Berlin, 1811. Le jeune poète tragique Heinrich Von Kleist est invité chez les Vogel pour une soirée musicale où une cantatrice célèbre chante la tristesse d'une violette dont la beauté n'est pas même reconnue lorsqu'elle est piétinée. Henriette, la maitresse de maison a été sensible à La marquise d'O, la nouvelle récemment publiée de Kleist. Elle ne trouve aucunement absurde cet amour de la marquise pour l'homme qui l'a sauvée puis violée et qu'elle ne peut pourtant ni s'avouer ni accepter pour cela. A son mari, le statisticien Friedrich Louis, chargé d'établir l'assiette du nouvel impôt que paieront désormais les nobles, elle fait part aussi de sa sympathie pour la condition insupportable des artistes dont on peut se moquer à la moindre faute. Elle se dit satisfaite de sa situation d'épouse et mère de la jeune Pauline
Ainsi Henriette est-elle très surprise lorsqu'un jour de printemps, Kleist lui déclare l'aimer suffisamment pour lui demander de se suicider avec elle. Il en aime une autre, sa cousine Marie, mais il trouve à celle-ci un manque notable de sensibilité puisqu'elle dédaigne sa proposition de s'aimer dans le suicide. Kleist a perçu chez Henriette une solitude semblable à la sienne et un manque de goût pour les choses de ce monde. Elle ne peut que souhaiter le suicide comme le seul geste d'amour possible. Henriette, certaine de l'amour de son mari et de sa fille, refuse gentiment cette proposition extravagante.
Kleist n'a pas plus de succès avec Marie sa cousine lorsqu'au retour d'un voyage où elle s'est fiancée, il lui renouvelle sa proposition. De son coté, Henriette s'est évanouie après avoir chanté elle-même la triste histoire de la violette. Le médecin de famille diagnostique une tumeur et envoie ses conclusions à l'académie de médecine qui valide son analyse n'accordant plus que quelques mois de vie à Henriette. Celle-ci est maintenant décidée à accepter la proposition d'Heinrich. Elle laisse une lettre d'adieu à son mari et s'enfuit dans une auberge avec Heinrich, décidée à en finir au petit matin. Dans l'auberge cependant, ils rencontrent une connaissance qui interprète vulgairement leur fuite commune. Kleist ne le supporte pas et s'enfuit seul, laissant Henriette désemparée. De retour chez elle, elle cache la lettre d'adieu destinée à son mari et quil n'a ni trouvé ni ouverte.
Même si les analyses d'urine ne révèlent rien de grave, le médecin continue d'être persuadé qu'Henriette va mourir. Celle-ci chante avec sa fille le destin d'une primevère solitaire et accueille gentiment Kleist chez elle. Il prétexte une chasse aux papillons pour l'emmener, en hiver, faire une promenade dans les bois. Ni l'un ni l'autre ne sont dupes du contenu de la valise : deux pistolets. Henriette se retourne pour discuter avec Heinrich quand celui-ci fait feu sur elle. Il retourne l'arme contre lui mais celle-ci s'enraille deux fois.
On apprend à Friedrich Louis la mort de sa femme et d'Heinrich. Il cherche vainement d'abord une lettre d'adieu et finit par retrouver la première lettre écrite, cachée au fond d'un tiroir. Le médecin apprend à la famille que l'autopsie a révélé qu'Henriette était en parfaite santé sans aucune tumeur ou lésion. Pauline joue seule au piano la chanson de la primevère que chantait encore récemment sa mère. Elle salue, seule.
Film burlesque et tragique, d'une grande beauté et de profondeur de sentiments faisant l'apologie de personnages décalés avec les valeurs humanistes classiques mais entêtés au-delà de toute raison. Heinrich reste inflexible vis-à-vis des aléas dus aux sentiments changeants des autres ou à la possibilité que son pistolet s'enraye. Il a suffi à Jessica Hausner de signaler qu'il avait deux pistolets chargés pour que l'on ne doute pas de son suicide, traité par une ellipse, après que le premier pistolet se soit enrayé. Une simple branche évoque le printemps et les lieder très beaux sont chantés deux fois. La situation des personnages a changé pour qu'on les entende différemment.
Jean-Luc Lacuve, le 25/02/2015.