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Butterfly vision

2022

Cannes 2012  : Competition officielle Avec : Rita Burkovska (Lilya), Lyubomyr Valivots (Tokha), Myroslava Vytrykhoska-Makar (Lamère de Lilya), Natalya Vorozhbit (La Pie). 1h47.

2017. Quelque part dans le Donbass à la frontière entre les séparatistes pro-russes et les ukrainiens a lieu un échange de prisonniers. Six Russes contre Lilya, surnommée Butterfly, enfermée depuis deux mois. Après un rapide examen médical, elle prend un avion militaire pour Kiev avec d'autres prisonniers libérés. La télévision ainsi que des commentaires sur les réseaux sociaux sont là pour l'accueillir ainsi que sa famille, sa mère et Tokha, son mari, principalement.

Lilya traverse la ville en voiture pour atteindre l'hôpital où elle devra passer des tests. Fatiguée, elle préfère que sa mère et Tokha rentrent chez eux. Elle prend une douche qui laisse apparaître les cicatrices et brûlures, conséquences des sévices qu'elle a subi.

Le lendemain, un officier vient aux renseignements dans l'espoir de recueillir quelques détails utiles à l'armée. Enfermée dans deux geôles successives, Lilya n'a pas grand chose à dire. Elle subit ensuite des tests médicaux. l'examen gynécologique, bien que pudiquement pratiqué lui est presque insupportable, cicatrices et dilatation de l'utérus font craindre un viol suivi d'un début de grossesse. C'est ce que révèle l'échographie du lendemain. Les clichés de celle-ci sont maladroitement remis à Tokha qui accuse le coup en saccageant le mobilier de la chambre. Il déclare comme allant de soi que Lylia avortera au plus tôt comme le lui a indiqué le médecin.

C'est le lendemain qu'a lieu l'intervention. Mais Layla refuse brusquement qu'on la touche plus avant et renonce à l'avortement. 

Son amie et ancienne commandante, La Pie, lui coupe les cheveux pour lui offrir une nouvelle coupe. Lilya lui avoue avoir renoncé à avorter, ce que La pie ne comprend pas et l'encourage à changer d'avis en lui proposant une thérapie auprès d'une médecin, amie de combat aussi. Alors qu'elle s'y rend en bus privé, normalement gratuit pour les anciens combattants, Lylia est rabroué par le chauffeur et une partie des passagers qui n'approuvent pas la poursuite des combats contre les Russes. Leila descend avec une passagère qui a défendu sa cause mais à laquelle elle n'a pas grand-chose à dire. pareillement elle ne se sent pas à l'aise à l'hôpital avec les anciens combattants.

Leila est encore plus mal à l'aise lors de la fête organisée en son honneur par sa famille et des combattants proches. Les photos et vidéos de son mariage heureux et lumineux avec Tokha au front lui sont maintenant difficiles à regarder. Elle veut avouer à sa mère qu'elle est enceinte ; ce qu'elle fait mais sans oser briser la joie de sa mère en lui révélant que le père n'est pas Tokha. Sa mère a déjà beaucoup souffert des miliciens russes qui l'insultaient ainsi que la grand-mère de Lylia avec le téléphone qu'ils lui avaient pris.

Thonkha, désœuvré après son retour de la mobilisation et réduit à servir dans une défense civile sans objectif militaire, se laisse embrigader par une milice fasciste qui détruit un camp de Rom dans la forêt. Un homme est tué et des miliciens sont condamnés à de la prison. Tokha est le seul libéré car sa mère a pris prétexte de la grossesse de Lylia pour lui trouver des circonstances atténuantes.

Au bout de cinq mois de grossesse, Lilya est injurée sur les resaux sociaux russes qui ont vite compris que Thokha ne pouvait être le père : c'ets l'enfant issu d'un viol par un russe qui l'a sauvé de la prison. Tokha a laissé des armes chez lui et, assigné à résidence, sa cohabitation avec Lylia devient difficile. Alors que Lilya lui annonc voiloir vivre un peu chez sa mère, il se suicide.

Lors du repas de funérailles, tous, soldats et parents de Tokha savent que l'enfant n'est pas de lui. Mais chacun se comporte dignement auprès de Lylia qui, néanmoins malheureuse, perd les eaux. Elle accouche à l'hôpital avec une césarienne.Sa petite fille, bien que prématurée, est en bonne santé. Lilya décide de repartir au front pour un contrat d'un an au moins. Elle fait adopter son enfant par le couple dont la femma l'avait aidé durant sa thérapie.

Revenue près de la place centrale de Kiev, intacte, Lilya repart en jeep vers le front. Avec une autre combattante, elle fait voler un nouveau  drone espion.

Le premier long-métrage de l’Ukrainien Maksym Nakonechnyi, 31 ans, est achevé fin février 2022, la veille de l’invasion de son pays par l’armée russe. Trois mois plus tard, Butterfly Vision est présenté à Cannes dans la catégorie Un certain regard.

En 2018, Maksym Nakonechny est monteur sur le documentaire d’Iryna Tsilyk, The Earth is Blue as an Orange, sur les femmes ukrainiennes engagées dans le combat. Les témoignages recueillis dans le film créent le déclic, inspirent l’idée d’un long-métrage. C’est ainsi que Butterfly Vision retrace la libération et le retour à Kiev d’une soldate, après une captivité de deux mois dans les prisons du Donbass.

Le traumatisme de la captivité la tourmente et refait surface sous forme de visions alors que le quotidien manque littéralement de couleur. Lilya cherche à reprendre le contrôle de sa vie intérieure. Régulièrement, elle voit sa position comme vue au travers des images de la caméra du drone qu'elle pilotait. Tout est  contrôlé : l'angle et la hauteur de vol mais tout est alors rassurant. Elle est parfois en revanche déchirée des réminiscences pixélisées des tortures subies ou identifie la ville meurtrie par un obus à son ventre qui porte un bébé imposé. Son ventre explosé comme pourrait l'être la place Troitska, à côté du stade olympique de Kiev avec en son centre un cratère d'obus. Tout autour d’elle, les bâtiments sont détruits et des fumées noires obscurcissent l'horizon. Des fois aussi le drone prend la forme d'un beau papillon. Face à ce passé qui ne passe pas, la palette de couleurs dévolue au temps présent se cantonne souvent au kaki des chambres d'hôpital ou au gris des rues l'hiver.

Son bébé, ancré en elle, empêche Lilya d'oublier, mais elle refuse de se voir comme une victime ou de rajouter de la violence à la violence. Son obstination tranquille rejoint celle de la caméra à ne montrer que ce qu'il faut du corps de Lilya, le haut du dos avec ses cicatrices. Le haut de la poitrine marquée de cicatrices de brûlure et l'examen gynécologique caché par un paravent. La violence est celle de Tokha qui éclate de colère à la vue de l'échographie. Gangrené par le snetiment de son inutilité, il  se laise entrainé par une brigade fascite et au suicide parce que les reseaux sociaux russes avait rendu public le viol de sa femme et l'identité de son bébé. Enfermé dans ce cercle de violence, il se suicide.

Le film s'était ouvert sur la vision depuis un drone militaire qui parcourait des paysages arides avant de révéler une zone militarisée ou se cachent divers chars d'assaut. Un jeep conduisait ensuite Leila au pont sur lequel l'échange etait effectué. Le film se clôt après l'enfant laissé à ses parents par la vision de la place centrale de Kiev intacte, un cheminement vers le front et le lancement du drone. Le chemin du retour au combat, reprenant les mêmes étapes en sens inverse que le retour en Ukraine marque la détermination à toute épreuve de Lilya. La captivité n'a ainsi pas réussi à faire d'elle une victime. Elle revient au combat avec la même certitude de sa nécessité que lorsqu'elle se mariait avec Tokha.

Jean-Luc Lacuve, le 16 octobre 2022.

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