Editeurs : Potemkine et Agnès B, Mai 2013. 20 €

Suppléments :

  • Entretien avec Jean-Baptiste Thoret
  • Bande-annonce


Béatrice Hunsdorfer, abandonnée par son mari, élève seule ses deux filles et se démène pour faire face au quotidien. Elle oscille entre l'amertume de sa condition et un enthousiasme débordant. Ses deux filles, Ruth et Matilda, se protègent à leur manière. L'une, 17 ans, délurée, se rebelle, tandis que la timide Matilda, 13 ans, étudie le comportement des Marguerites exposées aux rayons gamma...

De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites fait partie des grands portraits de la femme américaine libérée en butte à l'hostilité sociale représentée par le conformisme machiste de la société des années 70. En se tenant au texte, aux situations et au décor de la pièce de Paul Zindel, Paul Newman se met au service de ses actrices mais sacrifie toutefois en partie ses personnages.

Un film féministe...

Béatrice Hunsdorfer est la soeur Natalie Ravenna (Les gens de la pluie, F. F. Coppola, 1969), de Wanda (Wanda, Barbara Loden, 1970) de Mabel Longhetti (Une femme sous influence, John Cassavetes 1974) ou de Myrtle Gordon (Opening night, John Cassavetes, 1978).

Comme elles, Béatrice cherche à faire face avec humour aux nombreuses difficultés qui entravent son quotidien. Les dialogues les plus brillants et les remarques les plus spirituelles lui sont données par le texte de la pièce dont est tiré le film durant toute la première partie.

Le film bascule après l'échec de Béatrice pour trouver des fonds lui permettant d'ouvrir son restaurant. Son échappée vers le sommet de la colline au petit matin est la plus belle, symbolique et poétique scène du film. Son rappel à l'ordre par les policiers avant qu'elle n'ait atteint le sommet et surtout la conscience d'avoir manqué quelque chose par sa joie de vivre forcenée et obstinée semble la briser pour un temps.

... qui dérive vers une mystique scientifique ambiguë.

Le discours mystico-cientifique sur la demi-vie et l'irradiation contrôlée pris en charge par Matilda se retourne alors contre le personnage principal que Newman semble aussi abandonner en chemin.

La première scène du film montrait Matilda penchée sur son bac à marguerites et le dernier plan du film lui est également confié, signes que c'est bien elle qui porte le message "d'espoir" du film. Matilda l'expliquera lors de la cérémonie. Dans son bac, elle a soigné pareillement trois sortes de marguerites. Certaines sont issues de graines non irradiées et ont donné des plantes normales. D'autres ont subi des rayons gamma en petite quantité et ont donné de somptueuses fleurs nouvelles jusqu'alors inconnues, d'autres enfin ont subi de très fortes doses de rayons gamma et sont devenues stériles, ne produisant aucunes fleurs. Ainsi, si l'on parvient un jour à maîtriser l'atome, alors comprendra-t-on tous les secrets de l'univers.

Si l'on se souvient que Béatrice voulait appeler son restaurant "Aux trois marguerites", double allusion à leur famille triangulaire et à la passion de sa plus jeune fille, on pourra tenter de trouver des correspondances entre les trois types de fleurs et Béatrice, Ruth et Matilda.

Le plus ennuyeux dans cette métaphore assez lourdaude, renforcée qui plus est par le sacrifice du lapin blanc, est d'abandonner le personnage de Béatrice en cours de route. Lors de la soirée de gala, celle-ci n'est jamais émouvante. Ruth et Sonny semblent constituer alors une famille de substitution possible pour Matilda.

Ridiculisée, Béatrice s'en revient chez elle, incomprise de ses enfants. La métaphore scientifique apparaît alors de bien peu de poids pour clore le film.

Barbara Loden et John Cassavetes avaient montré plus de générosité envers leurs personnages féminins, brisées, assagies ou victorieuses, elles étaient toujours les authentiques forces capables de renverser le conformisme.

 

Entretien avec Jean-Baptiste Thoret

Clint Eastwood et John Cassavetes deviennent aussi réalisateurs à la fin des années 60. Paul Newman n'atteindra jamais à la même reconnaissance comme réalisateur. Il se montre ici très respectueux du texte, des situations et du décor et se met au service de ses actrices. Film tourné dans le Connecticut à Bridgeport dans une vieille bicoque en huis clos avec une scène finale dans le gymnase et une seule échappée dans la nature.

Thématique de la femme jeune dans les années 50, comme Peggy Sue qui s'est prise au mirage de la contre-culture et qui doit faire un dur retour à la réalité : être mère et travailler. Wanda (1970), Alice n'habite plus ici, Les gens de la pluie, Une femme sous influence traitent aussi de la crise des mères de quarante ans. La petite ville lui rappelle ce qu'elle n'est plus. Les rayons gamma sont soit la mère soit les conditions économiques.

 

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