Quatre minutes de plan fixe de deux jeunes gens enchaînés, allongés dans l'herbe. Comme d'habitude, chaque mois de mai, on allait dans la famille de papa. Près de Dodge city, mon oncle dirigeait maintenant l'exploitation d'un gisement d'aluminium pour Alcoa company. On habitait à l'écart de la ville dans une propriété qu'il avait rachetée au directeur de la banque. La maison était au milieu d'un parc. Le vendredi il n'est pas rentré. Les ouvriers l'avaient enfermé dans son bureau
Des grévistes s'expriment off ainsi que leurs délégués.
Les ouvriers travaillent moins et gagnent beaucoup plus, depuis la création
des syndicats les véritables ouvriers c'est les patrons. D'ailleurs
les ouvriers disaient papa, pouvaient s'offrir du poulet tous les dimanches.
Si les ouvriers haïssaient la bourgeoise c'est parce qu'ils l'enviaient..
et l'envie est un vilain sentiment. Oncle Sam était d'accord en théorie
mais pas en pratique. Les syndicats sont utiles. Il faut dialoguer avant que
la situation ne dégénère. Qui a empoisonné les
chevaux, mis le feu à l'imprimerie, à l'hôtel Nixon ?
Les voix qui bégaient ont parlé de grève de sociale démocratie,
de révisionnisme et de minorité agissante et d'assemblée
générale. Les voix qui mentent, elles ont parlé de situations
qui dégénèrent de mécontentement général,
de braves gens qui ont peur et d'honnêtes travailleurs.
Mettre le feu à l'imprimerie fait qu'il n'y a plus d'information, mettre le feu à l'hôtel aboutit à la création de milices armées. Les minorités sont des agents de la réaction qui ont permis le triomphe des classes dirigeantes. Mais grève générale ; alors armée mobilisée. Deux voix qui ont continué à mentir et deux à bégayer. Quelle est la notre ? Comment le savoir ? Que faire ?
Aujourd'hui la question "Que faire ?" se pose avec force aux cinéastes militants. Il ne s'agit plus de choisir une route mais de déterminer ce qu'ils doivent faire pratiquement sur une route que l'histoire des luttes révolutionnaires leur a appris à connaître, sur uen route que l'histoire leur a appris à connaître. Oui, "que faire ?". Faire un film par exemple. Que veut dire "Où en sommes-nous ?" pour un cinéaste militant". Ouvrir une parenthèse pour s'interroger sur l'histoire du cinéma révolutionnaire.
Victoire du cinéma révolutionnaire : 19 juillet 1920, après le rapport du camarade Lénine au deuxième congrès de la troisième internationale sur les taches principales de l'internationale communiste, le camarade Dziga Vertov déclare à la tribune ; " nous cinéastes bolvchevique savons quil n'y aps de cinéma en soi, de cinéma au dessu des classes. Aussi savons-nous que le cinéma est une tache secondaire et notre programme est-il archi simple : voir et monter le mond eau nom de la revoltion mondiale du prolétariat. C'est le peuple qui fait l'histoire, cependant sur les écrans du western hémisphère, c'est toujours le règne des beaux messieurs et des demoiselles. L'exigence est toujours imposée aux acteurs sous prétexte qu'ils doivent mettre l'accent sur les sentiments et l'instinct de manifester sans aucune retenue sur l'écran les idées corrompues de la bourgeoisie et de représenter sans scrupule le mode de vie bourgeois dégénéré à l'abri de leur maquillage.
Défaite du cinéma révolutionnaire : le 18 novembre 1924, quelques jours après la mort de Lénine, Serge Eisenstein sort bouleversé d'une projection d'Intolérance, film de l'impérialiste nord-américain Griffith. Conséquence : en 1925 confondant tâche principale et tâche secondaire, Eisenstein filme la révolte des marins du Cuirassé Potemkine au lien de glorifier les luttes actuelles. Conséquence, en 1929, dans La ligne générale, à propos de la réforme agraire, il ne sait qu'utiliser des concepts anciens pour décrire la collectivisation ; chez lui, l'ancien triomphe toujours du nouveau. Conséquence, cinq ans plus tard Hollywood lui paye un billet pour filmer la révolution mexicaine pendant qu'à Berlin le docteur Goebbels exige des dirigeants de la UFA un Cuirassé Potemkine nazi.
Le vent d'est est tourné en juin-juillet 1969. Un riche mécène italien décide de regrouper des cinéastes et personnalités contestataires de mai 68 et de leur commander un grand film collectif. Sont ainsi réunis, Godard Cohn-Bendit, Marco Ferreri, Gian Maria Volonté, Glauber Rocha. Mais, plutôt que de faire un film, les "auteurs" partent à la plage ou au bistrot. Seul Cohn-Bendit et Godard s'intéressent au projet. Cohn-Bendit veut tourner un western gauchiste ce qui est une absurdité pour Godard, la forme western n'ayant engendrée que des films réactionnaires. Godard envoie un télégramme à Jean-Pierre Gorin, militant maoïste avec lequel il est en contact régulier depuis les années 65-66, depuis avant la Chinoise, pour qu'il le rejoigne sous peine d'abandonner le film.
Gorin est alors à l'hôpital duquel il s'enfuit. Gorin et Godard vont faire un mini coup d'état. Vent d'est devient le film manifeste du groupe Dziga Vertov. Plusieurs séquences informent de cette création, dont le livre consacré au cinéaste, présenté comme un étendard. La bande son explique que Vertov est préféré à Eisenstein, controverse fondatrice du cinéma contestataire et marxiste. Faut-il briser l'illusion sur laquelle repose le cinéma ? L'utiliser pour faire de la propagande ? Cinéma joué ou non joué, luttes actuelles ou celles du passé ? Le groupe Dziga Vertov cherche à se situer non seulement dans l'histoire ou la politique mais dans l'histoire du cinéma révolutionnaire, cinéma matérialiste inspiré de la révolution culturelle chinoise et de la position archi-minoritaire de Vertov au sein du cinéma soviétique.