En 1977, le Centre Pompidou ouvre ses portes. Rossellini filme, sans commentaires, le public confronté directement à l'art contemporain.
En 1977, le Centre Pompidou ouvre ses portes. Objet de nombreuses controverses avant même son lancement, ce centre culturel dun genre nouveau fait le pari de la pluridisciplinarité et de la plus grande accessibilité au public. Musée, cinémas, expositions, spectacles vivants, bibliothèque de livres en libre accès sont proposés à tous jusquà 22 heures.
Pour accompagner la naissance de ce géant et la faire connaître au monde, le ministère des Affaires étrangères, sous limpulsion de Patrick Imhaus, chef du service culturel, décide de mobiliser le maximum de moyens et de faire appel à un grand réalisateur. Très vite, Roberto Rossellini apparaît comme celui qui aura la vision la plus objective et pourra catalyser la plus large audience. Lauteur de Rome, ville ouverte, en effet, a consacré la seconde partie de sa vie à réaliser des films pour la télévision, vecteur privilégié à ses yeux de transmission de la connaissance.
Dabord réticent, le cinéaste finit par accepter la proposition à condition de choisir le producteur. Ce nest quaprès avoir rencontré Jacques Grandclaude, fondateur et animateur dune communauté de cinéma pluridisciplinaire (Création 9 Information), quil accepta de se lancer dans cette aventure. Voulant tourner le film en 35 mm, le cinéaste entraîna cette société de production à participer au financement du film.
Bien entendu, carte blanche était donnée à Rossellini pour approcher le sujet comme il lentendait. Au cours du tournage, le cinéaste se sentit de plus en plus concerné par le Centre. Dabord perplexe devant ce projet si novateur, il va peu à peu y adhérer.
Le film ne comporte aucun commentaire. Témoigne seule la réalité sonore du lieu. C'est ce contact du public confronté directement à l'art contemporain, dans sa spontanéité et sa sincérité, que Rossellini veut saisir. Pour cela, il adopte un principe de déambulation qui lui est cher et lui permet d'accumuler les observations. « Il ne s'arrête pas aux œuvres, commente Alain Bergala, ce qui l'intéresse, c'est le rapport du public aux œuvres. » D'où parfois un côté Tati, cocasse, né de la fraîcheur naïve des réactions, car le public n'a pas encore appris à révérer l'art contemporain. Et un intérêt sociologique certain.
Diffusé par TF1 et la RAI dans le sillage de linauguration, il na pratiquement jamais été projeté depuis. Sapparentant à un film dethnologue, constitué de longs travellings zoomés éclairés par Nestor Almendros
"Beaubourg est un phénomène important" déclarait Roberto Rossellini à Ecran 77. "Jai regardé le phénomène. ( ) Je nai utilisé dans le film ni musique ni narrateur. Jai voulu montrer Beaubourg. Jai caché des dizaines de micros et jai recueilli toutes les voix du public qui court en masse à Beaubourg."
Conscient de limportance historique du moment, Jacques Grandclaude propose à Rossellini de le filmer pas à pas, plan par plan, durant toute la réalisation du film. Convaincu par cette démarche quil qualifia en souriant "dentomologiste", celui qui navait jamais accepté quon le filme de cette manière, devenait lacteur principal dune "leçon de cinéma". De cette complicité, de cette amitié, naîtront 10 heures dimages en 16 mm couleur, et plus de 2 500 diapositives, initiées et dirigées par Jacques Grandclaude.