Un dimanche d’été. Le sirocco souffle sans relâche sur Palerme quand Rosa et Clara, en route pour célébrer le mariage d’une amie, se perdent dans la ville et débouchent dans une ruelle étroite : Via Castellana Bandiera. Au même moment, une autre voiture conduite par Samira, dans laquelle est entassée la famille Calafiore, emprunte la même ruelle dans le sens opposé. Ni Rosa ni Samira, vieille femme têtue, n’ont l’intention de faire marche arrière. Enfermées dans leurs voitures, les deux femmes s’affrontent dans un duel silencieux, le regard plein de haine, sans boire ni manger, sans dormir jusqu’au lendemain. Plus obstinées que le soleil de Palerme et plus dur que la férocité des hommes autour d’elles. Puisque, comme dans tout duel, c’est une question de vie ou de mort...
En transformant le titre original, Via Castellana Bandiera, en Palerme, le distributeur Français ne fait que surenchérir sur les nombreuses dimensions métaphoriques du film tout en réduisant son maigre impact documentaire.
Certes la réalisatrice a vécu dans cette rue de Palerme pendant dix ans ; certes les acteurs non professionnels au premier rand desquels Renato Malfatti qui joue Saro Calafiore, se mêlent aux professionnels; certes la mer, les pâtes noircies au calmar, le Mont Pellegrino qui domine la rue, le cimetière de Santa Maria dei Rotol où se rend Semira sur la tombe de sa fille ont une indéniable présence. Mais cet impact documentaire pèse peu face aux dimensions de western à l'italienne et de chur antique qui territorialisent el film dans un espace qui pourrait être le Mexique ou la Grèce. Rosa et Samira sont deux ennemis qui s'affrontent : le volant est le pistolet, le levier de vitesse la gâchette, les clés de contact tournées sont comme les pistolets rengainés, et les appels de phares se mêlent aux klaxons pour sonner la charge. Et quand se succèdent les regards en gros plans chacune dégainent son assiette de pates, son envie de pisser ou sa bouteille d'eau pour montrer sa détermination. Le chur antique est composé des femmes qui viennent prévenir Rosa de la folie des Califiore alors que les dieux males précipitent le drame dont sera victime Semira, vieille albanaise au bout du malheur dès l'abord du film, étendue sur la tombe de sa fille et veillée par des chiens.
La morale est en effet transparente, les plans sont de plus en plus nombreux, au cur de la nuit et au petit matin à montrer que la rue n'est pas si étroite et permettrait de dénouer la situation et que si l'attitude des personnages ne change pas c'est parce que l'obstacle est mental et que leur esprit a déformé les choses. Au final c'est la plus fragile, la ville femme qui paie le prix de l'obstination des hommes et du mal être de Rosa. La voiture file vers le précipice et le village n'a plus qu'à constater les dégâts. Un long plan fixe s'oppose alors aux nombreux mouvements de caméra qui tentaient auparavant de saisir les gens de la rue. C'est finalement par cette affirmation tranquille du dispositif que le film emporte l'adhésion.
Jean-Luc Lacuve le 06/07/2014