Révolution Zendj
2013

Dans le blanc de l’écran, une silhouette court passant alternativement à droite et à gauche de l'écran. Puis l'écran s'embrase. Générique.

Ibn Battuta, journaliste à Alger enquête sur les affrontements communautaires dans le Sud du pays. Il rencontre des jeunes gens, tous chômeurs. Dans la bouche d’un émeutier, il entend l’appellation "Zendj". Il voudrait enquêter sur la rébellion oubliée des esclaves noirs Zendj contre le pouvoir des Abbassides à la fin du 9e siècle de l’ère chrétienne, écrasée en 879 dans les marais de Bassorah en Irak. Mais sa rédactrice en chef l'envoie à Beyrouth suivre les événements politiques.

En Irak, sous occupation américaine, Monsieur Prince, et deux de ses associés capitalistes américains, censés reconstruire le pays après la guerre, envisagent de créer un complexe touristico-commercial dans les vastes plaines Irakiennes. Ils ont besoin d'un financement supplémentaire qu'ils espèrent trouver auprès de monsieur Georges dans une banque de Beyrouth.

Nahla, Palestinienne exilée en Grèce, inquiète ses parents par sa volonté de se rendre à Beyrouth sur les traces de ses racines puisqu'elle est née dans le camp de Chatila. Elle devra aussi pour cela quitter Thessalonique et ses amis étudiants qui taguent la nuit des slogans anarchistes et libertaires.

A Beyrouth, Battuta est logé chez un ami journaliste qui suivit les événements de 1982, tomba amoureux d'un palestinienne qu'il n'a jamais pu retrouver depuis. En face de chez lui, les trois américains attendent monsieur Georges. Ils ont beaucoup d'argent dans un sac mais doivent attendre deux jours encore la venue de leur correspondant.

Nahla a retrouvé sa famille palestinienne et lui amène 50 000 euros que son père lui a confié comme pour s'excuser de ne plus participer à la lutte pour un territoire palestinien. Le soir, Battuta discute avec une galeriste tandis que sont projetées sur leurs corps et sur les murs des images d’Ici et ailleurs dont la bande-son s’entend en fond sonore. Son ami journaliste part en reportage et lui laisse la clé de son appartement pour la semaine.

Le lendemain, Battuta croise Nahla qui reconnait immédiatement en lui un Algérien et qui lui indique le chemin de l'université américaine. Battuta discute avec un érudit qui lui présente des vieilles pièces frappés par la civilisation Zendj et trouvées du côté de Bassorah. Alors qu'il photographie Chatila, Battuta croise par hasard Nahla en compagnie de Rama qui n'est pas non plus indifférent à son charme. Battuta obtient son numéro de téléphone.

Le lendemain Battuta va voir un antiquaire dont l'adresse lui a été donnée par l'érudit de l'université américaine. Si les pièces sont sans valeur, elles peuvent servir d'introduction auprès d'Irakiens qui ont fouillé les marais où ces pièces ont été trouvées. La joie de Battuta est de courte durée, sa rédactrice en chef lui ordonne de revenir à Alger pour répondre à des accusations de diffamation portées contre son reportage dans le sud de l'Algérie.

Battuta promet mais hésite en fait à rentrer. Il s'inquiète de savoir si Nahla et Rama sont amants. Il la ramène chez lui. Rama les rejoint et, alors qu'ils font la fête, Battuta voit l'argent chez les Américains et décide de leur voler le sac empli de dollars. Les trois jeunes gens fuient en voiture. Chacun va pouvoir partir où il le souhaite. Ce sera les USA pour Rama et Bagdad pour Battuta.

Les Américains sont rentrés à New York, désabusés vis à vis de la mission de reconstruction de l'Irak. Les étudiants de Thessalonique continuent de répéter leur pièce; un hymne en chambre à Pollock, Liz Taylor et Whitman

A Bagdad sur le Tigre, Battuta rencontre un poète qui lui conseille de partir pour Bassorah. Là il rencontre des irakiens qui se révoltèrent sans succès en 1991, contre Saddam Hussein. L'un deux le conduit des marais de Bassorah au delta du Tigre et de l’Euphrate. Ils n'ya rien là où furent découvertes les pièces. Mais au moins sont-ils là tous les deux. Nahla et Rama tentent d'accoster clandestinement sur la côte grecque mais des gardes-frontière interceptent rama. C'est donc seule que Nahla rejoint Athènes par bateau; juste à temps pour se mêler aux soulèvements populaires.

Au cours de ses multiples rencontres dans de multiples villes faisant se confronter de multiples époques historiques, Revolution Zendj défend une thèse paradoxale. C'est l'échec répété des librations des peuples qui semble être le garant d'une révolution enfin possible. Conjurant les humiliations immémoriales des vaincus et des humiliés, la révolution nouvelle éclatera enfin et sera capable de tout emporter. La pièce, Ode à Pollock, répétée par les étudiants de Thessalonique semble ainsi trop localisée, dans l'entre-soi de la jeunesse intellectuelle, pour mettre en branle la révolution. A moins qu'elle ne soit la partie d'un tout qui communique alors avec le reste de l'histoire proposée par Tariq Teguia. Elle est alors, grâce au spectacle cinématographique, le ici qui va se ressourcer à l'ailleurs pour produire la révolution à venir.

Le film met en effet ses pas dans le Ici et ailleurs de Jean-Luc Godard et Anne-Marie Mieville. Une des séquences montre Ibn Battuta discutant avec une galeriste de Beyrouth tandis que sont projetées sur leurs corps et sur les murs des images du film et que la bande-son s’entend en fond sonore. Mais très nombreuses sont les scènes godardienne du film : le comportement archétypale des Américains entre dollars et armes à feu ; les lectures à haute voix de Genet ; les jeux sur des fonds monochromes avec des personnages en contre-jour dans la scène du café où le dialogue est souvent rendu inaudible par des sirènes et des klaxon de voiture et que se fait entendre une discutions basée sur une opposition de deux mots: parler de l'impossible/ parler du possible. La structure même du film évoque aussi Pierrot le fou : de longues pérégrinations qui se succèdent sans dramatisation suivies d'une action brutale, décisive et inattendue (le vol du sac de billets dans l'hôtel d'en face) suivie d'une fuite en voiture.

Jean-Luc Lacuve le 18/03/2015

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(Thwara Zanj). Avec : Fethi Ghares (Ibn Batutta), Diana Sabri (Nahla), John W. Peake (Mr. Prince). 2h13.