Exposition réalisée en partenariat avec le festival Les Boréales et le Café des images avec le soutien du fonds Agnès b. , des éditions Re:Voir Vidéo et Paris expérimental, du 12 octobre au 14 décembre 2018. Commissariat : François Alleaume.
Jonas Mekas est un écrivain et réalisateur lituanien né en 1922. Figure du cinéma underground, il a révolutionnné le cinéma avec ses "journaux intimes filmés". Dans les années 50, au cœur de l’effervesence de la contre-culture new-yorkaise, il a filmé l’intimité de sa famille et de ses amis, Andy Warhol, John Lennon, Yoko Ono, Allen Ginsberg... Il est aussi critique et enseignant de cinéma.
Cette exposition permet de saisir son parcours. Un parcours physique, géographique d’abord, de son village Birzai en Lituanie avec son film Reminiscences of a journey to Lithuania en cabine n°2 jusqu’à son arrivée à New-York en 1949 avec les trois films présentés sur la mezzanine. Les créations de Jonas Mekas sont indissociables avec l’histoire de l’Europe et celle des États-Unis, le pays d’accueil des exilés durant le XXe siècle. De cette histoire tourmentée du XXe mais aussi du début du XXIe siècle, Jonas Mekas a cette capacité très personnelle de porter toujours un regard conscient sur le monde, sur ses dysfonctionnements, sans développer une lecture dramatique du monde. Mekas garde son désir d’émerveillement, tout attentif aux variations de lumière, aux mouvements des corps et à la magie de l’instant ; celle qui est portée par les hommes et femmes, les animaux, les végétaux, la nature. C’est une attention au monde par tous les sens qui implique une réinvention de l’usage de la caméra. Celle-ci n’est pas simplement dirigée par l’œil du cinéaste, elle devient un prolongement du corps, un prolongement du bras, de la main. La caméra n’est plus automatiquement à hauteur de regard, un regard qui surplombe le monde. Jonas Mekas considère sa caméra « comme un instrument de musique » où il est question de rythme, de couleurs et d’intensités. La caméra est utilisée d’une telle façon qu’elle contribue à développer une nouvelle subjectivité, une nouvelle relation au monde ouverte aux variations, aux nuances, à une perception en éveil. Ce sont ces moments de vie de la série This side of paradise. Des instants de bonheur fragile où même le chien semble sourire.
Le parcours de Jonas Mekas n’est pas simplement géographique. Il est également porté par son goût ardent pour la littérature et la poésie dès son plus jeune âge. Jonas Mekas est un grand lecteur. Il est certain que la poésie a eu un impact sur la façon dont il s’est approprié la caméra et le cinéma. C’est également ce qui transparait lorsque Jonas Mekas écrit des critiques de films pour le Village voice de New-York. Parfois ses critiques sont acerbes lorsque le film ne se limite à être une simple illustration d’une histoire. Dans ses Films Mont Ventoux et My Paris Movie, la géographie et la culture semblent complétement liées grâce à sa façon de rendre perceptible l’histoire, les perceptions profondes dans des mouvements la réalité filmée. La relation à la culture que développe Jonas Mekas est une culture incarnée qui inscrit l’homme dans sa relation au monde. Dans son hommage À Pétrarque, Jonas Mekas montre cette capacité de mettre en jeu la culture, de la mettre en relation avec la réalité d’aujourd’hui et l’histoire individuelle."
François Alleaume
My paris movie, 2011, 159 minutes « Danièle Hibon, programmatrice du Jeu de Paume à Paris, m’a demandé de faire un film pour célébrer les 20 ans du cinéma au Jeu de Paume. Comme c’était Danièle Hibon qui avait organisé en 1992 la première rétrospective à Paris, au Jeu de Paume déjà, j’ai dit sans réfléchir, « Bien sûr, je vais le faire ! » Je l’ai fait. Depuis quelques temps, je voulais faire quelque chose avec toutes mes heures d’images parisiennes. La proposition de Danièle est arrivée à point. J’ai passé quelques trois mois à visionner mes rushes parisiens et j’ai réussi à les réduire à la durée de deux heures et trente neufs minutes. Ça a été très dur d’arriver à cela. J’ai tellement d’amis et de souvenirs à Paris et tout est enregistré en vidéo. C’est donc ma déclaration d’amour à Paris. À ses rues, à la Seine, à ses cafés, bistrots et bars, au jambon de Paris, et, surtout, à vous tous, mes amis parisiens ! Une dernière chose : ce film est aussi mon hommage au Paris de Gertrude Stein et d’Hemingway. Et un hommage à tous les poètes et philosophes de Paris qui m’ont fait tomber amoureux de cette ville. Je t’aime, Paris !» Jonas Mekas
Moniteur 1. A letter to Penny Arcade, 2001, 14 minutes « J’ai fait cette vidéo le 23 juin 2001, c’est une lettre à ma chère amie Penny Arcade qui m’avait demandé quelques jours plutôt pourquoi j’aimais New-York. J’aime vraiment, vraiment New-York ! Cette lettre à Penny Arcade est aussi ma déclaration d’amour à New-York.»
Moniteur 2. World trade center haïku, 2010, 14 minutes « Quand je vivais à SoHo, à chaque fois que je sortais me promener, j’apercevais les tours du World Trade Center. Elles étaient toujours là. Ce film est constitué de quelques trente vues du WTC prises pendant mes promenades ou mes sorties en famille. Ce sont toutes des vues très joyeuses, des célébrations, une part de nousmêmes qui avons vécu pendant cette période à SoHo. »
Moniteur 3. I leave Chelsea hotel Film de Gideon Bachmann, tourné en 1969 et monté en 2001, 4 minutes « Je sors de l’hôtel Chelsea et marche vers la 7e Avenue où je monte dans un taxi.» Jonas Mekas
: A day dream, 2010, 42 secondes « Ce n’était qu’un rêve… entre deux paupières fermées… un arbre… dans un endroit que je ne reconnaissais pas… un arbre plein d’oiseaux invisibles… dans une conversation mystérieuse… très céleste… rêveur… j’avais l’impression qu’il continuait pendant très, très longtemps… Puis j’ai ouvert les yeux… j’ai été étonné de voir combien il était bref, le moment… et combien il était long. Ceux qui rêvent de jour sont conscients de beaucoup de choses qui échappent à ceux qui ne rêvent que la nuit. » ‣ Edgar Allan Poe, cité par Jonas Mekas pour décrire A day dream Imperfect 3 image films, 1995, 6 minutes « Le film est juste ce qu’il énonce. Il est composé de plusieurs films réalisés en trois images uniques. Mais dans la mesure où la manière de filmer repose en grande partie sur une technique de prise de vues en image par image, il est parfois difficile de déterminer le nombre de prises de vues… ou d’images… ce sont donc des films réalisés en trois images uniques, imparfaits. Le film est dédié à Julius Ziz, inventeur de ce genre de film.» Jonas Mekas
A pétrarque Cet extrait de 12 planches (parmi 52 planches) constitue, avec la création sonore conçue lors d’un atelier de création radiophonique de France Culture, un journal rétrospectif de Jonas Mekas. Grâce à cet hommage à Pétrarque qui traversa les collines de Provence à pied, Jonas Mekas met en scène son propre parcours, sa relation à la réalité et son imaginaire. Un parcours qui s’inscrit dans le réel tout en préservant une place à la fantaisie, un cheminement dans l’histoire immédiate et longue, dans l’histoire des faits politiques et des références culturelles ou poétiques.
PORTRAITS George Maciunas, Yoko Ono, John Lennon, July 7 1971, extrait de He stands in a desert Fluxus Boat trip up the Hudson River, 1971 Photogramme contrecollé sur aluminium Tirage de 2002 Gozo Yoshimasu, my Japanese poet friend, in his favorite Tokyo bar, 1991. From a film in progress., 1991 Photogramme contrecollé sur aluminium Tirage de 1996 John Lennon et Yoko Ono au Montreal Bed In, extrait de Walden Photogramme contrecollé sur aluminium Tirage de 2002 Nam June Paik, Soho, New York, May 11th 1975, extrait de He stands in a desert, 1975 Photogramme Tirage de 1996 Robert Franck, Soho, October 27th 1973, extrait de He stands in the desert, 1973 Photogramme Tirage de 1996
This side of Paradise Photogrammes Tirage 1999 À la fin des années 60 et au début des années 70, Jonas Mekas filme et initie au cinéma expérimental les enfants de Jackie Kennedy pendant les vacances d’été qu’ils passent ensemble. Jonas Mekas saisit des moments de vie, des instants de bonheur, des situations presque anodines qui prennent un éclat particulier au regard des circonstances, l’assassinat de John Kennedy quelques années plutôt en 1963.
Reminiscences of a journey to Lithuania (1972, 82') « Cette œuvre est composée de trois parties. La première est faite de films que j’ai tournés avec ma première Bolex à notre arrivée en Amérique, surtout pendant les années 1950 à 1953. Ce sont les images de ma vie, celle de mon frère Adolfas, de ce à quoi nous ressemblions à l’époque ; des plans d’immigrants à Brooklyn, pique-niquant, dansant, chantant ; les rues de Williamsburg. La seconde partie a été tournée en août 1971, en Lituanie. Presque tout a été filmé à Seminškiai, mon village natal. On y voit la vieille maison, ma mère (née en 1887), tous mes frères célébrant notre retour, les endroits que nous connaissions, la vie aux champs et autres détails insignifiants. Ce n’est pas une image de la Lituanie actuelle, ce sont les souvenirs d’une « personne déplacée » retrouvant sa maison pour la première fois après 25 ans. La troisième partie débute par une parenthèse sur Elmshorn, un faubourg de Hambourg, où nous avons passé un an dans un camp de travaux forcés pendant la guerre. Après avoir fermé la parenthèse, nous nous retrouvons à Vienne avec quelques-uns de mes meilleurs amis, Peter Kubelka, Hermann Nitsch, Annette Michelson, Ken Jacobs. Le film s’achève sur un incendie du marché aux fruits de Vienne, en août 1971. Le son : je parle pendant une grande partie du film de moi-même en tant que « personne déplacée », de mes rapports avec la Maison, la Mémoire, la Culture, les Racines, l’Enfance. Il y a aussi quelques chansons lituaniennes chantées par tous les frères Mekas. » Jonas Mekas