C'est l'une des premières uvres qui peut être attribuée en toute certitude à Rogier van der Weyden ; c'est aussi l'une des plus grandes et renommées de l'artiste. Elle ne peut avoir été peinte très longtemps après 1435 d'après la vie de Rogier et avant 1443, date de la première copie (Saint-Pieterskerk, Leuven).
Ce tableau a été peint pour servir de retable d'autel à la chapelle Notre-Dame-hors-les-murs de Louvain, appartenant à la plus importante confrérie des arbalétriers de la ville. Il a été racheté par Marie de Hongrie, régente des Pays-Bas, qui l'a cédé ensuite à Philippe II, roi d'Espagne (1527-1598 ; roi en 1556), qui l'expose dans la forteresse du monastère de l'Escurial qu'il avait fondé près de Madrid. A cet endroit, la Déposition formait le centre d'un triptyque, mais aucune indication ne prouve que les ailes des côtés faisaient à l'origine partie d'un ensemble. Il est bien plus probable que la Déposition était à l'origine un panneau simple.
Le corps du Christ, détaché de la croix, est présenté aux fidèles par Nicodème qui le tient sous les aisselles et Joseph d'Arimathie par les pieds. Symbole du juste, digne de recevoir l'eucharistie, celui-ci est placé aux côtés de Madeleine, pécheresse repentie qui sera sauvé par le sacrifice du Christ. Somptueusement vêtu, pour le présenter comme un personnage riche, comme le présente Mathieu (XXVII, 57) Joseph a peut-être les traits d'un des membres de la confrérie. Le personnage debout derrière lui, qui n'est pas imposé par le récit évangélique, pourrait être le portait du prêtre desservant la chapelle. Sur le côté gauche, aux côtés de la Vierge, sont groupés les fidèles, saint jean l'Evangéliste qui la soutient et ses deux surs.
Tous ces personnages, malgré leur aspect vivant, sont figurés
dans une niche d'architecture dorée, c'est à dire comme des
sculptures peintes au naturel.
Rogier rapproche les personnages les uns des autres dans une magistralement composition qui comporte néanmoins plusieurs accents. Au centre, le corps désarticulé du Christ est soutenu naturellement par les deux hommes pour qu'il fasse presque face à l'observateur, sans que quoi que ce soit ne gêne le regard. Cette partie du tableau est conçue pour inspirer la vénération envers le sacrement de l'eucharistie par lequel, dans la foi Catholique, le pain et le vin deviennent le corps et le sang de Christ. Pendant le service divin, le pain et le vin étaient placés sur l'autel au-dessous de cette partie du tableau et, lorsque le prêtre levait le pain au-dessus de sa tête pendant la cérémonie, la congrégation le voyait ainsi devenir le corps du Christ.
Le corps du Christ est radieux, beau et immaculé, non défiguré par les marques de pourriture et sa forme délicate est animée d'une douceur presque sensuelle. Seules les marques des cinq blessures, avec le sang encore visible, forment de laides entailles. Et encore, le long filet de la blessure dans le côté de Christ est animé d'une une ligne délicate qui suit la courbe de l'estomac.
L'autre personnage principal du tableau est Marie. La Mère de Dieu, s'écroulant à terre comme morte, forme un parallèle avec le Christ, permettant à l'artiste de créer une liaison entre les deux groupes principaux dans un effet hardi de composition, puisqu'ils se meuvent dans des directions différentes : le Christ est emporté vers la droite, tandis que Marie tombe à gauche. En même temps, la correspondance entre les personnages illustre une idée théologique importante : la souffrance compatissante de Marie participe à la passion du Christ et par là même participe à la Rédemption.
À droite du tableau non directement impliquée dans l'action, se tient Marie-Madelaine. Ses vêtements magnifiques, temporels, avec la robe décolletée montrant ses seins pleins, sensuels, indiquent qu'elle est "la grande pécheresse" qui a abandonné son mode de vie dépravé et s'est tourné vers le Christ dans le repentir.
En terme de composition, la figure de Marie-Madelaine ferme l'image à droite comme une grande parenthèse, correspondant à la figure de saint Jean, à gauche, disposée de la même façon. La courbe du manteau de Marie se répercute dans l'ourlet du manteau de brocart de Nicodème et se poursuit, à droite par les plis de la robe de Marie-Madelaine et, à gauche, par ceux du vêtement de saint Jean.
Ces chevauchements de lignes déterminent la structure de l'ensemble du tableau : la courbe du corps de Christ se continue dans le bras gauche de Marie-Madelaine et croise la diagonale opposée partant des yeux de Nicomède, passant par les mains du Christ et de Marie et allant jusqu'aux orbites du crâne. Le bras gauche de Christ semble aussi provoquer les échos d'un mouvement qui se prolonge sur l'ensemble du tableau.