L'épouvantail

1973

Genre : Road-movie

(Scarecrow). Avec : Gene Hackman (Max Millan), Al Pacino (Francis Lionel 'Lion' Delbuchi), Dorothy Tristan (Coley), Ann Wedgeworth (Frenchy)

Max et Lion se rencontrent alors qu'ils font de l'auto-stop. Ils deviennent amis. Max sort de prison et va à Pittsburgh chercher son argent. Lion se rend à Detroit pour voir son enfant. Il vient de bourlinguer durant six ans et ne sait pas si c'est un garçon ou une fille.

Max fait part à Lion de son projet de monter une station-service. Ils font des petits boulots, poursuivent leur route en stop (en camion, en voiture), vont de bar en bar et font des rencontres féminines et passent devant le cimetière de voitures de Keleston-Nebraska.

Max retrouve une vieille amie, Coley, qui a monté une brocante avec Frenchy. Ils célèbrent dans un snack-bar l'ouverture prochaine de leur station-service. Une bagarre éclate : Max et Lion se retrouvent dans une ferme-pénitencier. Après une brouille passagère, les deux amis se réconcilient. A leur sortie ils se rendent à Detroit Lion téléphone à sa femme qui lui apprend qu'elle s'est remariée. Elle lui fait croire que leur enfant est mort.

Peu après, Lion a une crise de folie. A l'hôpital, le docteur dit à Max qu'il est atteint de catatonie. Max promet à Lion qu'il veillera sur lui et va à Pittsburgh chercher son argent.

De la prison de saint Quentin à Pittsburgh en passant par Denver et Detroit, la quête paraît simple. Pour Lion, il suffit de retrouver son enfant et, pourquoi pas, la femme qu'il a abandonné pour voyager. Pour Max, il s'agit de monter une entreprise de lavage de voitures à Pittsburgh, ville où il a déposé patiemment ses économies.

Au cours du voyage les contradictions se font jours. Max, sous son obstination bonhomme, cache une violence mal dégrossie qui ne demande qu'à resurgir à chaque rencontre. Lion rêve d'un monde où il serait un gentil épouvantail. Cet épouvantail ne ferait pas peur aux oiseaux mais ceux-ci, intelligents et compatissants face à l'effort de l'épouvantail, se détourneraient du champ où on l'aurait placé par bonne volonté amicale.

La violence de Max se révèle finalement une meilleure protection que la confiance dans la gentillesse de l'humanité de Lion. En le dénommant ainsi, Max avait voulu faire de son ami quelqu'un de plus fort et respectable que celui qui lui semble ridicule avec sa succession de prénoms français, Francis puis Lionel. Mais Lion se fera presque tuer par la petite frappe de la prison qui l'a pris sous sa protection par désir sexuel. Il sous estime surtout le désespoir dans lequel il a plongé sa femme par ses rêves de voyages. Elle est maintenant vieillie avant l'âge par les soucis et le travail, aigrie par son nouveau mariage. Pour se protéger d'une visite de celui qu'elle aime probablement encore, elle invente la mort de son enfant, précipitant la folie de Lion

La scène la plus forte du film restant le "rapt" tout provisoire et momentané de l'enfant sur l'île de la fontaine de Detroit où Lion continue de jouer à L'île au trésor avec un enfant rencontré par hasard et qu'il aurait tant aimé être le sien. Affalée sur la statue d'un lion, Lion en peut que mesure le gâchis de son existence

La fin reste ambiguë. On ignore si la catatonie dans laquelle sombre Lion est définitive. Probablement que non. Max a promis de veiller sur Lion et le fait qu'il prenne un aller et retour pour Pittsburgh prouve la sincérité de son ralliement aux valeurs de l'amitié. Il va même jusqu'à révéler le secret de la chaussure qu'il garde toujours avec lui dans son sommeil : elle cache dans son talon une grosse coupure... que Max utilise pour compléter le prix du billet pour son retour à Detroit.

Surtout, les valeurs de l'amitié, de l'amour et de la fraternité n'ont cessé d'être développées dans l'épisode de Denver chez Coley et Franchy et ce monde communautaire presque idéal est un refuge possible pour Max et Lion.

Lauréat, ex-aequo avec La méprise (The Hireling, Alan Bridges), de la Palme d'Or du Festival de Cannes 1973.

 

Jean-Luc Lacuve le 1/08/2008