La thématique de la verticalité est omniprésente dans l’œuvre de Kupka et a sans doute contribué à son passage à l’abstraction.
Elle apparaît dans son travail vers 1909, alors qu’il cherche à représenter le mouvement et à introduire la quatrième dimension, le temps, dans la peinture. S’inspirant de la technique de la chronophotographie d’Etienne-Jules Marey et des expériences futuristes, le peintre découpe l’espace de sa toile en une série de bandes colorées qui évoquent la succession des instants, comme dans Femme cueillant des fleurs I (1909-1910,MNAM).
Si cette thématique domine ensuite les toiles où il exprime sa spiritualité par des motifs tels que l’homme débout ou l’église gothique, à partir de Plans verticaux, elle est affirmée pour elle-même, les bandes verticales devenant autonomes, détachées de toute référence imitative.
Dans cette toile, des plans violets, mauves, noir et blanc semblent se succéder dans un mouvement descendant, pour remonter ensuite, comme si ces rectangles prenaient leur élan pour se déployer dans un espace infini. Comme il le note dans son essai La création dans les arts plastiques, "coupées à angle droit ou par des diagonales, les verticales donnent une impression d’ascension ou de descente, renforcées encore là où les surfaces délimitées sont de couleur ou de valeur différente. Solennelle, la verticale est l’échine de la vie dans l’espace, l’axe de toute construction".
Par le biais de la verticalité, Kupka s’intéresse désormais à la fonction des formes dans la construction d’un espace proprement pictural, ce qui oriente son travail vers une abstraction géométrique.
Plans verticaux I est la première œuvre de Kupka acquise par l’État. Elle fut retenue dans l’exposition « F. Kupka-A. Mucha », organisée à Paris, en 1936, au Jeu de Paume des Tuileries. Ce choix avait peut-être été influencé par la présentation de son œuvre jumelle, Plans verticaux III (Prague, Národní Galerie), dans l’exposition « Cubism and Abstract Art » montée, la même année, au Museum of Modern Art de New York par Alfred H. Barr. Celui-ci saluait alors ces « plans verticaux » comme les « ancêtres des compositions de Malevitch, Arp et Mondrian […], les premières abstractions géométriques pures de l’art moderne ». Dans le catalogue de l’exposition parisienne, Kupka rédigea une typologie de son œuvre divisée en sept catégories, où les « Verticales » occupent la quatrième place chronologique après les « Circulaires ».
Préparé par des études précises au crayon sur papier, dont le Musée conserve trois exemples, Plans verticaux I est l’aboutissement du passage de la figuration à l’abstraction, mené à travers des œuvres comme Madame Kupka dans les verticales (1910-1911, New York, MoMA), dans laquelle la figure disparaît dans la trame serrée all over des plans droits. Plus radicale, sa composition est uniquement fondée sur des plans rectilignes ou biaisés, situés dans une perspective infinie. Son caractère formaliste n’exclut pas une dimension psychologique, que Kupka justifie dans ses écrits : « Il y a dans la verticale toute la majesté de la statique. Elle contient à la fois le haut et le bas, les réunit, mais divise l’espace horizontalement. Reproduite en une série de parallèles, la verticale devient une attente angoissante et muette qui se répand à l’horizontale. »
Source : MNAM, Brigitte Leal