Seins imposants et tombant sur le torse, cuisses larges, fesses proéminentes, ventre rebondi, absence de figuration du visage, bras et jambes à peine esquissés : l’effigie est presque réduite à un tronc, à l’exception de la coiffe stylisée, sous forme d’une résille finement incisée au sommet d’un embryon de crâne. Elle répond aux canons du style gravettien, cette culture du paléolithique supérieur qui se déploie alors en Europe, des Pyrénées à la Sibérie, entre il y a 28 000 et 22 000 ans.
Cette représentation de la femme, résumée à d’amples attributs sexuels, est caractéristique du paléolithique. Elle est au centre de nombreuses hypothèses et spéculations des préhistoriens. Certains y ont vu la marque de sociétés matriarcales, d’autres encore une représentation de la fécondité… Seule entorse connue à ces canons stylistiques : la célèbre Dame de Brassempouy, fragment de statuette en ivoire découverte en 1894 à Brassempouy (Landes), dont on distingue le visage et la coiffe, marquée comme celle de Renancourt d’un mince quadrillage. La « Vénus de Renancourt », elle, n’a pas de visage et n’est pas gravée dans l’ivoire, mais dans un bloc de craie.
une fouille située à deux pas d’une zone d’activité commerciale (ZAC) de Renancourt, un quartier du sud-ouest d’Amiens (Somme), et présentée pour la première fois, mercredi 4 décembre 2019, par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). La raison de la présence des Gravettiens sur le site tient peut-être à l’un des interstades – un bref réchauffement de quelques siècles – qui ont ponctué la dernière période glaciaire. Ces conditions plus clémentes pourraient avoir permis des déplacements de populations vers les steppes que l’on trouvait alors dans la région d’Amiens, riches de grands mammifères comme le mammouth, le cheval, le renne ou le rhinocéros laineux.
Vieille de 23 000 ans environ, la « Vénus de Renancourt » n’est haute que de 4 centimètres, mais elle compte au nombre des rares statuettes féminines de la période gravettienne retrouvées en France. Elle complète une série de quinze autres effigies, mises au jour depuis 2014 sur le même site mais sous forme fragmentaire.
La précédente découverte majeure sur le territoire national était la « Vénus de Tursac », en 1959, en Dordogne. « Le seul site de Renancourt a permis de doubler le corpus », dit l’archéologue Clément Paris (Inrap) qui dirige les fouilles.