(1935–1992)
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14 films | ||
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Shinsuke Ogawa est une figure majeure du documentaire. Son œuvre et sa pensée occupent une place unique dans l’histoire du cinéma japonais. Profondément engagés, ces films relatent avec passion et obstination les bouleversements politiques et sociaux qu’a connus le Japon dans les années 1960 et 1970. Pendant plus de trente ans, les membres de ce collectif vont vivre et travailler ensemble, s’efforçant de prendre des décisions en communauté et cherchant une autre façon de faire des films et de les montrer. Ils lieront d’étroites relations avec les personnes qu’ils filment, et avec qui ils vivent et travaillent longtemps.
Né en 1936, Shinsuke Ogawa travaille en tant qu’assistant-réalisateur chez Iwanami Productions. C’est là, avec d’autres réalisateurs tels que Noriaki Tsuchimoto et Susumu Hani, qu’il participe au groupe de recherche Ao no Kai (Le groupe bleu), acteur fondamental du cinéma au Japon dans les années 1960 et 1970.
En 1964, Shinsuke Ogawa devient indépendant et réalise ses premiers films collectifs avec des groupes d’étudiants et d’autres activistes. Il réalise La mer de la jeunesse (1966), et avec le collectif Jieiso, La forêt de l’oppression (1967) et Rapport sur la lutte à Haneda (1967). Les films sont vus et discutés dans tout le Japon et circulent dans des réseaux de distribution alternatifs qui contribuent à la création d’un important mouvement de diffusion du cinéma.
En 1968, Ogawa forme avec un groupe de réalisateurs et activistes, Ogawa Productions [Ogawa Pro] un collectif cinématographique et politique qui, à l’image d’autres groupes de l’époque, et partout dans le monde, cherche à faire et distribuer autrement des films militants. Cette même année, ils rejoignent l’un des mouvements sociaux et politiques les plus importants du Japon moderne, la lutte des paysans contre la construction de l’aéroport international de Narita, l’expropriation forcée de leurs terres et la violence de l’État. Ils s’installent dans le village de Heta, l’un des centres de cette résistance. Ils vont y rester presque dix ans et réaliser une belle et monumentale série de sept documentaires. Quelques films de cette période circulent activement dans des réseaux militants au Japon, mais aussi à l’étranger, et notamment en France.
.Après leur séjour à Sanrizuka, ils continuent à faire des films, dont un en ville, à Yokohama, portant sur la vie difficile des travailleurs journaliers. Vers 1975, une vingtaine de membres du collectif s’installent au nord du Japon, dans le village de Magino, dans la préfecture de Yamagata. Ils y vivront en communauté et travailleront dans les rizières pendant de longues années. Avec méticulosité, ils réaliseront d’extraordinaires longs métrages sur l’agriculture, la vie du village et l’histoire ancienne et moderne du Japon : Nippon — Le village de Furuyashiki (1982) et Le Cadran solaire sculpté par mille ans d’entailles — L’histoire du village de Magino (1986).
Filmographie :
1966 | La mer de la jeunesse - Quatre étudiants suivant des cours par correspondance |
(Seinen no umi - Yonnin no tsushin kyokuseitachi). 0h56.
Le premier film indépendant d’Ogawa, La Mer de la jeunesse, a été réalisé en collaboration avec un groupe de quatre étudiants suivant des cours par correspondance alors qu’ils organisaient un comité de lutte en faveur de l’égalité des droits au sein du système éducatif national. Le film, qui donne la parole à cette jeunesse marginalisée, symbolise la vague des luttes émancipatrices du mouvement étudiant japonais durant la seconde moitié des années 1960. |
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1967 | La Forêt de l'oppression - Document sur les luttes dans l'Université d'économie de Takasaki |
(Assatsu no mori: Takasaki Keizai Daigaku toso no kiroku). 1h45
Dans La Forêt de l’oppression – produit par Jieiso (Organisation pour la Projection Indépendante) le premier collectif d’Ogawa – les réalisateurs se rangent aux côtés d’un groupe d’étudiants barricadés dans une petite université de province. Ce film, dont la réalisation prit plus d’un an, est un portrait de cette jeunesse rebelle unie par une même critique de l’autorité, associé à des images montrant les protestations dans les rues. La Forêt de l’oppression a institué le procédé cinématographique d’Ogawa consistant à filmer « de l’intérieur » et sur une longue période, en entretenant une relation étroite avec les personnes filmées et avec les luttes dans lesquelles elles sont engagées. Le film galvanisa le mouvement étudiant naissant et contribua à créer un mouvement en faveur d’un circuit de diffusion alternatif du cinéma au Japon. |
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1967 | Rapport sur la lutte à Haneda |
(Gennin hokusho – Haneda toso no kiroku). 0h58.
Réalisé avec un groupe de militants et de cinéastes au cours des manifestations de 1967 à Haneda, le film propose une enquête détaillée sur l’assassinat d’un jeune manifestant par la police. |
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1968 | Front de libération du Japon - L'Été à Sanrizuka |
(Nihon Kaiho sensen: Sanrizuka no natsu). 1h48.
En 1968, les membres du jeune collectif Ogawa Pro suivent une brigade d’étudiants militants dans la région rurale de Sanrizuka, près de Tokyo, et se joignent au mouvement de résistance grandissant mené par des agriculteurs – ainsi que leurs soutiens – menacés d’éviction par le projet de construction d’un nouvel aéroport international à Narita. |
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1970 | L’Hiver à Sanrizuka |
(Nihon kaiho sensen : Sanrizuka). 2h21
Les jeunes parlent de l’esprit des pionniers, ils se mettent à gratter le sol, à creuser des tunnels, cherchant dans la terre une preuve tangible de leur existence. » Relatant la menace qui pèse sur les communautés après quatre ans de conflits, Ogawa veut livrer un constat tranchant et profond de cette lutte et rendre hommage aux paysans par un film épique. La force tellurique de son cinéma est déjà présente dans ce deuxième film méconnu de la série Sanrizuka. Tourné en couleur, il dresse un digne et beau portrait de ces personnes, de leur refus de l’autorité et de leur attachement à la terre. ❙ |
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1970 | Sanrizuka – La Guerre des trois jours |
(Sanrizuka : Daisanji kyosei sokuryo soshi toso). 0h50
Capté avec spontanéité, comme un newsreel, ce film vient en réaction à l’aggravation du conflit. Shinsuke Ogawa le qualifie de bullet film, un film coup de feu, tourné en trois jours pour être projeté le plus rapidement et le plus largement possible. |
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1971 | Sanrizuka – Les Paysans de la deuxième forteresse |
(Sanrizuka – Daini toride no hitobito). 2h23.
Au bout de plusieurs années de conflit, les autorités publiques se lancent dans des expropriations de force, provoquant une escalade de la violence. Les paysans, aidés par des étudiants du Zengakuren, y font face avec un sens renouvelé de la résistance. Des barricades sont érigées, des forteresses sont construites et des tunnels sont creusés, en prévision de longs affrontements. Les femmes paysannes, en première ligne depuis le début du conflit, s’enchaînent aux arbres. Les réalisateurs sont à l’intérieur de la forteresse, ils suivent ainsi les préparatifs des combats, puis les affrontements qui sont d’une grande violence. Ils témoignent des luttes par d’audacieux plans-séquences au cœur de l’action. Entre ces moments d’énorme tension, ils donnent la parole aux paysans, recueillent les raisons de leur résistance, leurs colères et leurs espoirs. Les réalisateurs les accompagnent jusque dans les abris souterrains, symboles de leur interminable résistance contre les autorités. |
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1972 | Sanrizuka – La Construction de la tour Iwayama |
(Sanrizuka – Iwayama ni tetto ga dekita). 1h25
Ce film continue là où le précédent s’arrête, au milieu d’une violente campagne de harcèlement menée par la police. Les paysans déterminent leurs prochaines actions lors de longues discussions, attentivement suivies par les réalisateurs. Il relate en détail la construction d’une tour de fer destinée à bloquer les avions. Cette œuvre forte est aussi le point de départ d’une nouvelle période pour Ogawa Pro, qui à la fois témoigne de la situation à Sanrizuka et annonce une nouvelle approche de la temporalité du documentaire, plus proche des gens et de leurs histoires. |
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1973 | Sanrizuka – Le Village de Heta |
(Sanrizuka – Heta Buraku). 2h26.
Dans les champs de Sanrizuka, la violence des affrontements a entraîné les blessures de nombreux hommes, des arrestations, la mort de trois policiers, et le suicide d’un jeune paysan militant. Ceux qui restent encore là en sont profondément marqués et meurtris. Les jeunes agriculteurs sont sans cesse arrêtés, écartés de leurs familles et de leur travail indispensable pour les récoltes. Cela a pour effet de resserrer les liens entre les habitants, réunis dans l’adversité pour discuter de leurs problèmes et de la meilleure façon d’aider les personnes incarcérées. Les réalisateurs prennent du recul pour filmer la vie quotidienne du village, ils sont en quête de l’origine de cette résistance dans l’histoire locale et dans les traditions communautaires du village. Les longs débats entre les villageois et la mise en récit, faite de plans-séquences au son direct, impriment un rythme lent au film. Il s’agit de l’un des documentaires les plus émouvants réalisé par le |
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1975 | Dokkoi ! Le Chant des humains – Kotobukicho : le quartier des ouvriers libérés |
(Dokkoi! Ningen bushi – Kotobukicho: Jiyu rodosha no machi). 2h21.
Kotobukicho est un quartier de travailleurs journaliers dans la ville portuaire de Yokohama. Développé après la guerre à la fin des années 1950, ce petit quartier pauvre abrita dans les décennies suivantes des milliers de travailleurs, pour la plupart des hommes aux marges de la société qui luttaient pour gagner leur vie, s'exposant à des conditions de vie et de travail précaires. Ce film déchirant est un portrait de certains de ces hommes qui partagent leurs histoires de vie, parfois à travers des chansons, avec des membres de Ogawa Pro qui avaient temporairement déménagé à Kotobukicho en suivant les méthodes de travail qu'ils avaient développées en travaillant à Sanrizuka. Le film a été tourné dans la foulée de la crise de récession de 1975 au Japon, qui a vu beaucoup de ces travailleurs plonger dans l'extrême pauvreté, ainsi que la montée des premières manifestations en défense des droits des habitants de Kotobukicho. |
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1977 | L’Histoire du village de Magino – Le Col |
(Magino Monogatari sono 2 Toge – Zao to Makabe Jin). 0h43 Après des années de lutte et les films de la série Sanrizuka, les réalisateurs sont invités à s’installer à Magino, village de la région montagneuse de Yamagata. Ils emménagent dans une grange prêtée par un poète paysan qu’ils transforment en logement et atelier de cinéma. Ils y vivront pendant plusieurs années, en quête d’un mode de vie alternatif et poursuivant leur travail en immersion.. Le Col annonce quant à lui l’arrivée d’Ogawa Pro sur ce nouveau territoire. Il se penche sur la géographie, l’histoire et la culture de la région de Yamagata. |
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1977 | L’Histoire du village de Magino – La Sériciculture |
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(Magino Monogatari – Yosan-hen: Eiga no tame no eiga). 1h52. Cette réalisation est faite sous la direction de Yoko Shiraishi, femme de Shinsuke Ogawa. Tourné en Super 8, ce film, beau et simple, porte sur la tradition locale de l’élevage des vers à soie. |
1982 | Nippon – Le Village de Furuyashiki |
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(Nippon koku: Furuyashiki-mura). 3h30.
Alors qu’ils vivent à Magino, les membres d’Ogawa Pro entendent parler d’une masse d’air froid venue du Pacifique qui affecte les récoltes de Furuyashiki, un hameau voisin de huit maisons situé dans les montagnes et habité par une population vieillissante. Le collectif s’y rend pendant deux ans pour tourner ce film. Avec les méthodes du documentaire scientifique, la première partie du film présente une enquête rigoureuse sur l’influence des basses températures sur les récoltes. Grâce à plusieurs expériences, les réalisateurs cherchent à sauver les cultures et à aider les habitants de Furuyashiki. Dans ce petit village, ils retrouvent un microcosme de l’histoire du Japon moderne. Ils enregistrent les histoires personnelles et les récits collectifs des anciens, les légendes que leur ont transmises leurs ancêtres, leurs souvenirs de la guerre du Pacifique, leurs blessures et leurs traumatismes, ainsi que leurs avis sur les changements opérés par la modernisation du pays. Ce film extraordinaire rend un hommage sincère à ces personnes. |
1987 | Le cadran solaire sculpté par mille ans d’entailles – L’Histoire du village de Magino |
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(Sennen kizami no hidokei – Magino-mura monogatari).3h42 Film monumental, qui rassemble toutes les idées et les thèmes que le collectif a développés dans ses œuvres précédentes : la vie et le patrimoine rural ; l’agriculture et la science ; l’histoire, les contes, les coutumes et la vie spirituelle des paysans ; leur attachement à la terre, ainsi que leur longue tradition de résistance face aux autorités. Le présent, le passé et les mythes de Magino se superposent grâce aux récits de ses habitants, au rythme des récoltes du riz et des saisons. Une fouille archéologique ouvre la voie à une réflexion sur l’histoire, tandis que le film suit la lente croissance des cultures, le mouvement solaire et le passage des années. Les habitants racontent leurs histoires, récitent des légendes anciennes et se rassemblent pour reconstituer des scènes de fiction sur les fantômes et les dieux (avec la participation de Tatsumi Hijikata, fondateur du butô), et les récits des révolutions passées. Pour fêter la fin du film et en faire la projection, Ogawa et son groupe conçoivent un théâtre en bois, chaume et terre, qu’ils nomment « le théâtre millénaire ». |