Accueil Partie beaux-arts Histoire de l'art Les peintres Les musées Les expositions Thèmes picturaux

Nature morte aux danseuses

1914

Nature morte aux danseuses
Emil Nolde,1914
Huile sur toile, 73 x 89 cm
M. N. A. M., Paris

Bien que les contacts de Emil Nolde avec les peintres de Die Brücke aient été éphémères (il se retire du groupe fin 1907), son œuvre s’avère comme la forme la plus accomplie de l’expressionnisme allemand, le véhicule exemplaire de ses idéaux.

Le regard que porte Nolde sur les civilisations extra-européennes le distingue cependant radicalement des peintres de Dresde. Les artistes de Die Brücke cultivent un exotisme proche de celui de Gauguin. Leurs œuvres illustrent leurs rêves d’un état de nature indemne de tout contact avec la civilisation occidentale. Nolde fait, lui, figure de réaliste. En 1913, l’Office allemand des Colonies l’invite à participer à une expédition dans le Pacifique sud, en Nouvelle-Guinée. Il note dans ses carnets les ravages commis par l’expansion européenne : « Nous vivons dans l’empire du mal. L’homme blanc a réduit en servitude les autres peuples de la planète » ( Welt und Heimat [1913-1918], Cologne, DuMont, 1991).

Loin d’être l’apologie d’une philosophie dionysiaque expressionniste et nietzschéenne, la Nature morte aux danseuses est une réflexion sur le comparatisme culturel. Le tableau montre en arrière-plan l’image d’une « sauvagerie primitive », inspirée par l’un de ses propres tableaux, La danse autour du veau d’or (1910, Munich, Staatsgalerie moderner Kunst), confrontée à des objets d’autres cultures, d’art populaire ou non européen, qu’il collectionnait (Seebüll, Nolde Stiftung).

Dans les années 1910, Nolde multiplie les compositions, mélangeant figures chinoises ou japonaises, têtes égyptiennes ou sculptures nègres, en une sorte d’interrogation sur l’évolution des civilisations et les confrontations religieuses, issues de la colonisation (Le Missionnaire , 1912, coll. part ; Grand tambourin. Le groupe de Moscou , 1915, Seebüll, Nolde Stiftung).

Loin de la nostalgie du paradis perdu, Emil Nolde dresse le constat du nivellement des cultures du monde.

Didier Ottinger pour le MNAM