Dans cette peinture, presque tout semble contribuer à créer une ambiance de mystère, surtout le personnage assis, qui projette une ombre immense dans le fond. Noami Maurer, qui voit dans ce personnage une image du pressentiment, suppose que les regards des deux garçons tournés vers la fillette, ajouté à la forme phallique des bananes et à celle utérine du plat creux, témoignent d'un éveil à la vie sexuelle. Même si l'on ne peut écarter tout à fait ce genre d'interprétation, on peut penser aussi bien que l'expression assez inquiète des garçons est du à la présence de l'artiste français qui leur a demander de poser, ou aux éléments étranges de la nature morte placée devant eux. Gauguin semble avoir choisi tous ces éléments pour leur forme et leur couleur décorative plutôt que pour représenter un repas tahitien typique. D'abord la table de Gauguin, utilisée comme accessoire dans une seule autre peinture de son premier séjour à Tahiti, n'est pas à sa place dans une case indigène. Aucun des enfants ne pose les mains sur la nappe, qui ne doit pas leur parâtre moins bizarre que la table elle-même. Apparemment, l'artiste l'avait confectionnée en faisant se chevaucher de grands morceaux de papier épais ou de toile. Les fei (bananes rouges) posées sur la table constituent une friandise recherchée qui ne pousse que sur les montagnes de Tahiti, mais elles ne sont comestibles qu'une fois cuites et non crues comme ici. Le plat creux en bois empli d'eau de mer est utilisé normalement pour un ragoût de poisson. Tous ces objets ainsi que la goyave entamée placée de l'autre coté de la table, le couteau et les citrons sauvages encore attachés à leur branche, semblent purement décoratifs. Ils sont vivement éclairés et ils projettent de longues ombres, tandis que les enfants aux vêtements ternes sont épargnés par ces jeux de lumière, comme si Gauguin les avait ajoutés à sa nature morte à un stade ultérieur de l'élaboration du tableau.
La frise de fruits stylisés visible derrière les enfants est probablement née de l'imagination de Gauguin. Elle reflète son intérêt persistant pour les arts décoratifs et préfigure les frises et peintures murales inventées pour deux de ses peintures tahitiennes les plus ambitieuses de la dernière période.