S'entretenant avec David Sylvester en 1984, Francis Bacon désigne ce tableau comme son oeuvre la plus accomplie. Pour appuyer son propos, il qualifie le tableau "d'immaculé".
Le terme a un antécédent historiographique. Il s'applique à la peinture des précisionistes américains des années 1920 qui pratiquaient une peinture faite d'aplats de couleur méticuleusement circonscrits par un dessin aussi précis que celui d'un ingénieur. Le sens français du terme, conformément à son étymologie, en fait un objet sans tache notion qui contredit la nature du tableau de Bacon. Si sa structure géométrique, son traitement de la couleur apparentent ce tableau à ceux de Charles Demuth ou de Ralston Crawford, son sujet, accidentel, aléatoire dans sa forme comme par son exécution, conteste radicalement toute esthétique immaculée.
Après les dunes affaissées et les jets d'eau éruptifs, Bacon poursuit son exploration d'un informe qui n'a cessé d'obséder son art. Lecteur consciencieux de La naissance de la tragédie de Nietzsche, il en retient la complémentarité inscrite pour le philosophe au cœur de la tragédie antique, entre les principes apolliniens visant à la clarté de la forme, et son complémentaire dionysien, extatique, démesuré : l'informe. Longtemps, Bacon a mis en oeuvre une co-intelligence de ces principes, juxtaposant un ordre géométrique, un chromatisme sans taches et des figures bouleversées, extatiques, douleurs. Eau s'écoulant d'un robinet clarifie, simplifie et par là intensifie ce dialogue.