu'il s'agit d'une pierre destinée à peser sur un couvercle. On ne comprendra qu'encore plus tard que la marmite contient des escargots et que c'était ce que le vieil homme avait ramassé dans le champ. Le plan de la marmite entourée d'un linge plus efficace, prépare celui, d'après la mort du vieil homme, où la chèvre la fera tomber par terre.

Chaque plan intrigue ainsi et ce n'est qu'après en avoir vu un autre que l'on comprend ce en quoi ce plan tout d'abord si bizarre nous avait intrigué. Le plan du pré-générique, la fumée se dégageant d'un dôme de terre, l'une des plus intrigantes trouve ainsi son explication à la toute fin du film. Le dôme noir duquel sortent des filets de fumée blanche n'est pas une œuvre de l'Arte povera mais une sorte de tourbière où se consume le bois destiné à devenir charbon de bois. Ce même bois sera ensuite consumé pour que vive le village.

Ce village de Calabre perché au-dessus de la mer, Michelangelo Frammartino en montre ainsi l'économie de subsistance : les éléments s'y échange : poussière contre lait, charbon de bois contre un peu d'argent. Il ne vivait pleinement qu'au moment des grandes fêtes populaires, celle du Mystère et celle de l'arbre. Il vivra désormais éternellement dans l'imaginaire des spectateurs du film.

 

Making-of : 9 minutes et 45 secondes. Le plan séquence (18’)

Pour Michelangelo Frammartino, le plan séquence est le moment où l'on abandonne l'élément humain, où ce qui n'est pas humain et qui constitue le fondement de notre culture devient le cœur de cette histoire, tandis que l'élément humain passe à l'arrière-plan. La ville s'est peu à peu vidée de ses habitants pour laisser place aux animaux. Les chèvres qui sortent de la ville vont y retourner. Le plan anticipe l'étape suivante où le protagoniste principal sera une chèvre mais la camionnette aussi prend vie, une pierre devient personnage.

Le plan-séquence est tourné à Caulonia en Calabre. Il a été répété une semaine et a nécessité une autre semaine de tournage. Il a dû être refait 16 fois. Il y avait 30 personnes dans l'équipe, 50 chèvres, deux bergers et 100 figurants, deux dresseurs et le chien Vuck, le border collie.

On notera que le plan séquence filmé dans le making off n'est pas celui retenu par Michelangelo Frammartino puisqu'il ne dure dans le film "que" 7'50 (de 26'41 à 34'31 sur le DVD). C'est dans le bonus ci-dessous que le réalisateur explique qu'il a retenu une prise plus courte parce que le chien revenait une deuxième fois pour faire entrer les chèvres dans la ville.

On note aussi que la pente n'est pas assez forte pour que la camionnette défonce l'enclos. Elle est ainsi poussée à la main au fond de l'enclos pour dégager la route par des assistants pendant que la caméra panoramique vers la route où le chien poursuit l'enfant.

Animation préparatoire du plan séquence (8’)

L'animation préparatoire est réalisée en 2006 pour un tournage en 35mm en 2009. Il s'agissait de faire une série d'actions complexes pendant la durée d'une bobine 35 mm. Le chien est dérangé par des véhicules donc il aboie puis par deux personnes en scooter et les gens de la procession dont il doit s'écarter. Pour laisser le chien dans le cadre, c'est une dresseuse qui est sur le scooter. Pour donner des ordres au chien, Gianluca Villa devient l'un des centurions;

Le dernier plan sera tourné 17 fois avec 20 minutes de mise en place avec les 120 figurants

La Pita, documentaire sur la fête de l’arbre (Pierluigi Laffi, 2008, 18’)

Documentaire tourné en avril mai 2007. Depuis le début du 20e siècle, à Alessandria di Carretto dans le parc naturel de Polino, on célèbre la Pita, un rituel ancestral qui culmine le 3 mai de chaque année.

 

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Le quattro volte de Michelangelo Frammartino