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Borg / McEnroe

Janus Metz Pedersen
2017

(Borg vs. McEnroe). Avec : Shia LaBeouf (John McEnroe), Sverrir Gudnason (Björn Borg), Stellan Skarsgård (Lennart Bergelin),Tuva Novotny (Mariana Simionescu), Robert Emms (Vitas Gerulaitis), Scott Arthur (Peter Fleming). 1h48.

1980. Monte-Carlo. Björn Borg sort de son hôtel. Il vient de gagner Roland Garros et tout le monde le donne gagnant pour sa cinquième victoire d'affilée à Wimbledon qui le fera entrer dans la légende du sport. Borg est pourtant préoccupé. Il a égaré la clé de sa voiture qui contient son portefeuille et s'en va, à pied, tentant vainement de se cacher de ses fans.

Björn Borg est préoccupé. Il se sent menacé pour la suprématie mondiale du tennis par John McEnroe. Il passe par un café. Il n'a pas d'argent pour payer sa consommation. En contrepartie, il aide ainsi le barman, qui ne le reconnait pas, et tente de faire croire qu'il a une vie normale : il est électricien et se donne pour prénom celui de son père. Il arrive enfin chez sa fiancée, Mariana, qui a préparé son sac selon ses habitudes les plus strictes.

Björn Borg se souvient de sa jeunesse. Combien, à 14 ans, il aimait jouer contre la porte du garage familial, combien aussi il était colérique dans son club de Södertälje, à 30 kilomètres au sud de Stockholm. Suite à l'une de ses colères homériques, le président de son club convoqua sa mère pour lui signifier l'exclusion de son fils pour six mois suggérant qu'il s'agissait d'un sport de gentleman sans doute pas adapté à toutes les classes sociales. Il suggère que Björn pourrait avec profit choisir le hockey sur glace où il excellait aussi.

Borg a alors la chance d'être repéré par Lennart Bergelin, le sélectionneur de l'équipe de coupe Davis, ancien champion, trois fois quart de finaliste à Wimbledon. Bergelin repère que le tempérament bouillonnant de Borg ne l'empêchera pas, au vu de sa détermination, d'être un jour numéro un mondial. Pour cela, il doit canaliser sa colère. Il lui inflige ainsi trois décisions de faute manifestement inexactes pour tester sa réaction. Borg s'emporte et s'en va frapper les arbres de la forêt. Quand Bergelin le rejoint, il lui demande non de s'excuser mais de comprendre qu'il doit utiliser sa colère pour penser à gagner le point suivant et seulement lui. C'est ainsi qu'il gagnera un match et non pas en pensant à la victoire ou à la défaite (insupportable).

A New York, John McEnroe est élevé par une mère sévère qui voit d'un mauvais œil le tennis que pratique son fils, préférant de beaucoup ses performances en calcul mental. John s'énerve tout autant que Borg sur les cours et a fait, de celui qu'il imagine, comme tous, imperturbable, son modèle.

Contre l'avis de Bergelin, Björn Borg est sélectionné pour affronter l'Afrique du Sud en coupe Davis alors qu'il n'a que quinze ans. Il est ainsi le plus jeune joueur de l'histoire de cette compétition. Borg gagne; sa légende commence.

1980. La compétition commence. McEnroe dessine sur le mur de sa chambre le tableau des qualifications. Il affrontera son ami Peter Fleming en quart. Lorsque le moment arrive peut-être lui subtilise t-il sa chevillière destinée à soutenir son articulation fragile. Peter l'en soupçonne et lui dit qu'il n'entrera jamais dans l'histoire parce que personne ne l'aime. Cela se confirme sur le cours où il est hué tant ses remarques contre les pigeons, l'arbitre ou les spectateurs indisposent.

Borg de son coté gagne difficilement ses matches contre des adversaires pourtant largement à sa portée. Énervé, décontenancé, il devient insupportable en dehors des courts. Il insulte son entraineur et le licencie. Il s'emporte aussi contre Mariana qu'il oblige à quitter la chambre et semble vouloir ne plus se marier. Pourtant, ni l'entraineur ni sa fiancée ne l'abandonnent et viennent le retrouver pour la finale

Arrive la fameuse finale. Borg perd le premier set 1-6. Pour tous, y compris Bergelin et Mariana, McEnroe va gagner. Mais Borg se rebiffe et, impérial, remporte les deux sets suivants, 7-5 et 6-3. Personne ne voit alors la victoire lui échapper mais le quatrième set est disputé. Borg multiplie les passing-shots et les revers à deux mains gagnants. McEnroe, toujours à l'attaque, place la balle dans les endroits du court les plus improbables. Le tie-break décisif s'amorce. Borg a successivement, une, deux, trois jusqu'à sept balles de match. Elles sont toutes sauvées par McEnroe qui remporte finalement le tie-break du set sur le score de 18-16. Personne ne pense alors que Borg va se relever d'autant d'occasions perdues. Mais Borg s'accroche et gagne le dernier set 8-6 sur sa huitième balle de match.

Borg a gagné sa cinquième victoire d'affilée mais McEnroe a gagné l'estime du public. Il est aussi applaudi que le vainqueur.

Lors de la fête donnée en son honneur, Mariana quitte la table. Borg la suit et lui renouvelle son engagement pour le mariage. A l'aéroport, ils croisent McEnroe. Les deux champions se congratulent et reconnaissent leur valeur respective, leur destin commun. Ils nouent là une amitié qui ne se démentira jamais.

En 1981, McEnroe battra Borg en finale de Wimbledon. Borg mettra fin à sa carrière deux ans plus tard, à 26 ans.

Le film propose un double portrait de deux champions dont les styles très différents firent entrer la finale de Wimbledon 1980 dans la légende du sport. Et cela tout autant que le score très disputé, ses huit balles de match, un tie-break du quatrième set remporté 18-16 par McEnroe mais une victoire remportée en près de quatre heures par Björn Borg (1-6 7-5 6-3, 6-7 8-6). Il faudra attendre presque trente ans pour retrouver une telle tension avec la finale Federer-Nadal de 2008.

Filmer le sport

Même s'ils n’ont que trois ans d’écart, on a fait de la rivalité Borg/ McEnroe un choc des générations. Borg, vainqueur quatre années de suite lorsqu’il se présente à Wimbledon en juin 1980, incarne l’ordre établi quand McEnroe, 21 ans, déboule comme un chien enragé dans un jeu de quilles.

La technique de McEnroe est presque acrobatique, montant à la volée et semblant se désarticuler autour de sa raquette pour renvoyer la balle dans les endroits du court les plus improbables. Serge Daney commenta cette finale pour Libération : "Le fameux passing-shot de Borg écrit-il, est non seulement redoutable mais humiliant. Il donne aux victoires de Borg les allures d’un constant rappel à l’ordre ou d’une leçon de tennis. Borg envoie la balle là où l’autre n’est plus. McEnroe, lui, aurait plutôt tendance à l’envoyer là où il ne sera jamais."

La figure christique de Borg

Borg est immédiatement reconnaissable : longs cheveux blonds contenus par un bandeau en éponge, tenue Fila à fines rayures, raquette Donnay orange et noir, revers lifté puissant qu'il joue à deux mains, souvenir d'une technique de hockey sur glace. Il s'agit pourtant d'un temps où les raquettes étaient en bois en non en fibre, les balles blanches et non jaunes, les cordages en boyaux et non synthétiques.

Pour beaucoup, le film est aussi la découverte du caractère incontrôlable et excessif de Borg. Il ne parvient à canaliser son bouillonnement intérieur qu'au prix d'un hyper contrôle. Le film réunit les deux champions par l'idée que seuls ceux pour qui la défaite est insupportable deviennent numéro un mondial.

Jean-Luc Lacuve, le 3 décembre 2017

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