Fille et élève de Louis Vigée un peintre parisien mineur, madame Vigée-Lebrun était une femme charmante et séduisante, qui bien que bonne portraitiste d'hommes, s'était spécialisée dans de ravissants portraits de femmes et d'enfants. La conception qu'avait le dix-huitième siècle de l'élégance et de la spontanéité peut paraître coquine ou sentimentale au spectateur du vingtième siècle. L'artiste lança pourtant un nouveau style. Ses portraits à la mode, aux robes simplifiées dites " à la grecque", se passaient des colonnes et des draperies du décorum baroque : l'artiste cherchait à monter des attitudes et des sentiments naturels anticipant en cela le néo-classicisme de David.
Madame Vigée-Lebrun fuit la Révolution en 1789, évitant le sort qui fut réservé à sa plus illustre commanditaire, la Reine Marie-Antoinette. Elle se fit alors une réputation internationale dans les capitales européennes, et retourna dans sa ville natale en 1814, après la Restauration. Elle rendit compte de ses débuts, mais aussi de ses tribulations et de ses succès ultérieurs dans ses Mémoires qui, publiés en 1835, sont très faciles à lire, amis peu fiables.
Elle se souvient dans cette uvre que le peintre Claude Joseph Vernet lui avait conseillé d'étudier les maîtres italiens et flamands mais surtout de s'inspirer de la nature. Cette toile est une réplique autographe d'un autoportrait qui avait été peint par l'artiste à Bruxelles en 1782 et qui témoigne avec esprit de son admiration pour un chef-d'uvre flamand célèbre, le Portrait de Suzanne Lunden par Rubens, connu sous le titre "Le chapeau de paille". ' Elle écrit dans ses mémoires que le plus bel effet de ce tableau réside dans les deux types d'éclairage que créent al simple lumière du jour et la lumière du soleil. Enthousiasmée par cette uvre, elle effectua son propre portrait en cherchant à donner le même effet
Le vif éclat et le rayonnement général produits par la lumière extérieure directe et par son reflet ont été en effet soigneusement rendus comme dans le tableau d Rubens, mais Madame Vigée-Lebrun a aussi pris soin de rendre compte de sa dette envers la nature. Elle s'est représentée en plein air, devant un ciel tacheté de nuages. Elle semble incarner l'art de la peinture, ce qui n'est pas surprenant puisqu'elle est à la fois peintre et modèle. A l'occasion de cette excursion fictive à la campagne, mais aussi pour témoigner de son pouvoir d'observation, elle porte un vrai chapeau de paille contrairement au modèle de Rubens dont le chapeau était en fait en castor. A la plume d'autruche pleine de panache, elle a ajouté une couronne de fleurs des champs, fraîchement cueillies. Elle ne porte pas de perruque et ses cheveux n'ont pas été poudrés. Tandis que Suzanne Lunden croisait modestement les bras et regardait par-dessous son chapeau, Madame Vigée-Lebrun offre au spectateur une amitié sans affectation. Ce sont cependant ses seins qui semblent représentés avec le plus de naturel. Contrairement à ceux de la beauté de Rubens, qui étaient moulés dans un étroit corset, Madame Vigée-Lebrun montre clairement, par son grand décolleté qu'elle n'a nul besoin d'un tel artifice.