Monogram est un des plus célèbres Combines sur lequel Rauschenberg reviendra à plusieurs reprises avant d’arriver à la version définitive. Association incongrue, sur une sorte de tableau abstrait posé horizontalement, d’une chèvre angora au museau peint, ceinte d’un pneu d’automobile, et de différents collages allant d’une balle de tennis à différents papiers imprimés. Cette œuvre n’a rien des assemblages insolites des surréalistes, illustrant la célèbre phrase de Lautréamont : « Beau comme la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection », et faisant appel à des associations inconscientes.
La combinatoire d’objets, d’images et de tracés de peinture ne vise pas, malgré le curieux entrelacs visuel de la chèvre et du pneu, l’unité perceptive, mais le morcellement. La chèvre restant, malgré le pneu qu’elle porte au cou comme un collier loufoque, irréductiblement chèvre et le pneu un pneu. La signification de l’ensemble en est atteinte.
Si le pneu renvoie à l’enfance de l’artiste habitant près d’une usine à pneus, l’association avec la chèvre empaillée pose question. Le titre Monogram rend ce montage encore plus énigmatique. Monogram, ou entrelacement de plusieurs lettres en un seul caractère, composé ici de l’enchevêtrement du bouc et du pneu. La lettre O du pneu passerait ainsi autour de l’animal pour faire un nœud rebelle au sens et à toute idée de beauté. Ready made (pneu) et animal empaillé coexistent en cette œuvre qui laisse, selon les souhaits de l’artiste, autant de place pour le regardeur que pour l’artiste.