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Dilili à Paris

2018

Avec des voix pour : Dilili, Orel, Emma Calvé, Lebeuf, Les frères Lumière, Toulouse-Lautrec, Poiret, Vallotton, Picasso, Diaghilev, Grand mâle-maître, Colette, Camille Claudel, Suzanne Valadon, Berthe Morisot, Renoir, Brancusi, Renan, Modigliani, Le Prince de Galles, Sarah Bernhardt, Ana de Noailles, La Goulue, Louise Michel, Debussy, Degas, Monet, Eiffel, Rodin, Clémenceau, Douanier Rousseau, Proust, Gide, Chocolat, Bourdelle, Marie Curie, Gertrude Stein, Comtesse Greffülhe, Santos Dumont ,Reynaldo Hahn, Ravel , Matisse, Erik Satie, Marinetti. 1h35.

Dans le Paris de la Belle Époque, en compagnie d’un jeune livreur en triporteur, la petite kanake Dilili mène une enquête sur des enlèvements mystérieux de fillettes. Elle rencontre des hommes et des femmes extraordinaires, qui lui donnent des indices. Elle découvre sous terre des méchants très particuliers, les Mâles-Maîtres. Les deux amis lutteront avec entrain pour une vie active dans la lumière et le vivre-ensemble…

Michel Ocelot choisi la Belle Époque parce que

"c’était le dernier moment où les femmes portaient des robes jusqu’à terre, tenue nécessaire pour faire rêver de reines, de princesses et de fées. C’était une période suffisamment éloignée pour procurer une part de rêve, et suffisamment proche pour avoir tous les documents à portée de la main. Mais en me documentant sur l’époque – ce que je fais pour tous mes travaux – j’ai constaté qu’il n’y avait pas que des froufrous dans cette période 1900, il y avait aussi des personnages d’exception. Je m’en doutais ! Mais leur nombre m’a étonné. La Belle Époque, c’est Renoir, Rodin, Monet, Degas, Camille Claudel, Toulouse-Lautrec, Le Douanier Rousseau, Picasso, Poiret, Valadon, Colette, Renan, Proust, Gide, Gertrude Stein, Anna de Noailles, Brancusi, Modigliani, Wilde, Ravel, Fauré, Reynaldo Hahn, Diaguilev, Nijinsky, Bourdelle, Jaurès, Louise Michel, van Dongen, Anatole France – que je ne montre qu’en photo dans le film, mais je le voulais – Debussy, Satie, Clemenceau, le Prince de Galles (Edouard VII), Santos-Dumont, Pasteur, Méliès, les frères Lumière, Eiffel, Marie Curie, Sarah Bernhardt, Alphonse Mucha, Chocolat..."

Dans cette liste, les femmes s’affirment. En France, les hommes de pouvoir ont toujours fait attention à maintenir les femmes hors du pouvoir, mais ils n’ont jamais imaginé une société sans femmes. Ce qui fait que les femmes, toujours présentes, ont toujours eu une influence sur le pays, quelque non-officielle qu’elle ait été. En 1900, petit à petit, des individualités héroïques parviennent à briser des barrières : il y a la première avocate, la première femme médecin, la première étudiante à l’université, la première professeure à l’université, etc. Ce qui ne les empêche pas d’être belles et bien habillées…

C’est peu… Le premier contact des Parisiens avec des êtres différents fut en fait les «villages indigènes» reconstitués dans des parcs. En lisant les souvenirs de Louise Michel, déportée en Nouvelle Calédonie, j’ai découvert qu’elle s’était intéressée au pays, à ses coutumes, à ses légendes et surtout qu’elle avait continué son métier d’institutrice auprès des petits kanakes (pendant que d’autres déportés ne les traitaient pas bien, heureux de trouver des êtres « en dessous d’eux»). Ainsi, de petits kanakes savaient lire et écrire le français et j’ai imaginé l’un d’eux dans une troupe de ces villages établis à Paris. J’ai fait de cet enfant une petite fille, puisqu’il s’agissait de défendre les petites filles (en regardant les dates, je me suis aperçu que, vingt ans après, les petits enfants n’étaient plus petits enfants – j’ai cependant gardé le jeune âge parce que cela arrangeait bien le scénariste…). J’ai en outre ajouté une particularité à l’héroïne, elle est métisse, encore une catégorie qui a souffert, rejetée par les deux côtés.

un grand garçon livreur en tricycle. Il peut aller partout avec Dilili installée dans le caisson et peut lui présenter énormément de monde, car, comme tout jeune premier qui se respecte, il est beau et tout le monde l’aime. Il est passionné par Paris et les grandes personnalités qui le peuplent. Le troisième personnage est une bonne fée qui intervient chaque fois qu’on a besoin d’aide. J’ai d’abord pensé à Sarah Bernhardt, mais j’ai finalement choisi la cantatrice Emma Calvé, qui fut presque aussi célèbre qu’elle en son temps – même si on l’a oubliée aujourd’hui. Elle a fait le tour du monde et triomphé dans le rôle de Carmen, une héroïne 1900 par excellence et l’opéra le plus joué au monde. Passons aux méchants. J’ai représenté les hommes qui maltraitent les femmes par une secte, les Mâles-Maîtres, qui vit sous terre. Je dois préciser au passage que ces enlèvements de petites filles, cette secte terrible, la complicité des hauts dirigeants de la police, sont de pures inventions pour exposer mon message. Rien de tel n’a eu lieu à Paris. Incidemment, le mauvais préfet de police est ma plus grave entorse à la vérité historique : le grand préfet Lépine était brillant, audacieux, courageux, passionné. Quand j’ai cerné cette personnalité d’exception, je n’ai su qu’en faire. Il n’aurait fait qu’une bouchée des Mâles-Maitres… Le quatrième personnage inventé, c’est Lebeuf, le faux méchant

Une partie du message humaniste de votre histoire repose sur le personnage du chauffeur, qui se laisse d’abord guider par ses préjugés, ses mauvais penchants, puis se ressaisit en laissant parler son cœur. Pourquoi était-ce important pour vous de montrer cette prise de conscience et cette rédemption dans le contexte actuel ? C’est un personnage éminemment réaliste. Des gros ballots qui crachent sur les étrangers et sur les femmes pour se rassurer, on en trouve à tous les coins de rue. Mais leur attitude reste dans des limites. La confrontation à certains excès les réveillent et les redressent. Le chauffeur Lebeuf est un beauf, client du café du commerce, mais dans le repaire des Mâles-Maîtres, on lui fait faire une chose qu’il n’avait pas imaginé et tout à coup les écailles lui tombent des yeux et il dit : « Ça, NON». Il passe au camp adverse,

Dans l’aventure de DILILI, il y a des héros généreux qui aident les gens en danger, des enlèvements, des complots, des bandits et des responsables corrompus qui agissent pour une organisation secrète, un bateau de métal à l’aspect inquiétant, un repaire souterrain, des méchants d’une totale noirceur d’âme. Autant d’ingrédients qui évoquent les feuilletons romanesques comme Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, et les œuvres de Jules Verne. Vous êtesvous plongé dans cet imaginaire de la fin du XIXe / début du XXe siècle au moment de l’écriture du scénario ? Je ne connaissais pas Les Mystères de Paris auparavant, mais cela me semblait le moment de les lire. Une amie eut la bonne idée de m’offrir ce livre dans une édition originale. Après quelques chapitres, j’ai refermé le livre : il est réellement d’inspiration sadique, je n’en ai rien à faire. Je me sens plus à l’aise avec Jules Verne, que je connais comme tout le monde. J’ai joué avec les portes d’acier, les souterrains, les bateaux mécaniques et électriques, les machines qui font descendre et monter et surgir au milieu d’une rivière… Il y a aussi Victor Hugo avec ses descriptions de Paris, tout en haut de Notre-Dame ou au fond des égouts, et ses riches et ses pauvres. Avec tous ces ingrédients, j’ai tâché de faire mes propres mystères de Paris. Aviez-vous aussi en tête les fameux bateaux en forme de cygne que Louis II de Bavière avait fait construire pour voguer dans la grotte artificielle de son château ? Bien sûr, j’ai pensé à la barque de Louis II de Bavière dans son lac sous le château (et son goût pour l’opéra). J’ai pensé aussi au Fantôme de l’Opéra imaginé par Gaston Leroux. J’ai métamorphosé le réservoir d’eau qui se trouve sous l’Opéra, répondant aux fantasmes des gens et aux miens. J’ai donc mis un vrai lac sous l’Opéra. De même, j’ai joué avec le fantasme de faire avancer un objet volant en pédalant, même si je sais que nos muscles ne sont pas suffisants pour entrainer une hélice utile. Vingt petites filles qui pédalent pour faire avancer l’aéronef qui les délivre, cela fait du bien. Je m’autorise ces licences poétiques de temps en temps, mais la plus grande partie du récit est basée sur des faits historiques.

J’ai pu ainsi photographier l’Art Nouveau du « Bouillon Racine », un de ces bouillons, modestes à l’époque, qui ont conservé la décoration d’origine, 1900 et discrète. Dans un autre style, j’ai pu aussi mitrailler sous toutes ses coutures le restaurant Maxim’s, 1900 et pas discret. C’est lui qu’on voit au premier étage de ma Tour Eiffel. J’ai aussi bénéficié d’un vrai accès aux Égouts de Paris où de sympathiques égoutiers ont tout fait pour m’aider dans mon exploration.

au musée d’Orsay, au musée de l’École de Nancy – le seul qui ne soit pas à Paris, mais cette école a décoré et meublé Paris –, au musée Carnavalet, aux musées Rodin, au musée du Quai Branly, au musée Marmottan-Monet, à l’Opéra de Paris, du sous-sol au toit ! Que de satisfactions je leur dois !