La lettre du CNC publiée le 3 décembre 2024 se veut très optimiste "Avec plus de 181 millions d’entrées en 2024, les salles françaises confirment la situation exceptionnelle de la France dans le paysage du cinéma mondial
En 2024, la France affiche 181,3 millions d’entrées en salles de cinéma, en progression de près d’un million par rapport à 2023. La France connaît la meilleure reprise post-covid de tous les pays comparables, Etats-Unis compris, avec un recul de fréquentation par rapport à l‘avant crise qui se réduit encore à 12,8% en 2024 et même à 2,7 % seulement sur les huit derniers mois de l’année. C’est le cinéma français qui tire cette performance unique au monde, avec une part de marché de nos films qui atteint en 2024 un niveau parmi les plus élevés jamais enregistrés avec 44,4 %, contre 36,7 % pour les films américains. La part de marché des films français s’élève au meilleur niveau recensé depuis quinze ans (45,5 % en 2008, année de Bienvenue chez les Ch’tis et Astérix aux Jeux Olympiques), analogue à celle de 2014 (année de Qu’est-ce qu’on fait au bon Dieu, Supercondriaque et Lucy) et bien supérieure à la moyenne d’avant crise soit 37,2 %.
En effet, le cinéma français en 2024 a démontré sa vitalité et son éclectisme en cumulant plus de 80 millions d’entrées grâce à des succès aussi différents et, pour certains, inattendus, que Un p’tit truc en plus (plus de 10M), Le Comte de Monte Cristo (plus de 9M), L’Amour ouf (plus de 4,7M), Monsieur Aznavour (2M), Cocorico (1,9M), Chasse Gardée (1,9M), En fanfare (1,5M), Maison de retraite 2 (1,5M), Les Segpa au ski (1,3M), Chien et Chat (1,1M) ; Emilia Perez et Le dernier jaguar (1M chacun) ; Le fil, Frères, Quand vient l’automne et Louise Violet (plus de 600 000 chacun) ; L’histoire de Souleymane (500 000) ; Le deuxième acte (près de 500 000) ; Golo & Ritchie et Vingt dieux ! (plus de 400 000 chacun).
L’année 2024 a ainsi été particulièrement riche pour l’émergence de jeunes cinéastes qui incarnent le renouveau et qui ont su trouver leur place dans les salles ou les plus grands festivals du monde avec, par exemple, des premiers films aussi prometteurs que Ni chaînes ni maîtres de Simon Moutairou, Vingt dieux ! de Louise Courvoisier, Le Royaume de Julien Colonna, Les fantômes de Jonathan Millet, Le dernier des Juifs de Noé Debré ou encore Diamant Brut d’Agathe Riedinger – sans parler deUn p’tit truc en plus , qui réalise le plus gros score pour un premier film français depuis Emmanuelle en 1974 (8,89 millions d’entrées) et qui se classe dans le Top 10 des films français les plus vus."
La lettre du CNC ne fait toutefois pas état d'un décrochage de la fréquentation par rapport aux années 2010.
Les années 2018 et 2019, representées en bleu et noir, sont représentatives de la fréquentation des années 2010 : une année plutôt faible pour 2018 et excellente pour 2019. Leur profil mensuel est presque identique.Comme le note le CNC, c'est bien le dernier trimestre qui permet à la fréquentation de 2024 de rattraper puis dépasser celle de 2023.
Les premiers mois de 2025 seront donc déterminants pour voir si 2025 peut se rapprocher des fréquentions obtenues dans les années 2010.
Depuis 1938 la fréquentation des salles de cinéma est passée par dix moments :
1) un point haut au milieu des années 1950 (autour de 400 millions d'entrées)
2) un effondrement vertigineux au cours des années 1960 pour passer en dessous du seuil des 200 millions en 1969.
3) une stabilisation aux environs de 180 millions d'entrées dans les années 1970
4) une remontée autour entre 1981 et 1984 où le cap des 200 millions est atteint en 1982.
5) une rechute à partir de 1985 pour atteindre 116 millions en 1992 avec l'apparition des chaînes privées et des magnétoscopes.
6) un véritable renouveau dans les années 1993 à 2001 pour atteindre 190 millions d'entrées avec le renouveau du parc des petites salles
7) une stabilisation de 2002 à 2008 autour de 185 millions
8) Entre 2009, où le seuil des 200 millions est atteint, et 2019, les entrées sont en vitesse de croisière, alternant très bonnes années (217 millions en 2011) et moins bonnes (194 millions en 2013).
9) 2020 et 2021 sont deux années marquées par la crise sanitaire avec 162 jours de fermetures de salles en 2020 et 138 jours en 2021. Les entrées sont respectivement de 65,3 et 95,5 millions de spectateurs.2022 avec 152 millions de spectateurs est encore affectée par les contraintes sanitaires en vigueur jusqu’au 14 mars puis une offre de films jugée faible.
10) 2023 et 2024 marquent un retour plus élevé des spectateurs en salle et se situent à un niveau équivalent à celui de la décennie 2000 sans retrouver le niveau des années 2010.
Jean-Luc Lacuve, le 3 janvier 2025.
Après deux années de crise sanitaire marquées par les fermetures de salles (162 jours en 2020 et 138 jours en 2021), 2022 fait figure d’année de transition : des salles ouvertes toutes au long de l’année mais des contraintes sanitaires encore en vigueur jusqu’au 14 mars. Dans ce contexte atypique, 39,9 millions d’individus âgés de 3 ans et plus sont allés au moins une fois au cinéma en 2022, soit 62,5 % de la population totale des 3 ans et plus, contre 51,4 % en 2021 et 68,3 % en 2019. Ce sont 7,2 millions de spectateurs de plus qu’en 2021 (+22,1 %), et un résultat qui se rapproche de celui d’avant-crise (-3,0 millions et -7,0 % par rapport à 2019). Ce sont ainsi
Si la plupart des spectateurs sont retournés au cinéma en 2022, comme l’atteste le taux de pénétration proche de celui de 2019, ils y sont allés moins souvent qu’avant la crise sanitaire avec un nombre moyen d’entrées par spectateur encore significativement en recul. Chaque spectateur s’est ainsi rendu, en moyenne, 3,8 fois dans les salles de cinéma au cours de l’année 2022, soit une hausse sensible par rapport à 2021 (2,9 entrées en moyenne) mais toujours largement en retrait par rapport à 2019 (5,0 entrées en moyenne). La dimension sociale de la sortie cinéma et la valorisation de l’expérience en salles ont favorisé ce retour en salles comme le montre l’étude CNC-Vertigo sur le retour en salles : parmi les spectateurs déclarant aller plus souvent ou autant au cinéma qu’avant la crise sanitaire, presque la moitié (46,1 %) citent le fait de passer un moment avec leurs proches comme une raison de leur retour en salles et 41,5 % citent le fait de voir un film dans des conditions optimales de son, d’image et de confort.
Les 50 ans et plus, un nombre de spectateurs de retour à son niveau d’avant-crise Le nombre de spectateurs de 50 ans et plus progresse de 37,7 % en 2022, soit +3,7 millions d’individus par rapport à 2021, pour atteindre un niveau similaire à celui de 2019 (13,6 millions, soit -0,2 million de spectateurs). Autrement dit, presque tous les seniors qui allaient au cinéma avant crise y sont retournés au moins une fois en 2022, ce qui représente 50,7 % de cette tranche d’âge (37,2 % seulement en 2021). Les seniors qui vont au cinéma y vont de manière plus assidue avec en moyenne 4,2 entrées par spectateur, contre 3,8 toutes tranches d’âge confondues. Ils représentent ainsi 34,1 % du public et 37,2 % des entrées, soit la part la plus importante devant les moins de 25 ans (33,1 % des entrées) et les 25-49 ans (29,3 % des entrées). Le taux de pénétration du cinéma reste plus élevé chez les jeunes (moins de 25 ans), à 76,9 % (70,4 % en 2021 et 83,5 % en 2019) pour un nombre moyen d’entrées de 3,9 (2,8 en 2021). Ce taux de pénétration élevé s’explique en partie par une offre forte en salles avec davantage de films d’animation (les Minions 2 : il était une fois Gru, les Bad Guys), de films d’horreur (Smile, Scream) et de blockbusters américains (Black Panther : Wakanda forever, Jurassic World : le monde d’après). A noter que les 20-24 ans enregistrent le nombre moyen d’entrées le plus élevé en 2022, soit 5,1 entrées, devant les 60 ans et plus (4,6 entrées). Quant aux 25-49 ans, ils sont 66,0 % à s’être rendus dans les salles de cinéma en 2022, en hausse sensible de 12,1 points (53,9 % en 2021). Ils ont réalisé 44,5 millions d’entrées en 2022, soit plus du double par rapport à 2021 (21,6 millions d’entrées). Si ces indicateurs montrent un retour massif en salles en 2022 des 25-49 ans après une année 2021 compliquée, leur fréquentation est loin d’avoir retrouvée son niveau d’avant crise. Ils représentent 13,1 millions de spectateurs en 2022, soit une baisse de 12,5 % et de 1,8 million de spectateurs par rapport à 2019, la baisse la plus importante toutes tranches d’âge confondues.
Alors qu’en 2021, le nombre de spectateurs habitués avait fortement chuté (8,7 millions, contre 13,2 millions en 2019), celui-ci progresse en 2022 (+2,5 millions à 11,2 millions). Plus précisément, le nombre de spectateurs réguliers s’élève à 9,7 millions en 2022 (7,7 millions en 2021, +25,6 %). Une analyse de la structure du public et des entrées entre 2019 et 2022 montre qu’une partie des spectateurs réguliers de 2019 a adopté une pratique plus occasionnelle après-crise. Les spectateurs réguliers représentent ainsi 24,2 % du public en 2022, contre 27,0 % en 2019, et totalisent 37,2 % des entrées, contre 49,8 % en 2019. Dans le même temps, les occasionnels sont devenus plus nombreux, représentant 71,8 % du public, contre 69,2 % en 2019, et générant 41,9 % des entrées, contre 26,4 % en 2019. Cette baisse des spectateurs réguliers s’explique en partie par l’offre de films.
D’après l’étude sur le retour en salles CNC-Vertigo de novembre 2022, 35,3 % des réguliers déclarant aller moins souvent ou plus du tout au cinéma depuis la crise sanitaire citent une offre de films qui leur a peu (ou pas) donné envie de retourner en salles (27,5 % toutes habitudes de fréquentation confondues). 23,5 % d’entre eux citent également la perte d’habitude (32,5 % toutes habitudes de fréquentation confondues). De leur côté, les assidus enregistrent une hausse de 59,1 % entre 2021 et 2022, passant de 0,9 million de spectateurs assidus en 2021 à 1,6 million en 2022. Ils retrouvent ainsi un niveau Le public du cinéma en 2022 similaire à la période d’avant-crise (1,6 million en 2019) et représentent 20,9 % des entrées (23,0 % en 2019). La hausse de la part des spectateurs occasionnels dans la population cinématographique peut également s’expliquer par le contexte économique obligeant une partie de la population à faire des arbitrages budgétaires notamment sur les dépenses liées aux loisirs et aux activités culturelles. L’étude CNC-Vertigo a permis d’illustrer l’impact de l’inflation et de la conjoncture économique sur la pratique cinématographique des Français. Parmi l’ensemble des personnes déclarant aller moins souvent ou plus du tout au cinéma, presque 60 % citent le contexte économique les obligeant à faire un choix dans leurs dépenses (58,8 %), et 46,1 % le prix du billet du cinéma perçu comme trop cher. Suit ensuite la perte d’habitude qui reste un frein important, cité par un peu moins d’un tiers des répondants (32,5 %), mais qui a baissé par rapport à mai 2022.