100 000 000 000 000 - cent mille milliards

Soleil couchant sur paysage et, off, le conte d'un géant mécanique qui marche à grand pas vers les humains.

Un homme noir à l'imposante carrure se dit fier d'entretenir son corps tous les jours; d'avoir participe la veille à un trail que sa femme réprouvait pour sa dangerosité. Tout en se déshabillant il propose à Afine, au corps frêle, d'être son coach pour le muscler. Pendant que celui-ci se lave, il l'attend allongé sur le lit. Quelque temps plus tard, Afine rentre dans une riche villa pour une autre passe auprès d'un jeune homme. Afine vient le soir chercher une amie qui sort d'une passe dans un hôtel luxueux. Elle aurait pu rester toute la nuit avec son client mais elle a décidé d'être avec ses Afine et ses amies. Ils vont chercher bières et chips dans un drugstore ouvert. Puis un taxi vient les chercher, ils y retrouvent leurs deux amies et vont dans leur villa sur la corniche. Tous les quatre discutent de leur avenir. Celle qui manage le petit groupe souhaite qu’ils changent de statut; deviennent une agence d'escorts de luxe avec un revenu mensuel assuré "qui ne sera pas à quatre chiffres". Elle trouve qu'ils se comportent en irresponsables, aussi bien pour le ménage de la villa qui retombe sur elle, que pour trouver des clients qui pourraient être dangereux. Les deux autres filles approuvent, Afine est plus circonspect. Le lendemain, les trois filles partent pour les vacances de Noël à Dubaï alors qu'Afine reste seul dans la villa. Il s'injecte du botox dans les lèvres.

Afine rejoint une amie slovène à Monaco pour les fêtes de fin d'année. Cette amie fait fonction de baby sitter auprès de Julia, une dizaine d'années dont les parents promoteurs immobiliers à l'immense fortune sont partis festoyer dans l'île artificielle qu'ils ont bâtie pour y construire un palace de luxe servant de bunker antiatomique. L'amie Slovène aux croyances new-âge rêve d'ouvrir un cabinet de sophrologie à base de pierres bienfaisantes à Nice. Elle amuse Afine et Julia en expérimentant sur eux son cérémonial. Afine conduit aussi Julia en bord de mer en lui faisant traverser un passage souterrain le long de grands tuyaux d'aération destinée aux hôtels qui les surplombent. Là, ils retrouvent des amis fumant la chicha. Julia sa baby sitter et Afine préparent une tarte aux pommes.

Afine revient un court moment dans la villa de son agence mais ne peut que constater la froideur de ces pièces que personne n'a songé à rendre chaleureuse. Il retourne à Monaco pour le 31 décembre. Tous les trois s'habillent pour la réception selecte dans un à un hôtel particulier mais Julia sur le seuil refuse d'y entrer. Ils passent donc le réveillon tous les trois; Julia aimant à danser seule ou avec Afine. L'amie slovène agresse alors Afine le traitant de pute et de pédophile avant qu'Afine détourne sa mauvaise humeur et la fasse danser. Le lendemain après-midi, Afine dit au revoir à Julia qu'un hélicoptère emporte vers l'île de ses parents. Elle promet de l'appeler bientôt auprès d'elle. Afine ayant gouté au conte d'une richesse démesurée racontée sur le ton du merveilleux par Julia attend son appel, incapable dit-il de vivre comme autrefois.

Dans un univers factice, une enfant élabore des contes fantastiques qui la placent hors de la corruption du réel en laissant surgir des moments de bonheur fugace. Afine homme sans autre qualité que la grâce de son corps ne pourra vraisemblablement pas opérer la liaison entre des moments qui ne coûtent rien, ceux qui permettent de gagner sa vie et les rêves hors de mesure des ultra-riche.

un calendrier de l'Avent dont on tire une étoile en chocolat, une oie de coquillages dessinée sur la plage, la confection d'une tarte aux pommes, des moments d’un bonheur fugace au sein d'un monde illuminé par le soleil couchant, les lumières de la ville, les décorations de Noël, les éclairages sophistiqués des hôtels de luxe. Julia est une enfant encore capable d'énoncer des contes au premier degré, celui du géant du début, celui de l'ile merveilleuse au trésor prête pour la fin du monde ou des chats qu'ils furent, elle et Afine, au XVIIe siècle. Ils viennent par surprise, decontextualisés du flux d'images (Julia sur fond noir) ou de paroles (appel à une vie vécue autrefois) comme des épiphanies du réel dans le monde factice où Afine se meut avec grâce et détachement. Il ne cherche rien, traité de glandeur et fainéant par ses potes de Monaco ou par sa coach. Il détourne toute agressivité, notamment quand son amie slovène le renvoie à son statut de pute et de potentiel pédophile. L'écart est grand entre le prix minimum d'une passe et les sommes folles que vont gagner les promoteurs en gagnant des espaces sur la mer à la pointe de Monaco ou au loin sur l'ile bunker où les riches vont festoyer ensemble sans leurs filles. Un no man’s land menacé par des intelligences non humaines marchant à grands pas vers nous, le danger nucléaire, les lumières factices de la richesse qui donnent envie de se réfugier dans le conte où toutes ces choses sont parés d'un merveilleux dont le monde réel est dépourvu : lorsque l'hélicoptère emporte Julia, Afine est seul se disant incapable de vivre comme avant. Le conte de Julia n'est pourtant qu'un rêve dont il devrait comprendre qu'il a passé l'âge.

Jean-Luc Lacuve le 15 décembre 2024.