Bien qu'il soit encore contesté en Norvège, Munch acquiert, au début du XXe siècle, une réputation internationale. Il reçoit un accueil favorable en diverses expositions : à Berlin lors de la Secession en 1902, à Prague au sein de l'association artistique Manes en 1905 et à Paris, où il est présent au Salon des Indépendants de 1902 à 1904. Munch présente justement Nuit d'été à Aasgaardstrand aux Indépendants de 1904, parmi plusieurs vues de ce petit village situé au bord du fjord d'Oslo qu'il fréquente assidûment depuis 1888.
Le motif de ce tableau se retrouve dans plusieurs de ses toiles antérieures (Jeunes filles sur un pont, 1899-1901, Moscou, Musée Pouchkine, et Femmes sur le pont, 1902, Bergen, Billedgalleri). Il s'agit donc d'un sujet ancien et familier pour l'artiste, mais à travers lequel il donne ici toute la mesure de son évolution stylistique, exprimant ses nouvelles préoccupations formelles, de construction et de couleur.
Les éléments du paysage, arbres, mur, maison, fortement stylisés et parfois cernés d'épais traits de couleur, la longue diagonale qui creuse la toile, créent un espace fort, tendu, et donnent sa profondeur à la composition. Aucune figure, aucun élément anecdotique ne vient altérer la rigueur de construction de ce paysage, imprégné de cette lumière bleutée typique des nuits de l'été nordique. Une atmosphère intense et inquiétante habite la toile, rendue à l'aide d'une touche diversifiée, énergique et rapide, animée de violents contrastes colorés dûs à l'opposition entre tons chauds et froids.
L'oeuvre de Munch retient l'attention des futurs Fauves, Matisse, Derain, Marquet, Dufy et Friesz, qui admirent la "précision sauvage et la coloration spirituelle" de l'artiste, précurseur des recherches chromatiques menées par le fauvisme.