Présente

Au hasard Balthazar de Robert Bresson

 

Editeur : Arte Edition. Mars 2005.

Suppléments :

Extraits de l'émission de Roger Stéphane "Pour le plaisir" réalisée par Roland diffusée le 11 juin 1966, consacrée à "Au Hasard Balthazar" : une interview de Robert Bresson par Roger Stéphane (Un metteur en ordre) et des entretiens avec Jean-Luc Godard, Marguerite Duras, Anne Wiazemsky, François Lafarge (Environ 50 min).

Je voulais un nom biblique pour l'âne, le nom d'un des rois mages. Mais le titre lui-même vient de la devise des comtes des Baux qui se disaient descendants du roi mage Balthazar qui était "Au hasard Balthazar". J'aime beaucoup la rime dans le titre ; ça colle à mon sujet. Au hasard Balthazar, c'est notre agitation, nos passions en face d'une créature vivante qui est toute humilité et toute sainteté et qui, en l'occurrence, est un âne, Balthazar. C'est l'orgueil, l'avarice, le besoin de faire souffrir, la sensualité au hasard des mains entre lesquelles passe l'âne et dont il pâtit et finalement meurt.

Ce personnage est un peu le Charlot des premiers films de Chaplin. Mais c'est quand même un animal, un âne, un animal érotique, qui amène l'érotisme et qui amène en même temps une espèce de spiritualité ou de mysticité chrétienne parce que c'est l'âne qui est tellement important dans les deux testaments, dans la bible et dans les évangiles et que nous retrouvons dans toutes nos églises et nos cathédrales romanes.

C'est aussi, Au hasard Balthazar, deux lignes qui se rencontrent et qui sont parfois, au contraire, parallèles. Première ligne: on retrouve dans la vie d'un âne, les mêmes étapes que dans la vie d'un homme : l'enfance les caresses, l'âge mur que ce soit homme ou âne, le travail, le talent, le génie un peu plus tard et enfin la période mystique qui précède la mort. L'autre ligne, c'est l'âne passant entre les mains de différents maitres qui représentent des vices et il en souffre et il en meurt.

Il y a aussi une autre préoccupation qui a été la mienne pendant que ce film s'élaborait, c'était que le personnage central qui n'était pas présent tout le temps mais qui était tout de même là comme la ligne principale qu'on apercevait par moments mais qui était là quand même, c'était l'âne et il y a un moment où il faut que l'on sente que l'âne est cette ligne principale, qu'il est le personnage principal. Il fallait donc que tout les éléments dont il n'était pas témoin ou dont il n'était temoin que par bouffée.

Il y a de la sensualité pas de l'amour, c'est le printemps les oiseaux chantent. Le hasard fait que ce garçon est à côté d'elle et le hasard fait qu'elle ressent quelque chose qui le remue.

Tout est dit, avant tout, en rythme. Il n'y a rien sans rythme. Il n'y a rien sans forme, mais il n'y a rien sans rythme. C'est au montage que les choses sont apparues. C'est le montage qui crée; la caméra est un appareil d'enregistrement avec cette précision et heureusement cette indifférence de la machine et la création du drame se fait au montage. C'est quand les images se mettent au contact les unes avec les autres et avec les sons que ce que vous venez de dire est vrai, que l'amour se produit.

C'est une nuit d'amour dont l'objet n'est pas très défini. L'amour des adolescents peut s'adresser à des choses très vagues, très floues. L'amour a besoin de trouver un objet. L'âne n'est pas cet objet mais un intermédiaire

La difficulté est que tout art est abstrait et, en même temps, suggestif. Il ne faut pas tout montrer.