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1982. La radio fait état de guerre civile à Beyrouth, de la partition du Liban, de l’assassinat de Bachir Gemayel, des massacres de Sabra et Chatila. Des femmes, réunies dans un salon bourgeois, refusent tous les confessionnalismes, druzes, chrétiens chiites et sunnites qui conduisent à ces guerres sans fin.
Un peu à l’écart, Leila se regarde dans le miroir et se demande si elle ressemblera à sa grand-mère. Celle-ci est indulgente vis-à-vis de Mariam, divorcée qui revient avec un doctorat de l’étranger et lui souhaite un nouveau mari. Elle reproche à sœur, Nidal, mariée de n’avoir pas d'enfants et à Rayya, fille de Soad, de n'avoir que deux enfants dont un seul garçon, ce qui est insuffisant.
Un carton indique que ce qui suit repose sur des faits réels, libanais et palestiniens. Un poème rappelle que ce n’est pas tant aux loups qu'on en veut qu'à l'absence de berger qui font des moutons des proies faciles pour les loups. Leila, de blanc vêtue, marche sur les terres libanaises entre la montagne et la mer. Là, elle fait face à des femmes en niqab.
1975. Leila est à Londres. Elle organise une exposition avec le soutien de Rafik, son fiancé, qui lui a procuré des photographies de la résistance palestinienne à la colonisation lors de la grande révolte arabe de 1936-1939 en Palestine sous mandat britannique. Le pays du Levant, couvrant la Palestine et le Liban, s'est trouvé la proie de loups, blonds puis étrangers. Rafik craint que le sort des Palestiniens soit bientôt le leur et souhaite que Leila accueille les visiteurs de l'exposition vêtue de banc ce qui ravive encore sa beauté. Et c'est ainsi que Leila se retrouve transplantée en Cisjordanie en 1934 lors d'émeutes. Leila fait toutefois remarqué à Rafik que dans ces photos, il n'y a que des hommes, aucune femme. Rafik réplique que les femmes n'avaient alors rien à faire avec le pouvoir.
Cette remarque trouble Leïla le soir chez elle alors que des images de femmes fréquentant un cimetière la nuit alors que s'élève Dalouna, une chanson de mariage dont les aspects funèbres sont de plus en plus marqués.
Palestine années 20. Dans une reconstitution où Leila a placé Rafik en tête, des hommes manifestent dans la rue et sont bientôt sous le feu des Anglais et fuient. Les femmes aux balcons déversent pierres et eau bouillante sur les soldats anglais qui poursuivaient les insurgés. Plus tard, Nawal est en pleurs : son père a déchiré ses cahiers et l’a retiré de l'école. Sa mère approuve son mari : Nawal est en âge de se marier et n'a plus besoin d'aller à l'école. Mais, le soir, elle est battue pour le repas brûlé. Sa sœur, la tante de Nawal, lui explique qu'elle doit être soumise à son mari, lui faire des enfants des petits plats, lui laver les pieds, être désirable.
Les femmes en Niqab sur la plage regardent les hommes et les enfants se baigner joyeusement en maillot de bain.
Des archives montrent Hitler au pouvoir, haranguant les foules et brûlant des livres. Leila se promène dans le ruines de ce qui fut un massacre dans la Palestine de 1937.
Palestine 36-39
Leila en blanc interroge des femmes qui liment des balles. Deux heures pour chacune afin de pouvoir les introduire dans les nouveaux fusils reçus des Turcs mais sans munitions. Des archives montrent la gréve générale de six mois où les Arabes annoncent qu'ils ne paieront plus les impôts autant par nationalisme palestinien que pour s’opposer à l'émigration juive, favorisée depuis la Déclaration Balfour de 1917 approuvée par l'ONU en 1923 et qui s’amplifie. En même temps, une insurrection armée sporadique se fait jour. Alors que les hommes sont systématiquement fouillés (archives), les femmes profitent d'une cérémonie de mariage pour préparer une insurrection armée en cachant des balles et des armes. Elles changent de chanson (celle du henné ou du peigne) pour avertir de la venue des soldats.
Femmes en Niqab. Palestine, 1938. Une mère se désole que son bébé soit malade alors qu'elle est sans argent pour le soigner car son père a exigé tout ce qu'elle possède pour l’insurrection armée.
Palestine 1939. Une femme vient gémir sur la place du village. Le maquis est détruit. Des soldats anglais réunissent les femmes du village et jettent des prisonniers à leurs pieds. Toutes prient pour ne pas pleurer ce qui révélerait que les hommes sont du village qui serait alors détruit. Mais cela ne résout pas le malheur de l'une d'entre elles à qui on a imposé un mariage forcé alors qu'elle aimait un autre homme
Femme en Niqab, sur la plage retrouvent des os d'une fillette, enterrée vivante. Tel Aviv est en fête en 1948 alors qu'a lieu le massacre de Deir Yassin du 9 avril. Dans ce village arabe près de Jérusalem, une attaque menée par l’Irgoun et le Lehi (milices sionistes) cause la mort de plus de 100 habitants. Une femme incite à la révolte avant l'exécution, elle est la première victime. Archives de l'ONU sur les réfugiés arabes en 1967.
Liban 75, avant la guerre civile. Une couturière crie et pleure, elle vient d'apprendre qu'elle est divorcée, désormais sans ressource. Elle n'est pas "la femme palestinienne sur la voie de la liberté" indiquée sur les affiches. Des jeunes femmes assurent que seule l'armée libère la femme.
Liban 75-77. Archives couleur des destructions dues à la guerre civile. Voix fantomatiques évoquant les beaux jours du pays avant la guerre.
Femmes en Niqab sur la plage. Aïda désespère ses grands-parents : elle a choisi de s'engager. La grand-mère craint pour son mariage future : comme pour son amie Randa, les ragots font fuir les prétendants
Sur la plage les femmes en Niqab suent, les hommes s'amusent dans l'eau.
Randa est sur les barricades, elle est rabrouée ou ignorée par les hommes qui ne lui offrent même pas une cigarette. Par défi, elle quitte la barricade et est tuée par un sniper. Archive de la guerre civile.
Les soldats veulent manger et ont des mots durs et méprisant pour les femmes qui leur font la cuisine. Les hommes n'incitent les femmes à sortir que pour voter lors d'une réunion de quartier en juin 75. Leila de blanc vêtue, passe près du bureau de vote et se promène dans les rues la nuit. Elle entend un jeune garçon découragé car ses parents refusent son avenir de danseur à l'étranger.
Sur la plages des femmes en maillot de bain, trouvent difficile leur condition de femmes libérées, en quête d'amour.
Femmes en Niqab. Des soldats jouent aux cartes puis, plus tard, sont retrouvés morts.
40 cessez-le-feu ont déjà expiré au Liban. Retour à la maison du début mais sans doute en 1975 et non en 1982. Leila veut combattre mais a du mal à convaincre ses soeurs
Femmes en Niqab. Leila se regarde dans le miroir. Commando de femmes à l'entraînement : armes montées et démontées un bandeau sur les yeux. Elles le retirent une à une. Sur la plage, les femmes au niqab retirent aussi le masque sur leur visage et vont se tremper les pieds.
La guerre continue : danse de mort de Leila avec des hommes portant le masque de la mort .
Le film est constitué d'un long flash-back à partir des craintes de Leila en 1982 de devenir aussi soumise au patriarcat que grand-mère alors qu'elle s'interroge sur la poursuite de son engagement.
Lutte contre le colonialisme et le patriarcat
Elle se rappelle alors l'exposition qu'elle organisa en 1975 à Londres sur la résistance palestinienne sous mandat britannique. C'est là qu'elle prit conscience que l'histoire ne retient que le rôle des hommes, les femmes étant absentes de toute photographie "Les femmes n'avaient rien à voir avec le pouvoir lui "dit son fiancé, Rafik. Alors que Rafik lui demande d’accueillir les visiteurs en blanc ce qui ravive sa beauté dit-il, elle va effectivement se couvrir d’une longue robe blanche mais pour parcourir, tel l'ange de l'histoire, soixante ans d’histoire des palestiniens et des libanais (1920-1982).
Le film prend alors une forme hybride mêlant images d'archives (en noir et blanc puis en couleur pour la guerre civile libanaise) et reconstitution en couleur d'épisodes consacrés aux rôles des femmes dans la lutte armée. Cette participation est envisagée moins comme héroïque que comme simplement occultée. Elle est surtout vécue alors que règne un patriarcat leur refusant tout autre rôle que celui de femme soumise, bonne à enfanter et faire la cuisine. Cette soumission est interrogée par le retour insistant du plan des femmes en niqab sur la plage alors que jeunes garçons et leurs père s'amusent. A la fin, elles retirent le masque de leur visage et vont timidement se tremper les pieds. La libération des femmes n'en est qu'à ses débuts.
Un film hybride
Le film conjugue ainsi la fiction (la recréation du passé) et le documentaire (intégration des images d'archives de l'armée britannique en Palestine mandataire, et des des Nations Unies de camps de réfugiés palestiniens). Par ses ruptures de style et ses multiples personnages, une quinzaine de figures féminines en révolte face au colonialisme et au patriarcat, le film est assez exigeant du fait aussi d'un minimum de culture historique qu'il suppose.
Srour obtient que le CNC français prenne en charge, par le biais d’un distributeur, la restauration du film tout en gardant les droits, ce qui sera fait en 2021. Le film sort en salles ainsi restauré en mai 2025. Une édition DVD ou Blu-ray lui permettrait un élargissement de son audience au-delà des manifestations cinématographiques militantes ou de recherche par une acquisition par des bibliothèques.
Triste ironie de l'histoire que la ressortie de ce film alors que les mâles que sont Trump et Blair imposent un nouveau colonialisme à la Palestine meurtrie par le génocide en cours.
Jean-Luc Lacuve, le 1er octobre 2025
Source : A l'oeuvre au cinéma ! Professionnelles en Afrique et au Moyen-Orient