Poetry

2010

cannes 2010 : prix du scénario (Shi). Avec : Yoon Hee-Jeong (Mija), Lee Da-wit (Wook), Kim Hira (M. Kang, le président), Ahn Nae-sang (le père de Kibum). 2h19.

Dans une petite ville de la province du Gyeonggi traversée par le fleuve Han, Mija vit avec son petit-fils, Wook, qui est collégien. C'est une femme excentrique, pleine de curiosité, qui aime soigner son apparence et arbore des chapeaux à motifs floraux et des tenues aux couleurs vives.

Le hasard l'amène à suivre des cours de poésie à la maison de la culture de son quartier et, pour la première fois de sa vie, à écrire un poème.

Elle cherche la beauté dans son environnement habituel, auquel elle n'a prêté aucune attention particulière jusque-là. Elle a l'impression de découvrir enfin des choses qu'elle a toujours vues, et cela l'enchante.

Cependant, survient un événement inattendu qui lui fait réaliser que la vie n'est pas aussi belle qu'elle le pensait.

Le professeur de poésie sait que celle-ci est à l'agonie et, comme lui, nous nous nous réjouissons de voir tous ces élèves tenter de lui redonner vie. Toutes les séquences : cours, déclamations et discussions entre participants, prises de notes par Mija auraient pu constituer un film léger, fragile et mystérieux. D'autant que les premières séquences semblent faire sourdre une terrible violence : cadavre flottant sur l'eau, mère éplorée à même le sol, capitaliste infirme mais autocrate radin., adolescent abruti par la télévision.

Progressivement hélas le film complexifie ses enjeux narratifs pour boucler un scénario qui doit aboutir à la création d'un poème et nous faire retourner à la première image, le fleuve et ses eaux violentes.

Lee Chang-dong a obtenu le prix du scénario à Cannes pour cela. Incontestablement, il arrive à rendre vraisemblable la mixture de 2h20 préparée. Celle-ci exploite pourtant nombre d'enjeux sociaux trop explicites qui sont comme des contrepoints à la poésie. En opposition avec elle, ils ne lui font pas écho et finissent par l'étouffer. A force de faire servir tous ces thèmes sociaux (Alzheimer, tournante, mère divorcée absente pour gagner sa vie, éducation par les grands-parents, pères obsédés par la qu'en dira-t-on) et le moindre ressort dramatique (le portrait, le flic incorruptible, les trous de mémoire), Lee Chang-dong les dépouille de leur mystère.

Même la fin n'est guère convaincante. Ce poème qu'il est difficile d'apprécier en lecture unique, semble émaner d'une vieille femme qui a beaucoup vécu, certes avec des échecs mais qui accepte la mort sans rancœur. Alors pourquoi le déplacer dans la bouche de la jeune fille violée, qui prend le relais de la lecture, si ce n'est pour la satisfaction d'un scénario bouclé.

On a du mal à comprendre la poésie universaliste de Lee Chang-dong qui établie une équivalence entre l'adolescence humiliée et la vieillesse déçue... Est-ce cela qu'il fallait voir ?

Jean-Luc Lacuve le 26/08/2010