(1932-2006)
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Fluxus |
Nam June Paik est un artiste coréen considéré comme le fondateur de l’art video.
Human cello | 1965 | New-York |
Button happening | 1965 | New-York, Paris, Lyon... |
TV cello | 1965 | New York, Sidney... |
TV Bra for Living Sculpture | 1969 | New York,... |
Concerto for TV Cello and Video tape | 1971 | New York,... |
Global Groove | 1973 | New York,... |
TV Buddha | 1974 | New York,... |
Nam June Paik est né en Corée, à Séoul, en 1932. Il est le plus jeune d'une famille de cinq enfants. Son père est propriétaire d'une usine de production de textile. Durant sa jeunesse, il apprend à jouer au piano. En 1950, Paik et sa famille fuient la Corée en guerre. Ils vont d'abord à Hong Kong avant de s'installer au Japon. Paik entre à l'Université de Tokyo où il fait des études d’esthétique et de musique. Il est diplômé en 1956 après avoir écrit une thèse sur le compositeur Arnold Schoenberg.
Nam June Paik en Allemagne
La même année, Paik décide de poursuivre ses études en Allemagne. Il étudie pendant une année avec le compositeur Thrasybulus Georgiades à l'université de Munich. Puis, il continue pendant deux ans avec le compositeur Wolfgang Fortner à l'International Music College à Feiburg.
Durant l'été de 1958, Nam June Paik assiste au International Summer Course for New Music à (les cours d'été de nouvelle musique) Darmstadt. C'est là qu'il rencontre Karlheinz Stockhausen. Il travaille avec lui ainsi qu'avec Luigi Nono dans le studio de musique électronique de Radio Cologne. Durant cette période, Nam June Paik côtoie John Cage et de nombreux artistes de l'époque. Il rejoint le groupe Fluxus (issu du mouvement dada qui mélange aussi bien la musique, la performance, l’art plastique et l’écriture).
Durant la fin des années 50, Nam June Paik rejoint le groupe artistique Fluxus, inspiré par le compositeur John Cage et son usage de bruits et sons ordinaires pour créer sa musique. Il participe au premier festival Fluxus : le Fluxus Internationale Festspiele Neuester Musik (festival de musique très nouvelle) qui se déroula dans la salle de concert du Städtisches Museum de Wiesbaden. Il y "interprète" une "partition" du compositeur LaMonte Young. Elle consistait en l'indication suivante : "Tracez une ligne droite et suivez-là". Paik plonge la tête, les mains et sa cravate dans un bol plein d'encre et de jus de tomate puis les frotte sur une longue bande de papier posée sur le sol.
Entre 1962 et 1967, il réalise plusieurs films pour Fluxus : les Fluxfilms. Le premier, Zen for film, est un archétype du film Fluxus. Il consiste en une bande de pellicule de 16mm de 8 minutes vierge et non développée. Le film s'inscrit de traces dues frottements, à la poussière et autres manipulations liées à la projection. Le film expose une durée dont la seule manifestation est l'inscription des altérations du support. En réduisant le cinéma à son élément le plus essentiel : la pellicule vierge, il réalise une expérience minimaliste qui devient le modèle de tous les Fluxfilms ultérieurs.
Au cours de l’été 1962, Nam June Paik, est invité par le studio de musique expérimentale de la Westdeutscher Rundfunk de Cologne : il entreprend de faire des expériences avec des téléviseurs et expose peu après, lors de l’exposition Fluxus "Music/Electronic Television" du 11 au 20 mars 1963, à la galerie Parnass de Rölf Jährling à Wuppertal, un ensemble de treize postes de télévision dont les images sont obtenues par intervention directe de l’artiste sur les tubes cathodiques. Il utilise des aimants, des générateurs de fréquence, pour dérégler et tordre les images qui ne diffusent rien d’autre que des rayures et des striures. Certains téléviseurs sont posés droits et d'autres de biais. Le but est de perturber la relation habituelle que le spectateur a à son récepteur.
Cette « Exposition de musique et de télévision électronique », qui fait écho à la technique du langage indéterminé et variable employé par John Cage dans ses « pianos déréglés » (dont le premier happening remonte à 1952), est considérée aujourd’hui comme l'acte de naissance officiel de l'art vidéo. Néanmoins, après Wuppertal, les treize pièces disparaissent, perdues. Une ou deux sont disséminées dans des collections, aucune n’est originale. De plus, à cette époque, le mot vidéo, n’étant pas encore connu, c’est donc à posteriori que son acte fut reconnu comme « art video » (vers 1972-1973, quand on commence à prendre conscience des spécificité de ce medium). Paik déclare "l'art vidéo de demain, c'est l'installation, art du temps et de l'espace absolus, et il faudra posséder le code de lecture de cet art nouveau"
Nam June Paik n’est pas le premier artiste à détourner la télévision de son usage habituel. A peu près à la même période, l’Allemand Wolff Vostell projette la vidéo expérimentale Sun in your head et le Français Jean-Christophe Averty diffuse une série d’émissions télévisuelles absurde Les Raisins verts. L’innovation qui le démarque des autres vient de ce que les œuvres de Nam June Paik sont déjà des installations, maîtrisées, produisant des images électroniques abstraites et indépendantes de la télévision.
À l'époque de Nam June Pak, la télévision est devenue un objet presque culte dans la société occidentale. Dans plusieurs de ses travaux, il s'en sert pour fabriquer des installations. Il utilise le moniteur en tant qu'objet ready-made qu'il rectifie.
En 1964, Paik s'installe à New York. Il rencontre la violoncelliste Charlotte Moorman avec laquelle il va avoir de nombreuses collaborations. Il essaye de combiner vidéo, musique et performance. Dans TV Cello, ils empilent des télévisions les unes sur les autres formant un violoncelle. Moorman conduit son archet sur les télévisions qui diffusent des images la montrant en train d'effectuer cette même action, certaines ayant été préenregistrées et d'autres simultanées.
En 1965, Paik est l’un des premiers à s’acheter une Le portapack, la première unité de vidéo légère 1/2 pouce, avant même que Sony mette cet appareil sur le marché américain à un prix abordable en 1967. Il l'acquière grâce à une bourse de la Fondation Rockefeller. La légende raconte que le 4 octobre 1965, à peine entré en possession de la portapak Nam June Paik aurait sauté dans un taxi pour se rendre au café "Au Go Go", lieu branché de Greenwich village où se retrouvaient tous les jeunes artistes new yorkais, et aurait filmé, vitre baissée, tout le trajet en taxi, capturant du même coup le cortège pontifical qui descendait la 5ème avenue. Il aurait diffusé la bande accompagnée d'un tract intitulé "Electronic Video Recorder". Il n’existe malheureusement aucune trace de cette bande… La première vidéo avérée et réalisée par Nam June Paik est Button happening sur laquelle on voit l’artiste coréen boutonner et déboutonner son manteau. Caractéristique de l’esprit Fluxus, cette vidéo est une sorte d’hommage à George Maciunas, pour qui n’importe quel geste peut être détourné de la boucle du quotidien si il est répété plus d’une vingtaine de fois.
En 1967, Paik et Moorman sont arrêtés par la police pour s'être produit dans Opera Sextronique. En 1968, ils produisent TV Bra. Moorman y porte un soutien-gorge avec deux miroirs reflétant les caméras sur son visage. Dans ces travaux il s'intéresse à l'interprétation et l'écoute traditionnelle de la musique. Il cherche également à faire accepter le sexe comme thématique. Il déclare : "Je voulais agiter les eaux insipides de ces hommes et ces femmes qui interprètent de la musique en habits noirs"
Durant un voyage au Japon, il rencontre Shuya Abe,ingénieur et spécialiste de la télévision. De 1969 à 1971, ils travaillent ensemble pour fabriquer un synthétiseur vidéo. Il leur permet d'éditer sept vidéos de sources différentes de façon simultanée. Sept caméras sont branchées pour recevoir sept couleurs, chacune percevant une seule couleur. Des réglages sont ajoutés sur l'équipement pour modifier les couleurs et les mélanger. Son désir était de rendre la vidéo aussi malléable que la peinture. Aucun équipement disponible n'était capable de réaliser ce qu'il appelle fond d'écran vidéo (Video Wallpaper). Paik voit la télé comme la toile d'une nouvelle génération d'artistes électroniques. Le synthétiseur Abe-Paik permet de contaminer le signal vidéo et de le manipuler. C'est la première machine destinée à déformer une vidéo. Dans son manifeste Versatile Video Synthesizer, Paik explique comment utiliser le synthétiseur en associant les différents réglages à de grands artistes de l'histoire : "Cela va nous permettre de façonner l'écran de télé aussi librement que Picasso, aussi précisément que Léonard"
L’utilisation de ce synthétiseur est très perceptible dans Global Groove, de 1973. Paik y manifeste un intérêt très vif pour l’existence – rendue possible grâce à la télévision et aux images satellites – d’une communication globale ainsi que pour l’existence simultanée de toutes les cultures du monde en tous points du monde.
En 1974, Paik réalise une de ses œuvres les plus célèbres : TV Buddha. Une antique statue de Buddha est assise face à une caméra et regarde indéfiniment un écran diffusant sa propre image. Plus tard, durant Projekt74, Paik prend la place de Buddha. Il suggère implicitement l'antithèse entre le transcendantalisme et la technologie tous deux présents dans sa personnalité.
En 1984, Good Morning, M. Orwell est diffusé le jour de l'an sur la chaîne WNET New York devant 25 millions de téléspectateurs. Il s'agit de la première installation satellite réalisée au monde. Il y participe avec les artistes John Cage, Merce Cunningham, Peter Gabriel and Joseph Beuys. Il multiplie les écrans sur des surfaces parfois monumentales.
Dans Electronic Superhighway en 1995. Il se sert de plus de 300 téléviseurs empilés, devant, des néons tracent la carte des États-Unis. L'échelle de l'installation suggère la confrontation de Paik aux États-Unis à son arrivée. Les images passent à grande vitesse sur l'écran comme perçues depuis une voiture. Paik alimente les images par des clips audio de films classiques américains comme Le magicien d'Oz ou Oklahoma. Ainsi, il sous-entend que l'image que l'on se fait des États-Unis est très influencée par le cinéma et la télévision.
Dès 1964, il construit des robots en utilisant des câbles et du métal. Plus tard, il introduit des radios et des télévisions. En 1986, il réalise Family Robot, une famille de robot créée grâce à des téléviseurs empilés. Pour représenter les différentes générations, il joue avec les modèles de moniteurs. Il utilise des télévisions vintage pour les grands-parents et du matériel hightech plus récent pour les enfants.
En 1989, il fait un hommage à la Fée électricité (1937) du peintre Raoul Dufy, au musée d'Art moderne de Paris à l'occasion du bicentenaire de la révolution. Il assemble 200 moniteurs (référence au nombre d'années entre 1789 et 1989) répartis dans la salle ainsi que 5 robots. Chacun représente une figure de la révolution. Le robot le plus célèbre est Olympe de Gouges.
En 2006, Paik meurt d'une crise cardiaque à Miami en Floride.