Le Grand Guerrier participe d'un projet plus vaste d'Antoine Bourdelle, la création pour sa ville natale de Montauban d'un « Monument aux combattants et défenseurs du Tarn-et-Garonne de la guerre de 1870 ». C'est en 1895, après un concours entre divers artistes montalbanais qu'il reçoit la commande de ce monument qui constitue sa première commande publique. Le monument, toujours en place, sera finalement achevé et installé à Montauban le 14 septembre 1902.
Cependant l’absence d’uniforme, d’insigne ou d’arme moderne confère à la figure du guerrier une universalité intemporelle. Sa nudité est celle du héros grec. Ce soldat idéalisé permet d’évoquer n'importe quelle guerre, perdue ou gagnée. Il devient ainsi l’allégorie de tous les héros ou victimes anonymes de la guerre. Tandis que le bras gauche du guerrier est en extension, celui de droite est replié au-dessus de la tête, la main serrée sur la garde d’un glaive dont une partie seulement de la lame est représentée, brisée. Dans un instant, le bras va se détendre et frapper. Protégé dans le creux du bras, le visage exprime à la fois l’effort mais aussi la terreur du combat. La tension et l’effroi sont également perceptibles dans le corps dont tous les muscles, exagérément saillants, sont bandés. Le modelé vigoureux des chairs génère des jeux d’ombre et de lumière changeants qui font palpiter ce corps et accentuent le caractère monumental produit par les volumes volontairement disproportionnés :bras gauche très long, grosse main gauche, torse épais, cuisses massives, petite tête.
On peut apercevoir, sur le socle en bronze, à l’arrière, un cartouche avec les lettres F et C entourant une coquille Saint-Jacques. Il s’agit de la marque de la Fonderie de Coubertin, chaudronnerie d'art fondée en 1963 qui travaille pour des artistes et des institutions patrimoniales comme le château de Versailles. Cette fonte est donc postérieure à la mort de Bourdelle et a sans doute été réalisée d’après un modèle original en terre daté de 1894-1900. Conformément aux dispositions de l’artiste, dix tirages en bronze sont autorisés d’un même plâtre. Le plâtre du Grand Guerrier est conservé dans les réserves du musée Bourdelle à Paris (cf. photo ci-dessous). Il s'agit vraisemblablement d'une des multiples études pour le monument que fit Bourdelle et qui furent fondues ensuite pour être présentées comme des œuvres autonomes. Bourdelle, comme Rodin, fondait plusieurs exemplaires d'une même œuvre et exposait, comme des œuvres à part entière, des pièces destinées à un monument ou reproduites ensuite.