Hunger
2008

Prison de Maze, Irlande du Nord, 1981. Raymond Lohan est surveillant, affecté au sinistre Quartier H où sont incarcérés les prisonniers politiques de l'IRA qui ont entamé le "Blanket and No-Wash Protest" pour témoigner leur colère. Détenus et gardiens y vivent un véritable enfer.

Le jeune Davey Gillen vient d'être incarcéré. Il refuse catégoriquement de porter l'uniforme réglementaire car il ne se considère pas comme un criminel de droit commun. Rejoignant le mouvement du Blanket Protest, il partage une cellule répugnante avec Gerry Campbell, autre détenu politique, qui lui montre comment passer des articles en contrebande et communiquer avec le monde extérieur grâce au leader Bobby Sands qu'ils croisent lors de la messe dominicale.

Lorsque la direction de la prison propose aux détenus des vêtements civils, une émeute éclate. Au cours des échauffourées, les prisonniers détruisent les cellules neuves où ils avaient été installés. La rébellion est matée dans le sang. La violence fait tache d'huile et plus aucun gardien de prison n'est désormais en sécurité. Raymond Lohan est abattu d'une balle dans la tête.

Bobby Sands s'entretient alors avec le père Dominic Moran. Il lui annonce qu'il s'apprête à entamer une nouvelle grève de la faim afin d'obtenir un statut à part pour les prisonniers politiques de l'IRA. La conversation s'enflamme. Malgré les objections du prêtre, qui s'interroge sur la finalité d'une telle initiative, Bobby est déterminé : la grève de la faim aura lieu ... Bobby Sands en mourra.

Steve McQuenn préfère les symboles artistiquement mise en scène au discours politique documenté. C'est un choix original mais forcement un peu autiste. C'est cependant moins le corps social que décrit le cinéaste que le cheminement christique vers le sacrifice d'un corps.

Marguerites, pantalons à carreaux et Poom, le petit poulain

Pour parler du conflit Nord-Irlandais, Steve McQuenn commence ainsi à filmer un gardien de prison qui se comporte envers les prisonniers avec la cruauté exigée par ses chefs ce qui ne l'empêche ni de prendre son petit déjeuner ni de porter des marguerites à sa pauvre maman sénile. Quel est l'intérêt de nous faire partager le point du vu du gardien ? Le film se veut-il une réflexion sur la responsabilité ? Où est-ce l'occasion de figurer la contagion de la violence (jointures des mains de plus en plus meurtries) et le vide humain du gardien (regard absent dans la glace, blancheur de la neige) ? Steve McQuenn utilise aussi cette esthétique digression morale à des fins dramatiques avec l'explication progressive des jointures abîmées ou assassinat brutal d'une balle dans la nuque.

Plus tard, les prisonniers accepteront les recommandations des politiques du parti qui leur conseillent de négocier avec les autorités de la prison et d'accepter des vêtements civils. Mais c'est parce que ceux-ci sont ridicules, lainages multicolores et pantalons à carreaux, que les prisonniers se révoltent et cassent leurs nouvelles cellules. Peut-être est-ce la vérité historique mais l'humiliation nouvelle apparaît un peu dérisoire.

La digression explicative la plus longue concerne l'histoire de la ballade en Irlande que Bobby Sands fit enfant avec ses copains pour une course à pied et qui le conduisit à noyer un poulain blessé à mort et qui souffrait. Cet acte courageux fut la scène initiale qui lui forgea l'âme d'un chef. Même symbolisme moral appuyé avec la scène de brutalité policière qui se conclut sur les larmes du gentil policier qui avait compris un peu tard qu'il n'avait pas l'âme d'un tortionnaire.

Trois mouvements pour un sacrifice

Narrativement peu intéressant, politiquement sans grand intérêt, le film retient pourtant l'attention par ses partis pris plastiques. Il se compose ainsi de trois mouvements successifs et articulés de façon convaincante pour conduire au sacrifice christique.

Le premier mouvement est celui de la violence policière et de la violence des corps. Suivent les mouvements de l'explication politique et du sacrifice christique

Le premier mouvement exacerbe ce qui tient au corps (nourriture, pisse, merde, orifices humains qui permettent de cacher messages et objets); le second exacerbe la décision morale par son plan fixe de vingt minutes alors que, dans le troisième mouvement, disparaissent la violence et la parole des précédents pour laisser planer les symboles : poulain, forêt, plaies et corbeaux.

Jean-Luc Lacuve, le 5 décembre 2008.

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Thème : conflit Nord-irlandais

Avec : Michael Fassbender (Bobby Sands), Liam Cunningham (Le père Dominic Moran), Stuart Graham (Raymond Lohan), Liam McMahon (Gerry Campbell), Brian Milligan (Davey). 1h30.