JLG réalise, pour la télévision suisse-romande, ce « Scénario du film Passion » où, la plupart du temps en ombre chinoise et face à un écran lumineux (On retrouve la même situation dans le court « Changer Dimage »), il explique le cheminement quil à empruntait pour aboutir au scénario-film « Passion ».
La Loi était-elle écrite avant dêtre vue ? Moise
a-t-il gravé les Tables avant ou après avoir vu la Loi ?
Pourquoi lécrit apparait-il ? Ce sont les marchands qui linventent
pour faciliter léchange des marchandises et ce nest que
bien plus tard quil servira à la rédaction de romans.
Le scénario néchappe pas à cette loi : ce sont
les comptables qui lexigent afin dévaluer le coût
dun film.
Le scénario
Dabord la page blanche, lécran
blanc devant lequel se dresse la silhouette de JLG. Et la caméra doit
montrer linvisible scénario. Car il sagit, dabord
et avant, de voir le scénario. Cela ne peut partir que didées
vagues qui sont déjà des idées de mouvements.
Pour JLG, puisquil convient de sappuyer sur dune image,
il ne faut pas lui tourner le dos comme à la télévision
où seuls ceux qui la manipulent la voient.
Et ensuite vient un son : Mozart... Mais par accident, il peut venir Leo Ferré.
« Frères humains, qui après nous vivez,
N´ayez les curs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci-attachés, cinq, six
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s´en rit
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre! »
Une idée vague
la vague
la grève
un mouvement
de grève
Et le scénario se construit par lapparition
de deux ou trois choses. A la différence de beaucoup, de celui qui
fait un film sur les étoiles et nenquête pas sur les extra-terrestres,
JLG enquête afin que ces choses apparaissent. Isabelle interprète
une ouvrière, alors il convient daller voir dans une usine afin
de répondre à quelques interrogations.
Est-ce que les gestes dune ouvrière nont pas à voir
avec les gestes des mains de « Ariane, Vénus et Bacchus »
? (Le Tintoret, 1576.) Est-ce que la vie na pas à voir avec cette
Sainte Trinité : lamour le travail et quelque chose entre les
deux ?
Et dimages en sons, de sons en images, de sons-images en mouvements,
il peut enfin :
« Voir si ce monde (celui de Passion) pouvait exister. C'est ça,
c'est le travail du scénario. Ensuite on fait le film. Mais il faut,
non pas créer un monde, créer la possibilité d'un monde.
La caméra fera ce travail, rendra ce possible probable. Ou ce probable
possible, plutôt. Ce qu'il faut, c'est créer une probabilité
dans le scénario. (...) Créer ce probable, voir, voir l'invisible
(...). Si l'invisible était visible, qu'est-ce qu'on pourrait voir
? Voir un scénario. »
Godard a beaucoup produit autour de ce film :
Un texte intitulé « Passion, Premiers éléments
» reproduit dans le tome 1 de JLG/JLG
« Passion. Introduction à un scénario » -
cahier composé de textes et d'images photocopiées, reproduit
dans le tome 1 de JLG/JLG
Un film en vidéo intitulé « Troisième état
du scénario du film Passion »
« le Scénario du film 'Passion' »