Notes pour un film sur l'Inde

1968

(Appunti per un film sull'India). 0h33.

Le siège du parlement indien et les mutilés. Le Gange près de ses sources à la frontière de la Chine ; couvent de Rishikesh.

Pasolini n'est pas là pour un documentaire ou une enquête sur l'Inde mais pour faire un film sur un film sur l'Inde. Le thème de ce film, ce sont les thèmes fondamentaux de tout le tiers monde : la religion et la faim.

Si un moine voyant dans une lande déserte des jeunes tigres mourant de faim, leur donnerait son propre corps pour les rassasier

Ermitage d'un des plus célèbres Mahatmas de la région des bords du Gange. Il refuse l'interview.

Le film commence par un épisode avec un maharadjah avant l'indépendance de l'Inde alors qu'il se promène sur ses terres dans une lande désolée couverte de neige, il aperçoit des tigres mourant de faim, et pris de pitié, il offre son propre corps.
Pas à la lettre mais enseignement philosophique avoir plus de compassion, l'art de la pitié

A Bombay, un quartier riche. Acteur et palais, palais de Jaipur. Le maharadjah meurt et laisse sa famille dans la plus grande pauvreté.

Avec l'indépendance grande pauvreté, castes et stérilisations. Sous les portes de l'Inde face çà la mer recherche d'un intouchable

La stérilisation surpopulation et la faim fonctionnaire du parti communiste de New Delhi. Il est contre mais tous les ouvriers rencontrés et tous les intellectuels (devant un salon du livre) sauf un sont pour. Contre au nom de la liberté individuelle

Village de Bhavani à la campagne. Paix préhistorique et douceur élégiaque. Travaillent selon des techniques vieilles de trois mille ans. Ne veulent pas parler de stérilisation. "Ils sont étrangers au problème".

Le maharajah meure et sa famille se retrouve au cœur de ces problèmes. Cette famille comporte une mère, deux fils et une fille
La première partie est une métaphore de l'Inde avant l'indépendance mais aussi toute la préhistoire de l'Inde. La seconde partie, la famille appauvrie représente l'année de la libération et l'histoire de l'Inde moderne.

Des problèmes qui se résument en un mot : industrialisation : passage de l'état de sous développement à un état que nous considérons comme vie civilisée, moderne
Le sous prolétariat urbain. Times of India et banlieue de Bombay et 4 000 entreprises dont 3000 avec moins de 50 ouvriers et 16 de 15 000 ouvriers. La statue de Shiva à côté de la faucille et du marteau.

Un village entre Bombay et Poona.Paysans ou ouvriers, indiens ou occidentaux

Times : industrialisation sans occidentalisation, violences civiles : pas tant de violence que ça Gandhi non-violence malgré tous les problèmes mais aussi résister à l'autorité

Retournons au film. La famille du maharadjah, pauvre, voyage à travers l'Inde pourquoi pauvre pourquoi voyage ; des intellectuels de Bombay : à Bénarès pour le transport des cendres dispersées dans le fleuve sacré du Gange

Pauvre, les fils font comme leur père après l'indépendance. Ils renoncent à leurs biens qui appartiennent au peuple. Mais ne peuvent s'en tirer seuls et meurent les uns après les autres. On revient à Bénarès pour la crémation du dernier. C'est-à-dire l'idéalisme face à la réalité. Un troisième intellectuel envisage l'idée du roi Shibi qui s'offre à un aigle affamé.

Une cérémonie de crémation. Pasolini s'interroge. "Un occidental qui s'en va en Inde a tout et en réalité ne donne rien. L'Inde qui n'a rien donne tout. Pourquoi cela ? "

analyseLe film est articulé en trois volets. Un prologue par lequel Pasolini introduit à son récit une note autobiographique, décrit la scène primitive et la violence du père, qui, accusant son enfant d'être venu au monde pour le "rejeter dans le néant", le pend par les pieds pour le castrer ; c'est le volet freudien.

Le "volet Sophocle" nous plonge dans un Maroc de déserts blancs et rocailleux, une Afrique qui renvoie à la sauvagerie de la Grèce mythologique et à l'esthétique d'un Pasolini hanté par la culture populaire, primitive, avec ses teintes ocres et sang séché, ses armures de quincaillerie et ses masques de coquillage et de rafia.

Le troisième volet, d'inspiration marxiste, situe oedipe dans un schéma social, politique et existentiel. Le mythe est ramené à la dimension humaine. C'est l'éternelle histoire de la victime à la recherche de la vérité, du bourgeois parricide qui s'engage aux côtés des prolétaires. La quête de purification d'oedipe, son autopunition prend évidemment une dimension tragique lorsque l'on sait ce que le destin a réservé à l'auteur du film.

Jean-Luc Lacuve, le 15 mai 2009