(1864-1951)
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Art nouveau |
Henri Rivière commence sa carrière par des travaux alimentaires d'illustrations pour différents journaux. En 1882, Signac le présente à Rodolphe Salis qui le nomme secrétaire de rédaction suppléant de la revue hebdomadaire du Chat noir : il illustre certains textes et se voit chargé de la direction de l'Album du Chat noir. De 1886 à 1897, il est le directeur artistique du théâtre d'ombres du Chat noir : ses créations lui assurent ses premiers succès. C'est cependant à l'estampe qu'il va consacrer l'essentiel de sa carrière : après avoir expérimenté l'eau-forte originale, il s'adonne à la gravure sur bois en couleurs, en s'inspirant de l'estampe japonaise. À partir de 1894, il abandonne la xylographie pour la lithographie, qui offre un potentiel de diffusion plus grand à ses œuvres. Sa production d'estampe se tarit au cours de la Première guerre mondiale : désormais, il ne pratiquera plus que l'aquarelle. Dans les années 1920, il voyage beaucoup. Il passe la Seconde Guerre mondiale à Buis-les-Baronnies où son épouse meurt en 1943. Lui-même devient aveugle en 1944. Il dicte ses mémoires, publiés en 2004 sous le titre Les Détours du chemin. Ses sujets de prédilections sont la Bretagne et Paris. Par son style et ses expérimentations techniques, il est l'une des figures majeures du japonisme.
Frontispice, planche 1 | 1902 | Paris, BNF |
Les chantiers de la Tour Eiffel, planche 2 | 1902 | Paris, BNF |
La tour en construction vue du Trocadero, planche 3 | 1902 | Paris, BNF |
En haut de la tour, planche 4 | 1902 | Paris, BNF |
Rue Beethoven, planche 5 | 1902 | Paris, BNF |
Des jardins maraîchers de Grenelle, planche 6 | 1902 | Paris, BNF |
Du quai de la conférence, planche 8 | 1902 | Paris, BNF |
Du quai de Passy, par la pluie, planche 16 | 1902 | Paris, BNF |
Henri Rivière, naît le 11 mars 1864. Autour de 1880, il apprend la peinture auprès du peintre d'histoire Émile Bin, qui tient une académie libre, qu'Henri Rivière et Paul Signac, amis d'enfance, fréquentent. Il commence sa carrière par des travaux alimentaires d'illustrations pour différents journaux. En 1882, Signac le présente à Rodolphe Salis, qui le nomme secrétaire de rédaction suppléant de la revue hebdomadaire du Chat noir : il illustre certains textes et se voit chargé de la direction de l'Album du Chat noir. Henri Rivière découvre la Bretagne dans sa jeunesse : sur les conseils de son ami Signac, il passe ses vacances à Saint-Briac.
À partir de 1885, il séjourne en Bretagne chaque année, généralement de mai à octobre. Il fréquente la côte septentrionale (Saint-Briac, Saint-Cast, Perros-Guirec, Ploumanach) et la Cornouaille finistérienne (Tréboul, Camaret, Morgat). En 1895, il se fait construire une maison, Landiris, à Loguivy-de-la-Mer (Ploubazlanec, à l'embouchure du Trieux), qu'il vendra en 1913. Durant ses séjours bretons, il se consacre à des études sur le motif, d'abord à la gouache puis à l'aquarelle : il constitue un répertoire de motifs, dont certains sont repris dans ses estampes.
En 1886, Rodolphe Salis lui confie la responsabilité du théâtre d'ombres qu'il créé au sein du cabaret du chat noir. Henri Rivière en assure la direction artistique jusqu'à la fermeture du cabaret en 1897. Cette expérience est un jalon essentiel dans sa carrière artistique et contribue fortement à sa renommée. Les spectacles consistent en la projection sur un écran de silhouettes découpées dans des feuilles de zinc. Le caractère novateur du théâtre d'ombres conçu par Henri Rivière repose sur les fonds colorés, restituant avec subtilité des effets météorologiques : couchers de soleil, nuits brumeuses, levers de lune. Ils sont produits à l'aide de combinaisons de plaques de verre colorées et d'un appareil de projection à lumière oxhydrique. Henri Rivière conçoit la mise en scène et les décors de tous les spectacles. Parmi les plus grands succès du théâtre d'ombres, figure La Tentation de Saint-Antoine, en 40 tableaux, sur un texte d'Édouard Norès d'après le poème de Gustave Flaubert. L'œuvre la plus célèbre demeure La Marche à l'étoile, mystère en 10 tableaux (1893), sur les poèmes et la musique de Georges Fragerolle
L'édition des partitions, illustrées de lithographies inspirées des tableaux du spectacle participe de la large diffusion des créations d'Henri Rivière. Le travail de metteur en scène d'Henri Rivière est célébré par ses contemporains et reçoit une excellente réception critique. Henri Rivière ne poursuit cependant pas dans cette voie, préférant, à partir de 1897, se consacrer exclusivement à l'estampe. Son travail de graveur et de lithographe est profondément redevable à cette première expérience de décorateur pour le théâtre d'ombres du Chat noir : les expérimentations de verres colorés et le travail en silhouettes d'ombre inspireront l'esthétique de ses estampes en couleurs.
Henri Rivière réalise ses premiers essais de gravure en 1882 : il s'adonne d'abord à l'eau-forte et grave des petits paysages parisiens et bretons. Il apprécie la « cuisine » de l'eau-forte et mêle aquatinte, vernis mou et pointe sèche aux traits d'eau-forte. Ses premiers cuivres sont tirés entre 5 et 15 exemplaires, soit par lui-même soit par l'imprimeur Auguste Delâtre. Son eau-forte la plus célèbre est L'enterrement aux parapluies (1885), réalisée en écho au Petit enterrement gravé par Félix Buhot en 1883. Ses premières expérimentations s'inscrivent dans la vogue de l'eau-forte originale, dans laquelle s'illustrent également Félix Bracquemond, Camille Pissarro, Edgar Degas et Félix Buhot. À partir de 1890, Henri Rivière participe régulièrement à leur côté aux expositions de la Société des peintres-graveurs. Autour de 1906, il renoue avec l'eau-forte, sous l'impulsion d'Auguste Delâtre.
En 1889, Henri Rivière réalise ses premières gravures sur bois, où il se montre très influencé par l'estampe japonaise. L'apport d'Henri Rivière à la xylographie est autant esthétique que technique : fasciné par les gravures japonaises, il cherche à en percer les secrets d'impression en couleurs. À défaut d'aide et d'ouvrages pouvant l'aider dans cette voie, il étudie les estampes d'importation et mène des expérimentations visant à obtenir des effets similaires. Ses recherches portent particulièrement sur la préparation des encres et sur les techniques de repérage pour l'impression. Dans ses mémoires, il décrit ainsi ses tâtonnements : « J'en ignorais les tours de main d'encrage, d'impression, de repérage, et je me mis à chercher. Je gravai d'abord sur du poirier en bois de fil quelques planches de trait et de couleur (...) sans savoir comment je pourrais les imprimer. Pendant trois ou quatre mois je fis de nombreux essais et arrivai enfin au résultat désiré. C'était un peu ridicule d'inventer ainsi un procédé déjà existant (...) Je fabriquais moi-même les couleurs, les broyais, les encollais ; (...) et avec un frotton de mon invention, j'imprimais mes planches à la main, à vingt exemplaire chacune » — Henri Rivière, Les détours du chemin
Les gravures sur bois qu'il produit nécessitent la réalisation de plusieurs matrices, gravée au canif et à la gouge : une planche de trait, imprimée en noir, et plusieurs planches pour les couleurs (généralement autour d'une dizaine). Il tire lui-même ses épreuves à la main, imprimant successivement sur le papier les différentes matrices, dont les motifs doivent parfaitement se superposer. Pour apporter plus de cachet à ses tirages, Henri Rivière choisit soigneusement ses supports d'impression : il utilise des papiers anciens japonais provenant de la liquidation d'une fabrique papetière de Tokyo, qu'il a pu se procurer auprès d'un importateur. Chaque estampe est tirée à peu d'exemplaires, entre 5 et 20, ce qui en fait des objets rares, réservés à une clientèle d'amateurs éclairés. Il présente son travail aux expositions de la Société des peintres-graveurs français : en 1892, notamment, ses Paysages Bretons sont particulièrement remarqués et loués pour la prouesse technique qu'ils représentent.
Sa pratique de la xylographie en couleurs atteint son paroxysme en 1893, lorsqu'il réalise Le Pardon de Sainte-Anne-la-Palud, composé de 5 feuilles, dont le tirage nécessite cinquante bois et plus de six mois de travail (quatre mois pour la réalisation des matrices, et deux mois supplémentaires pour les impressions). La complexité d'exécution et d'impression de ses xylographies en couleurs mène Henri Rivière dans l'impasse : la réalisation de ses bois gravés, qu'il tire à peu d'exemplaires est trop long et contraignant, si bien que l'artiste abandonne la gravure sur bois pour se tourner exclusivement vers la lithographie en couleurs. Il laisse inachevé plusieurs projets, connus par des matrices inabouties et des gouaches préparatoires. « Graver au canif sur bois de fil les contours d'une planche de trait n'a rien d'attrayant, c'est un métier purement manuel où n'intervient guère l'esprit. Les bois de couleur sont moins difficiles étant traités par larges à-plats, et encore, quels insipides milliers de coups de gouge doit-on donner pour laisser seulement en relief les parties à imprimer ! » — Henri Rivière, Les détours du chemin
À partir de 1894 et de son abandon de la gravure sur bois, il s'adonne exclusivement à la lithographie, qu'il avait déjà expérimentée à partir de 1889. Si le nombre de matrices nécessaires reste le même (une par couleur), leur exécution est beaucoup plus facile et rapide, car l'artiste n'a plus à graver les planches et se contente de dessiner à l'encre grasse sur chaque pierre, dont le tirage est confié à un imprimeur professionnel. Il se décharge donc des tâches qui rendaient l'exécution des xylographies si contraignante et lente. Le changement de médium modifie complètement sa vision et son approche de l'estampe. Si son esthétique reste la même, ses estampes sont désormais tirées à plusieurs centaines voire milliers d'exemplaires : il rompt totalement avec l'esprit d'estampe objet rare qu'il cultivait à travers ses xylographies, imprimées seulement à quelques dizaines d'épreuves et réservées aux amateurs éclairés. Les relativement faibles coûts de production et l'ampleur des tirages mettent les lithographies de Rivière à la portée d'une clientèle plus large. En cela, Henri Rivière assume le caractère décoratif de ses lithographies murales, destinées à orner les habitations et les écoles. Sa série de lithographies la plus célèbre est intitulée Les Trente-six vues de la Tour Eiffel, inspirée des Trente-six vues du Mont Fuji d'Hokusaï. En gestation dès 1888, elle aurait dû être exécutée sur bois. Elle est finalement exécutée en lithographie. Chaque estampe nécessite l'impression successive de cinq matrices lithographiques. La série est achevée en 1902 et tirée à 500 exemplaires.
En 1897-1898, il propose une série de 12 lithographies intitulée Les aspects de la nature, tirée à 1 000 exemplaires, publiée chez Larousse et destinée à un public enfantin. Suivent en 1900 les huit lithographies des Paysages parisiens, en 12 couleurs. Pour la Féérie des heures, constituées de 18 estampes, publiée en 1901-1902, Rivière s'inspire encore des estampes japonaises et adopte un format vertical proche de celui des kakémono. Cette série est éditée à 2 000 exemplaires
À partir de 1898, Henri Rivière se lance dans la production d'une série intitulée Beau Pays de Bretagne, enrichie chaque année d'une nouvelle estampe jusqu'en 1917. L'immense popularité des lithographies de Rivière doit à leur large tirage, mais également à leur déclinaison sur divers supports : calendrier, objets publicitaires... La quasi-totalité des lithographies d'Henri Rivière ont été tirées par l'imprimeur Eugène Verneau, installé rue Folie-Méricourt. La maladie de ce dernier, au cours des années 1910 entraîne l'arrêt progressif de l'activité de lithographe de Rivière
Au lendemain de la Première guerre mondiale, il se détourne totalement de l'estampe et se réfugie dans l'aquarelle. La technique, qu'il pratiquait depuis les années 1880 était surtout un médium préparatoire à ses estampes : désormais, il ne pratique l'aquarelle plus que pour elle-même. Environ un millier d'aquarelles de sa main sont répertoriées.
Bibliographie :
- Valérie Sueur-Hermel (dir.), Henri Rivière : entre impressionnisme et japonisme, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2009.
- BNF France-Japon, les 36 vues de la Tour Eiffel